lundi 31 mai 2010

L’autre monde, de Gilles Marchand (France, 2010)



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Note :
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Sortie nationale le 14 juillet



 



Après un premier film à ambiance des plus fascinants en 2003 (« Qui a tué Bambi ? »), Gilles Marchand réalise enfin son deuxième film, à l’atmosphère tout aussi particulière… Il y exploite le
thème des réalités virtuelles, à travers le parcours de Gaspard, un jeune homme qui va se laisser envoûter par une mystérieuse blonde, qui cherche sur internet quelqu’un pour mourir avec elle…
L’idée de suicides à plusieurs, plus ou moins érotisés, s’inspire d’une réalité de notre monde bien réel (surtout au Japon), où des jeunes déçus par la vie recherchent sur la toile la personne «
idéale » pour mettre fin à leurs jours. Le geste est à double tranchant, à la fois atroce et définitif, mais aussi désespérément romantique !

Gaspard va pénétrer « Black hole », un monde virtuel rudement bien rendu à l’écran, aux traits à la fois simples et impressionnants, très sombres et visuellement très forts, afin de discuter avec
Audrey, qu’il a sauvé in extremis d’un premier suicide dans le monde réel… En essayant de la comprendre, il va peu à peu se « déconnecter » du réel et se prendre au jeu de son « avatar »
dématérialisé. Sauf que le film nous montre très vite que tout ce qui se passe dans l’espace virtuel a un impact sur la réalité immédiate des « joueurs »…

Ce qui peut surprendre dans l’histoire de « L’autre monde », c’est que ce jeune homme possède une vie tout à fait banale et normale, même plutôt équilibrée, avant de se laisser « happer » par un
monde nouveau, qui le fascine… Mais c’est justement ça qui devient le plus intéressant : pourquoi, alors qu’il a des amis et une petite amie idéale, il prend quand même le risque de se laisser
vampiriser par une autre femme aux allures malsaines et fantomatiques ? Au fond, c’est surtout l’impact de « Black hole » qui agit sur lui et le film utilise finalement le thème des réalités
virtuelles pour mieux évoquer celui plus large de la fascination… Fascination pour ces écrans devant lesquels on peut demeurer hypnotiser durant des heures, fascination pour des mondes dans
lesquels on développe une « seconde vie » qui nous paraît presque aussi importante que la vie « réelle »… Et même si l’addiction est inconsciente chez Gaspard, elle est parfaitement montrée à
l’écran : figé devant son écran, le jeune homme tarde à répondre au téléphone qui sonne à côté de lui… et lorsqu’il y répond, il demeure distrait avec la personne qui l’appelle, toujours aussi
scotché à son ordinateur qu’il ne peut plus quitté… Cette fascination pour des mondes idéalisés bascule alors vers la dépendance, puis vers une fascination pour la mort.

Mais « L’autre monde » est encore bien plus que tout cela : non seulement il montre assez finement une jeunesse un peu perdue, voire un peu schizophrène à se partager ainsi entre plusieurs
niveaux de réalité, mais il propose en plus une atmosphère tout aussi fascinante que « Black hole », le jeu qu’il décrit. Sensuel ou tout simplement étrange, souvent inattendu, le film glisse peu
à peu vers le thriller, ou vers tout autre chose, comme Gilles Marchand avait déjà très bien su le faire dans d’autres films qu’il a réalisé (« Qui a tué Bambi ? ») ou simplement scénarisé («
Lemming » ou « Harry un ami qui vous veut du bien », de Dominique Moll).

Côté casting, il convient de remarquer la présence forte et hypnotique de Grégoire Leprince-Ringuet, qui porte littéralement le film sur ses épaules ! Le petit garçon qui courrait dans les champs
avec Emmanuelle Béart et Gaspard Ulliel (« Les égarés » de Téchiné, en 2002) a bien grandi ! Le jeune homme qui révélait son très bon goût en draguant à mort Louis Garrel dans « Les chansons
d’amour » a lui aussi bien mûri ! L’acteur impose un style à la fois sensuel et cérébral, une posture paradoxale coincée entre l’adolescent timide et l’adulte charismatique… Ce garçon est
bluffant ! Quant aux autres, bien que rejetés un peu au second plan, ils sont dans l’ensemble très bien : Melvil Poupaud, bien sûr, mais aussi Pauline Etienne (bien moins agaçante que dans «
Le bel âge ») ou encore Pierre Niney, qui sort du lot notamment pour sa plastique
des plus agréable… En ce qui concerne Louise Bourgoin, pourtant si pénible dans « Adèle Blanc-Sec », elle ne sera sans doute jamais aussi
bonne que dans ce rôle de femme fatale et évanescente, qui met son corps en avant et qui parle peu…



