samedi 16 janvier 2010

Mr. Nobody, de Jaco van Dormael (Fr.-GB-Belgique-Canada, 2010)

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Note :
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14 ans après « Le huitième jour », son opus précédent, le cinéaste belge Jaco van Dormael signe une œuvre radicalement différente, prend tous les risques au commande d’une « grosse » production
internationale et réussit finalement un grand et beau film ! Il y raconte l’histoire de Nemo Nobody, qui pourrait être à la fois « personne » comme son nom l’indique ou justement tout le monde. En
2092, il est le doyen de l’humanité (à près de 120 ans) et le dernier homme « mortel » : amnésique, il essaie de se souvenir de son existence passée, mais très vite toutes les histoires se
contredisent et se développent à l’infini, multipliant les possibles à partir d’un choix impossible qu’il avait du faire dans son enfance entre son père et sa mère. De là naît une foule de
scénarios de vies imaginaires partagées entre trois femmes et se terminant parfois par sa propre mort… Est-il donc seulement encore en vie ?

« Mr. Nobody » possède une esthétique chic et choc qui saute tout de suite aux yeux. A chaque époque, à chaque vie possible, son style et sa lumière. Selon les âges du personnage aussi, sa propre
bande son (par ailleurs formidable dans son ensemble !) : une même chanson est par exemple répétée dans des versions différentes selon les reprises reliftées du titre… La mise en scène est à la
fois moderne et avenante, inspirée de l’univers du clip ou de la publicité, et véritablement inventive. Les images et les transitions sont très soignées et surprennent très souvent. C’est un vrai
bonheur pour le regard et le film gagne en fluidité et en efficacité. De nombreuses scènes ont à ce titre un pouvoir fascinant et quasi hypnotique : on est littéralement sous le charme… Il existe
en somme une vraie atmosphère et un univers visuel magistral et probablement visionnaire dans ce long métrage, qui pourrait en faire à long terme un film culte ou générationnel, peut-être ?

Mais au-delà des images, qui immergent le spectateur comme jamais, Dormael propose aussi un scénario à la narration complètement éclatée, d’une richesse puissante et folle ! La complexité du récit
multiplie les points d’accès à l’infini dans la diégèse, propulsant « Mr. Nobody » au rang d’histoire post-moderne, où le réel et le fantasme s’entrechoquent et s’entremêlent jusqu’à ne faire plus
qu’un. On peut rentrer dans l’histoire par n’importe quel bout non seulement sans jamais vraiment savoir ce qui est vrai ou faux, bien sûr, mais surtout sans savoir à quel moment se situe
réellement le personnage au moment du récit : est-il vraiment aujourd’hui ce vieillard en 2092 qui essaie de se souvenir ? ou est-il plutôt ce jeune garçon qui écrit et invente des histoires de
science-fiction qu’il retranscrit sur une vieille machine à écrire ?

« Mr. Nobody » s’avère finalement être ce que l’on pourrait appeler un « film en 3D », mais d’un genre absolument nouveau. Ici la troisième dimension qui s’ajoute aux deux autres plus communément
admises lors d’une projection n’est cependant pas la profondeur, mais bel et bien le temps, cette quatrième dimension aussi insaisissable que subjective… Le film confond toutes les temporalités et
élabore une théorie vaguement scientifique et métaphysique sur le rapport à la chronologie : du big bang au big crunch, de la naissance du monde à son aboutissement, du déroulement linéaire du
cours de l’univers à son inversion, de son expansion à son effondrement, qui provoquerait théoriquement une marche arrière du temps… enfin, peut-être ?! Le tout peut sembler un brin fumeux, mais ce
que l’on retient ne sont pas ces cheminements « pseudo-scientifiants », mais plutôt l’étrange poésie qui émane de tout ça. Le réalisateur semble jouer avec nous, tant avec les images qu’avec les
codes narratifs, et finit par nous transporter dans un kaléidoscope d’émotions stroboscopiques : tour à tour touchant ou drôle, émouvant ou effrayant, sombre ou joyeux, on est happé dans un film
intensément éjaculatoire ! Si le temps ralentit en respirant plus lentement, il faut croire que l’on s’est trop essoufflé au cours de cette projection de 2h20 qui passe en un éclair : Jaco van
Dormael redéfinit avec classe et virtuosité notre rapport au temps, et c’est juste formidable !






























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5 commentaires:

  1. je n'avais pas entendu parler de ce film ..
    2h20 en un éclair ...
    ça m'impressionne
    Bien à toi !

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  2. Je vois que les avis concernant ce film sont assez positifs dans l'ensemble...alors que 2h20 de film peut rebuter quand il s'agit d'un film d'auteur. Cela me conforte dans l'idée d'aller le voir!!

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  3. Dis donc, tu ne m'avais pas menti en disant que tu avais adoré, en te lisant, on peut même dire que tu as pris ton pied ( "un film intensément éjaculatoire" ^^ ), lol !
    Sérieusement, c'est un très beau billet, tu retransmets avec fougue tout le plaisir que tu as eu à regarder ce film, ça me donnerai presque envie de le voir... Si je ne l'avais pas déjà vu.

    Tu sais déjà que je ne l'ai pas autant apprécié que toi, mais je trouve ton analyse très juste en ce qui concerne la façon dont le réalisateur réussit à impulser un univers propre et reconnaissable
    à chaque vie possible, ça m'avait frappé moi aussi.

    "Un film en 3D", bien vu, j'aime beaucoup tes traits d'esprit !

    Amicalement,
    Delphine.

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  4. Un grand merci. Tombée par hasard sur votre blog, en cherchant des films à voir, j'ai suivi de manière plutôt aveuglée vos conseils, sans lire vos billets mais plutôt par vos choix (étoiles etc.)
    J'ai vraiment aimé ce film... 


     


    :)

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  5. eh bien ravi d'avoir pu vous aider... n'hésitez pas à suivre d'autres de mes conseils ! :)

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