jeudi 21 janvier 2010

Faites le mur ! de Banksy (Etats-Unis, Grande-Bretagne, 2010)



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Note :
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Banksy bankable !



 



« Faites le mur ! » (qui devait s’appeler à l’origine « Comment vendre de la m... à des c... », ce qui aurait finalement été bien plus pertinent encore), c’est l’histoire d’un certain Thierry
Guetta, un français qui filme frénétiquement et obsessionnellement toute sa vie depuis des années et qui décide un jour de donner du sens à ses bandes en réalisant un documentaire sur le « street
art », cet art urbain et sauvage des graffeurs et autres « installationistes » de plein air. Comprenant l’importance du travail de Banksy dans ce domaine, il cherche à le rencontrer (chose
éminemment difficile, tant le monsieur se cache farouchement !) pour l’interviewer… Sauf que de cette rencontre va naître une nouvelle vie d’artiste pour Thierry Guetta (sous le pseudonyme de Mr
Brainwash) et Banksy lui-même de s’emparer de l’idée de faire un film sur le « street art » et plus particulièrement sur l’artiste Thierry Guetta, dans un jeu de miroir savoureux… Au jeu de
l’arroseur arrosé, le film fleure ainsi très bon la pure machination, certains ayant déjà accusé l’artiste d’avoir monté ce canular de toute pièce ! Sauf qu’en définitive, on se complait
agréablement à être manipulé au gré de ce film passionnant…

Rien que l’histoire de sa conception révèle une profonde interrogation sur l’appartenance de l’œuvre… Car au fond, si l’on croit à toute cette histoire, Banksy ne fait qu’un montage des images
qu’a accumulé son acolyte depuis des années. Ce ne sont donc pas « ses » images, mais simplement sa façon de nous les présenter et de se les représenter… Il faut dire aussi que si Guetta avait
lui-même fait le film – on a droit à un extrait de ses « montages » – on serait sorti de la projection en pleine crise d’épilepsie…

Quand on commence à visionner « Faites le mur », on pense d’abord à un délire un peu potache de personnalités vaguement arty cherchant à se faire mousser et à s’amuser gentiment… On sourit
d’ailleurs de bon cœur aux nombreuses blagues, aux vidéos de graffeurs pris en flag échappant habilement à leurs poursuivants policiers, ou encore à la distance ironique que Banksy impose
d’emblée, notamment lorsqu’il prend ce ton péremptoire, visage dans l’ombre et voix déformée, pour parler à la caméra… Bref ! On croit a priori à un spectacle plaisant, ludique, mais au fond
plutôt inoffensif…

Mais c’est sans compter l’intelligence machiavélique d’un Banksy, qui derrière le jeu des images d’un vrai faux documentaire goguenard parvient à livrer une réflexion élaborée et pertinente sur
l’état du monde de l’art aujourd’hui… Il parvient par exemple à nous faire douter constamment de la légitimité d’un artiste (ou de quelqu’un qui se prétend l’être) à travers l’image de ce Thierry
Guetta aka Mr Brainwash, dont on ne saura jamais vraiment s’il est un génie ou un débile profond, malgré le fossé qu’il est communément admis de considérer entre ces deux extrêmes… Mais il va
bien plus loin encore en interrogeant le statut de cet art urbain, dont il parvient finalement à réaliser le documentaire promis au début du film : le « street art », qui par définition se
pratique dans la rue et ne vise ni la gloire ni l’argent, peut-il se retrouver muséifié ? Et cela à cause du marché de l’art, qui comme tous les marchés est pris de la désastreuse fièvre libérale
: les prix montent scandaleusement et les artistes se transforment en hommes d’affaire… Comment un art subversif, qui à la base est parfaitement illégal (taguer les murs, bomber les trottoirs
avec des pochoirs…) peut-il se retrouver ainsi institutionnalisé et starifié ? S’agit-il d’ailleurs encore d’art ou plutôt de « produits attrape-gogo », la fameuse « merde vendu à des cons » (de
riches) par des imposteurs malins promise par le titre du film initialement prévu ? L’ambiguïté demeure et Banksy réussit un sacré coup à travers un film fort et génialement construit dans sa
forme, et à la fois drôle et terrifiant dans son discours… On applaudit là un pur artiste accompli ! (ou pas ?)































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3 commentaires:

  1. Je l'avais vu à Deauville, je l'avais à la fois détesté (via la personnage horripilant de Guetta) et adoré (pour le pied de nez que réalise Banksy). Avec le temps je ne retiens que le geste de
    Banksy, génial, corrosif et plein d'autres adjectifs.


    Vu que tu aimes bien ASBAF, je te préviens de la parution du nouvel article : on descend The tourist ! http://www.asbaf.fr/2010/12/tourist-on-y-est-alle-en-touriste.html

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  2. J'ai beaucoup aimé ce documentaire. Je rejoins ta réflexion. Artiste ou pas? C'est drôle de voir comme la frontrière est parfois tenue.

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  3. oui, banksy est super fort pour maintenir l'ambiguité entre art et art-gent... ;)

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