 



Mise en perspective :



- 8th Wonderland, de Nicolas Alberny et Jean Mach (France, 2010)































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dimanche 30 mai 2010

Jeu : les 7 degrés de séparation # 20



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Bon, alors comme vous êtes tous des gros nuls (mais ça, c’était à prévoir…) et que vous avez tous séché sur le jeu de la semaine dernière, personne ne gagne de point cette semaine !

On en reste donc au même point :
Knorc > 2 points
Foxart > 1 point
Si jamais quelqu’un atteint un jour par miracle les 3 points, il pourra choisir en cadeau l’un de ces merveilleux films en DVD :
- « The calling » de Richard Caesar
- « L’étrange créature du lac noir » de Jack Arnold (accompagné
du documentaire "Retour sur le lac noir")
- « Flandres » de Bruno Dumont (dans une superbe édition collector digipack double-DVD,
débordante de bonus passionnants !)

Cette semaine, on va revenir à un truc plus facile, histoire de ne pas trop vous perturber, en vous faisant relier deux des plus grands psychopathes de l’histoire du cinéma ! Deux serial killer,
dont les interprètes portent d’ailleurs le même prénom : d’un côté, Norman Bates (alias Anthony Perkins), adepte de la taxidermie maternelle et du rideau de douche au couteau dans « Psychose »,
et de l’autre côté, le non moins fameux Hannibal Lecter (alias Anthony Hopkins), plutôt porté sur la délectable dévoration de ses semblables dans « Le silence des agneaux »… Mais attention,
histoire que tout soit bien clair, je précise qu’il s’agit de relier les deux psychopathes ensemble, et non pas les deux acteurs ! Qui sera donc le premier à me sortir qu’il existe un film
cross-over à la « Norman vs Hannibal » ?

Et voilà ! Ce sera tout pour le moment… Pour toute question relative au jeu, la règle se trouve à
cet endroit
… Je vous souhaite donc une excellente semaine à cogiter et vous donne rendez-vous dimanche prochain à xH+13 !































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samedi 29 mai 2010

L’autre rive, de Giorgo Ovashvili (France, Géorgie, 2010)



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Note :
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Contraints à l'exil à cause du conflit avec la Russie, des populations entières de Géorgie se sont retrouvées dans une misère bien plus grande qu'elles ne connaissaient déjà... Parmi eux, le
petit Tedo a du fuir avec sa mère, passer sur "l'autre rive" sans son père, contraint de rester défendre son pays... Quelques années ont passé dans la tristesse et l'extrême pauvreté : sa mère en
est réduite à se prostituer et Tedo essaie de trouver de l'argent comme il peut, en volant ou en se faisant exploiter dans un garage, pour l'empêcher de continuer une telle horreur... A 12 ans,
il décide de partir seul sur les routes à la recherche de son père, même si celui-ci est peut-être mort, parce qu'il ne supporte plus une telle existence. Commence alors une odyssée
cauchemardesque à travers des territoires dévastés, habités par des fantômes dont la plupart ont perdu toute humanité... Au cours de son voyage, le jeune Tedo subira la cruauté des hommes. Il se
fera jeter violemment hors d'un train en marche et assistera impuissant au viol d'une jeune fille et à l'exécution sommaire d'un pauvre homme défendant une vieille femme, qui n'a plus assez
d'argent pour graisser la patte d'un soldat afin de passer un barrage militaire...

Atroce mais jamais misérabiliste, l'histoire de ce jeune garçon impose le respect. Toujours digne, jamais désespéré, il continue et avance pas à pas vers ce qu'il croit l'aidera : retrouver son
père... Tant qu’il a ce but, il sait que rien n’est tout à fait désespéré, au fond. Et même lorsqu'il comprend que tout est vain à la fin du film, lorsqu'il apprend que son père s'est remarié et
a eu d'autres enfants, qu'il l'a finalement certainement oublié, Tedo répond à toute cette vie merdique par un sourire, qui inonde ses lèvres... Il ferme alors les yeux et voit en rêve ce dont un
autre garçon lui avait laissé imaginer en lui décrivant des pays lointains : des girafes et des éléphants dans la savane… Ce petit garçon « ambigu » – il ressemble à un enfant mais a une vie
d’adulte ; il demeure attachant malgré son strabisme qui lui donne l’allure d’un monstre de foire –, trouve ainsi refuge dans le rêve, dans la vision idéale d’un monde espéré… La force de son
imagination lui permettra-t-elle encore de survivre dans ce monde dévasté ?

