Le livre d’Eli, d’Albert et Allen Hughes (Etats-Unis, 2010)

Note :

Dans le genre film post-apocalyptique, on avait eu droit très récemment à « La route »
de John Hillcoat, qui était d’ailleurs une vraie réussite, à la fois éprouvante et très poétique… Avec « Le livre d’Eli », on ne peut pas dire que le film soit mauvais, mais l’univers qu’il
décrit est bien en deçà de son prédécesseur. Il souffre d’ailleurs probablement trop de la comparaison, et sans doute injustement. On y pense beaucoup devant le travail sur la photographie et les
images de paysages déserts et ravagés, qui ne semblent ici qu’une pale copie de tout ce que l’on pouvait admirer dans « La route ». Ici, ça reste beau, certes, grandiose et admirable, c’est vrai,
mais tellement moins intense et viscéral que dans le film d’Hillcoat…

L’autre problème avec le film des frères Hughes, c’est qu’il est imprégné de tous les clichés hollywoodiens. Reconnaissons au film qu’il est redoutablement efficace et qu’il se laisse même regarder
sans déplaisir, bien au contraire, mais il accumule aussi les poncifs d’un genre bien défini, aussi parfaitement réalisés que ces poncifs puissent être ! A la brutalité sauvage et à l’intense
émotivité de « La route » répondent les combats chorégraphiques du « Livre d’Eli ». Il y a plein d’idées, il n’y a pas à dire, et la mise en scène est très stylée : la scène de baston bien musclée
en ombres chinoises ou l’affrontement explosif dans la maison restent des moments mémorables… Comme à Hollywood, il y a les séquences un peu téléphonées, au cours desquelles tout arrive toujours à
point, et puis ces quelques vannes typiques un brin pénibles. Mais le plus ennuyeux reste peut-être tout le sous-texte mystique qui irradie l’ensemble du film : le personnage interprété par Denzel
Washington (par ailleurs très très bien !) est une sorte de messie guerrier qui semble protégé par le dernier exemplaire de la Bible qu’il a en sa possession et qu’il emmène vers l’Ouest, où une
destination assez surprenante l’attend… Bon, tout ça est il est vrai bien appuyé, mais il reste quand même la grosse surprise finale, que je ne vous ferais pas l’affront de dévoiler ici car elle
possède vraiment son petit effet ! Sans compter la jolie petite morale d’ensemble du film, qui pourrait dire en substance que la beauté du monde n’est invisible qu’à celui qui refuse de voir la
lumière…