Tout le film est enfin porté par une lumière magnifique, qui ressemblerait à un rêve si elle ne nous donnait pas à voir des choses aussi tragiques. On admire une mise en scène gracieuse et
maîtrisée, riche d’une puissance esthétique incroyable ! Le réalisateur parvient à capter avec une émotion infinie toute la tristesse mélancolique qui rend si beau ces visages de l’Est, terrassés
par la misère ambiante… On suit son jeune héros avec toute la peine et la peur que lui-même n’a plus le loisir de ressentir. Certains plans restent en mémoire, comme autant de démonstrations
merveilleuses d’un immense talent : citons à titre d’exemple ce travelling sublime qui suit le petit garçon descendant une colline, sa silhouette qui se détache dans le ciel, et cette lumière
insensée et inédite au cinéma… Juste « waouh » !































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vendredi 28 mai 2010

Copie conforme, d’Abbas Kiarostami (Italie, Iran, France, 2010)



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Note :
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"Ce serait idiot pour nous de nous rendre malheureuses au nom d'un idéal"



 



Pour son premier film tourné en dehors de son pays, le cinéaste iranien Abbas Kiarostami a choisi les très beaux décors ensoleillés de la Toscane. Il y propose, dit on, une relecture du « Voyage
en Italie » de Roberto Rossellini. Mais plus qu’une « copie conforme » de l’original, il livre un film subtil et complexe, bien plus proche d’une variation sur un thème éternel : l’amour…

Mais tout commence avec l’art. Et l’amour de l’art, bien entendu… Une femme avec enfant, marchande d’art, semble éprise d’un homme qui vient de publier un livre sur la copie en matière d’art,
dont le titre n’est autre que « Copie conforme ». Elle paraît d’abord jouer les groupies en demandant des dédicaces, puis se servant de son métier, elle parvient à obtenir un rendez-vous avec
l’homme : une longue ballade commence alors, en voiture ou à pieds, sous le soleil de l’Italie… Ils échangent sur l’art, bien sûr, débattent philosophie et métaphysique, et plus particulièrement
du problème d’une copie, qui serait en tout point conforme à son original : ne deviendrait-elle pas alors elle-même une œuvre d’art ?

On croyait tout comprendre de cette conversation vaguement amoureuse de deux êtres qui se tournent autour, quand tout à coup, vers le milieu du film, tout bascule ! Kiarostami ose un « twist »
absolument inouï, comme on en voit plutôt dans le cinéma américain un peu bourrin… Mais le réalisateur iranien, lui, est plus subtil et tout nous apparaît ici de façon très simple, très diffuse,
un peu comme dans un rêve. Il y a d’abord un doute, une hésitation et une réinterprétation de l’histoire par la serveuse d’un café, qui prend ses deux clients pour un couple marié, ceux-ci se
laissant prendre au jeu… Et puis un peu plus tard, la femme dit quelque chose comme si de rien n’était, et par le biais de cette seule phrase, tout s’inverse tout à coup… On met encore quelques
instants avant de comprendre ce qui vient d’arriver alors, et ce n’en est que plus merveilleux encore !

Le film s’ouvre ainsi sur une nouvelle perspective, dont le thème principal deviendra l’amour… Les lieux s’y prêtent à merveille, tout comme les personnages et tous ceux qu’ils rencontrent…
Qu’est-ce que l’amour ? Nos deux protagonistes croisent notamment le chemin de deux couples, qui se révèlent être comme deux copies d’eux-mêmes (encore la « copie »…), mais à des âges différents.
Un premier couple, qui se marie ce jour-là, incarne encore l’amour idéalisé et espéré, et un autre couple, bien plus âgé, bien plus posé aussi mais toujours plein d’attention l’un pour l’autre,
refait son voyage en Italie pour la énième fois, car c’est le lieu de leurs premières amours… Quant au couple vedette du film, il incarne comme un entre-deux, un tournant entre une vie qui n’a
pas eu lieu et une autre qui n’aura pas lieu, mais qui pourrait avoir lieu, simplement un peu différemment… Tout semble alors se jouer aujourd’hui entre eux ! Quand la cloche sonnera le soir, il
conviendra de décider…

Dans « Copie conforme », la mise en scène est impressionnante et sert l’histoire dans chaque plan ! Elle révèle les personnages à eux-mêmes et incarnent leurs émotions. Le découpage des plans,
parfois éclatés par la présence de miroirs qui renvoient à autant de regards sur la même image, est révélateur de la confusion des sentiments… Et puis il y a constamment cette ampleur, cette
douceur dans la façon de filmer, ce faux calme si apaisant, qui rend le film d’une fluidité impressionnante ! On pense à ce merveilleux plan séquence, travelling en voiture, au cours de laquelle
les personnages conversent simplement alors que le ciel et les toits des maisons se reflètent en miroir sur le pare-brise…

Tout se cachent magnifiquement dans les apparences, multiples et bien souvent incertaines… La polyphonie des voix joue, à ce titre, un autre rôle fondamental. Trois langues s’entremêlent en toute
simplicité dans des dialogues finement écrits : le français de la femme, l’anglais de l’homme et l’italien de l’Italie… Chacun sera amener à pratiquer les trois langues, mais chaque conversation
possède pourtant des bribes de l’une ou de l’autre… Une belle métaphore du caractère multiculturel de l’œuvre, à laquelle il faut ajouter l’iranien, qui même si on ne l’entend pas est la langue
native du cinéaste…

N’oublions pas à propos d’évoquer ce que Kiarostami filme véritablement dans « Copie conforme ». Il filme Juliette Binoche, qui est magnifique et multiple, impressionnante quand elle parvient à
passer du rire aux larmes en un instant, ou de l’apaisement à la colère en une réplique ! Il filme ainsi une femme occidentale, libre et passionnée, « sans voile » au propre comme au figuré… Il
filme une autre femme portant le voile, mais c’est une femme qui se marie, dont certaines exigences démontrent très vite qu’elle n’a rien d’une femme soumise ! Cette façon de faire exploser
ostentatoirement son féminisme à la face du monde et plus particulièrement de son pays où les femmes sont écrasées par la domination masculine, est un bel acte de bravoure, (goût de la) cerise
sur le gâteau d’un film intense et prodigieux…































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jeudi 27 mai 2010

Dernières séances: Dans ses yeux, Robin des bois, Destination finale 2



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Dans ses yeux
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de Juan José Campanella (Espagne, Argentine, 2010)
> Il est étonnant de constater combien il faut proposer un film hyper-classique, uniforme et standardisé pour qu’un film étranger puisse remporter un Oscar… De beaux portraits solitaires ici,
mais une mise en scène trop conventionnelle et mollassonne. Trop long et trop appuyé, malgré les intentions…

Robin des bois
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de Ridley Scott (Grande-Bretagne, Etats-Unis, 2010)
> Enième version de « Robin à la capuche » (enfin disons « des bois » pour les incultes gaulois), ce film efficace, réalisé avec gros budget et beaucoup d’effets, ne recèle finalement pas
grand chose de nouveau, si ce n’est quelques anachronismes politiques un peu navrants (une Lady Marianne « féministe » à la Jeanne d’Arc ou une attaque en règle des « méchants » français).
Pourquoi diable aussi ne pas vouloir faire tenir cette trop longue fresque bien vaine en une seule heure et demi ? Ca aurait pourtant amplement suffit au vu de ces deux heures et demi qui
s’éternisent…

Destination finale 2
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de David R. Ellis (Etats-Unis, 2003)
> Un petit film gore bien sympathique, plutôt fun et ludique dans les séquences où les personnages trouvent la mort à tour de rôle… Le concept est sympa, l’ensemble est bien conçu et se suit
sans prise de tête et avec plaisir ! Cool…































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mercredi 26 mai 2010

Policier, adjectif, de Corneliu Porumboiu (Roumanie, 2010)



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Note :
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Un « policier » n’est-il qu’un « adjectif » au service d’un nom, d’un Etat ou d’une Loi qui le domine quoi qu’il en soit ? Les questionnements de Cristi auprès de son supérieur hiérarchique à
propos de la façon d’exercer son métier dans la police roumaine émettent l’hypothèse que les choses sont un peu plus complexes que cela… Leurs dialogues interrogent la conscience, la morale et
son application par rapport à la législation. Cristi doit en fait suivre un adolescent pour le faire arrêter pour usage de drogue… Seulement, il a peur de gâcher la vie d’un jeune homme en le
faisant arrêter pour un délit aussi mineur, alors même que la Loi risque de devenir beaucoup plus souple dans les mois à venir… Son supérieur s’oppose clairement à ses théories, en lui rappelant
que la loi est la loi !

Le film de Corneliu Porumboiu est divisé en deux types de scènes. Celles, d’abord, où l’on observe le jeune policier en train de faire son travail, à travers de longues filatures interminables ou
la rédaction de comptes-rendus presque trop minutieux de ses observations parfois insignifiantes… L’attente sur le terrain, devant un immeuble d’où personne ne sort, ou les errements de rues en
rues de la personne présumée coupable, semblent parfois filmés en temps réel, comme si le cinéaste cherchait à nous faire ressentir le vide de ce travail peut-être vain. On ressent le froid, le
silence et la solitude intérieure du policier, par le biais d’une mise en scène radicale et exemplaire : durée des plans, économie des mouvements de caméra… Le tout est fascinant et révèle une
vision documentée sur l’univers policier en Roumanie !

Et puis il y a ensuite ces séquences dialoguées, au cours desquels le jeune flic échange avec ceux qu’il côtoie au quotidien. Son amie par exemple, avec qui il parle le soir à la maison d’une
chanson de variété un peu nunuche et facile sur l’amour que celle-ci écoute en boucle. La conversation prend tout à coup des allures d’analyse syntaxique et structurelle de la poésie qui émane de
la chanson : ça parle anaphores, métaphores, symbolique… Etonnant ! Un humour à froid commence à percer et explose véritablement à travers la dernière discussion du policier avec son supérieur,
tournée en un seul plan séquence exceptionnel ! A l’aide d’une « maïeutique » de très mauvaise foi, le gradé cherche à faire comprendre à Cristi que son cas de conscience n’a pas lieu d’être et
qu’il doit procéder à l’arrestation du lycéen fumant du haschich avec ses camarades de classes. Il lui fait notamment lire des définitions dans le dictionnaire et le film vire alors contre toute
attente à la farce plutôt hilarante… Jusqu’au plan final, qui nous montre un croquis complexe pour préparer l’arrestation du jeune homme qui a fumé trois pauvres joints : en voix off, un
personnage explique la débauche policière qu’il convient de mettre en place pour ce qui semble être la prise du siècle ! « Policier, adjectif » critique très clairement et avec une ironie
jubilatoire le système policier et sa sclérose bureaucratique… Exemplaire !

Dans un interview, Porumboiu explique par ailleurs ses influences, notamment celles de Bresson et d’Antonioni, dont il se révèle un brillant disciple : « Sur le plan stylistique, Pickpocket de
Robert Bresson m’a beaucoup influencé pour ce film, surtout la manière dont il suit son personnage. Il ouvre tout le temps des portes et marche en permanence dans des couloirs. Le langage
corporel du personnage de Bresson a vraiment eu une très forte influence sur mon traitement de l’histoire. En même temps, pour les longs plans séquences sans dialogues, c’est du côté de Blow Up
d’Antonioni que je me suis tourné ».



 



Mise en perspective :



- Contes de l’âge d’or : Partie 1 (Roumanie, 2009)































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mardi 25 mai 2010

La Palme et le Président


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Quels rapports existe-t-il entre le cinéma très commercial de Tim Burton et celui des plus confidentiel et expérimental d’Apichatpong Weerasethakul, me direz-vous ? Eh bien pratiquement aucun,
semble-t-il, ce qui n’a pourtant pas empêcher le premier de récompenser le second lors de ce 63e Festival de Cannes… Dans toute l’histoire du Festival, il est rare d’ailleurs de voir un Président
du Jury octroyer la Palme d’or à un cinéaste proche de son univers. Fritz Lang couronnant Jacques Demy en 1964 par exemple, ou Françoise Sagan décernant la récompense suprême à « Apocalypse Now »
en 1979 ! Improbable, n’est-ce pas ? Et que penser de Wim Wenders révélant Steven Soderbergh, ou d’un David Cronenberg sacrant le cinéma des frères Dardennes ! Est-ce de la modestie ? De la
curiosité ? De l’admiration ? Voire de l’envie ? De la jalousie de ne pas réussir un cinéma comme celui-là ? Vous pourrez m’objecter que dans un Jury, il n’y a pas qu’un Président pour décider,
mais pour un Juré hyper démocratique comme Coppola en 1996, combien de petits dictateurs fascistes comme Kusturica imposant « son » palmarès en 2005 ? Mais peu importe au fond, il s’agit
peut-être là tout simplement de la « magie » de ce merveilleux festival international du septième art… Et comme ça se passe de commentaires, je vous laisse vous-même songeurs devant ce petit
tableau que je vous ai bricolé (non sans douleurs, alors pas de remarques désobligeantes s’il vous plaît !), afin de mettre en parallèle tous les présidents du Jury et toutes les Palmes d’or de
l’histoire cannoise…



 

















































































































































































































































































































































































































































































































































Président du Jury




Année




Palme d’or (appellation depuis 1954)




Réalisateur de la Palme d’or




Georges Huisman




1946




ex æquo L'Épreuve aka Tourments




Alf Sjöberg




 




 




ex æquo Le Poison




Billy Wilder




 




 




ex æquo La terre sera rouge




Bodil Ipsen & Lau Lauritzen Jr




 




 




ex æquo La Ville basse




Chetan Anand




 




 




ex æquo Brève Rencontre




David Lean




 




 




ex æquo Maria Candelaria




Emilio Fernández




 




 




ex æquo Le Tournant décisif




Fridrikh Ermler




 




 




ex æquo La Symphonie pastorale




Jean Delannoy




 




 




ex æquo La Dernière Chance




Leopold Lindtberg




 




 




ex æquo Les Hommes sans ailes




Frantisek Cáp




 




 




ex æquo Rome, ville ouverte




Roberto Rossellini




Georges Huisman




1947




non décerné




 




 




1948




pas de festival cette année




 




Georges Huisman




1949




Le Troisième Homme




Carol Reed




 




1950




pas de festival cette année




 




André Maurois




1951




ex æquo Mademoiselle Julie




Alf Sjöberg




 




 




ex æquo Miracle à Milan




Vittorio De Sica




Maurice Genevoix




1952




ex æquo Othello




Orson Welles




 




 




ex æquo Deux sous d'espoir




Renato Castellani




Jean Cocteau




1953




Le Salaire de la peur




Henri-Georges Clouzot




Jean Cocteau




1954




La Porte de l'enfer




Teinosuke Kinugasa




Marcel Pagnol




1955




Marty




Delbert Mann




Maurice Lehmann




1956




Le Monde du silence




Jacques-Yves Cousteau & Louis Malle




André Maurois




1957




La Loi du Seigneur




William Wyler




Marcel Achard




1958




Quand passent les cigognes




Mikhaïl Kalatozov




Marcel Achard




1959




Orfeu Negro




Marcel Camus




Georges Simenon




1960




La Dolce Vita




Federico Fellini




Jean Giono




1961




ex æquo Une aussi longue absence




Henri Colpi




 




 




ex æquo Viridiana




Luis Buñuel




Tetsuro Furukaki




1962




La Parole donnée




Anselmo Duarte




Armand Salacrou




1963




Le Guépard




Luchino Visconti




Fritz Lang




1964




Les Parapluies de Cherbourg




Jacques Demy




Olivia de Havilland




1965




Le Knack... et comment l'avoir




Richard Lester




Sophia Loren




1966




ex æquo Un homme et une femme




Claude Lelouch




 




 




ex æquo Ces messieurs dames




Pietro Germi




Alessandro Blasetti




1967




Blow-Up




Michelangelo Antonioni




André Chamson




1968




arrêté à cause des événements de mai 68




 




Luchino Visconti




1969




If...




Lindsay Anderson




Miguel Ángel Asturias




1970




M*A*S*H




Robert Altman




Michèle Morgan




1971




Le Messager




Joseph Losey




Joseph Losey




1972




ex æquo La classe ouvrière va au paradis




Elio Petri




 




 




ex æquo L'Affaire Mattei




Francesco Rosi




Ingrid Bergman




1973




ex æquo La Méprise




Alan Bridges




 




 




ex æquo L'Épouvantail




Jerry Schatzberg




René Clair




1974




Conversation secrète




Francis Ford Coppola




Jeanne Moreau




1975




Chronique des années de braise




Mohammed Lakhdar-Hamina




Tennessee Williams




1976




Taxi Driver




Martin Scorsese




Roberto Rossellini




1977




Padre Padrone




Paolo et Vittorio Taviani




Alan J. Pakula




1978




L'Arbre aux sabots




Ermanno Olmi




Françoise Sagan




1979




ex æquo Apocalypse Now




Francis Ford Coppola




 




 




ex æquo Le Tambour




Volker Schlöndorff




Kirk Douglas




1980




ex æquo Que le spectacle commence




Bob Fosse




 




 




ex æquo Kagemusha, l'ombre du guerrier




Akira Kurosawa




Jacques Deray




1981




L'Homme de fer




Andrzej Wajda




Giorgio Strehler




1982




ex æquo Porté disparu




Costa-Gavras




 




 




ex æquo Yol, la permission




Yılmaz Güney et Şerif Gören




William Styron




1983




La Ballade de Narayama




Shōhei Imamura




Dirk Bogarde




1984




Paris, Texas




Wim Wenders




Miloš Forman




1985




Papa est en voyage d'affaires




Emir Kusturica




Sydney Pollack




1986




The Mission




Roland Joffé




Yves Montand




1987




Sous le soleil de Satan




Maurice Pialat




Ettore Scola




1988




Pelle le conquérant




Bille August




Wim Wenders




1989




Sexe, mensonges et vidéo




Steven Soderbergh




Bernardo Bertolucci




1990




Sailor et Lula




David Lynch




Roman Polanski




1991




Barton Fink




Joel Coen




Gérard Depardieu




1992




Les Meilleures Intentions




Bille August




Louis Malle




1993




ex æquo Adieu ma concubine




Chen Kaige




 




 




ex æquo La Leçon de piano




Jane Campion




Clint Eastwood




1994




Pulp Fiction




Quentin Tarantino




Jeanne Moreau




1995




Underground




Emir Kusturica




Francis Ford Coppola




1996




Secrets et Mensonges




Mike Leigh




Isabelle Adjani




1997




ex æquo Le Goût de la cerise




Abbas Kiarostami




 




 




ex æquo L'Anguille




Shōhei Imamura




Martin Scorsese




1998




L'Éternité et Un Jour




Theo Angelopoulos




David Cronenberg




1999




Rosetta




Luc et Jean-Pierre Dardenne




Luc Besson




2000




Dancer in the Dark




Lars von Trier




Liv Ullmann




2001




La Chambre du fils




Nanni Moretti




David Lynch




2002




Le Pianiste




Roman Polanski




Patrice Chéreau




2003




Elephant




Gus Van Sant




Quentin Tarantino




2004




Fahrenheit 9/11




Michael Moore




Emir Kusturica




2005




L'Enfant




Luc & Jean-Pierre Dardenne




Wong Kar-wai




2006




Le vent se lève




Ken Loach




Stephen Frears




2007




4 Mois, 3 semaines, 2 jours




Cristian Mungiu




Sean Penn




2008




Entre les murs




Laurent Cantet




Isabelle Huppert




2009




Le Ruban blanc




Michael Haneke




Tim Burton




2010




Uncle Boonmee who can recall his past lives




Apichatpong Weerasethakul 
































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lundi 24 mai 2010

8th Wonderland, de Nicolas Alberny et Jean Mach (France, 2010)



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Note :
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« 8th Wonderland » est un de ces films OVNI d’un genre absolument nouveau et tout à fait stimulant, comme on en voit peu souvent… Faisant fi des standards du cinéma, d’une mise en scène léchée ou
d’un scénario approfondi, le film d’Alberny et Mach semble prendre sa force dans ses propres faiblesses. Il contourne par exemple avec astuce la pauvreté de son budget pour donner l’impression au
spectateur de se situer dans un monde médiatique high-tech et dernier cri, situé à de multiples lieux dans le monde tout en étant paradoxalement nulle part, puisque faisant référence à un monde
virtuel qui n’existe que sur la toile du web… Il s’agit du « huitième pays des merveilles » du titre, en fait.

Sans vouloir copier l’efficacité d’un thriller à l’américaine, le film parvient à nous fasciner avec trois fois rien : quelques images filmées dans l’ombre, une webcam et un clavier d’ordinateur,
ou même encore de la simple neige sur l’écran… Une ambiance un peu film « bricolé », souvent assez sommaire, mais incroyablement futé et culotté ! On est finalement scotché d’un bout à l’autre de
cette fable moderne, qui imagine un monde virtuel, dont les acteurs se mettraient à avoir un impact démesuré sur le monde réel.

« 8th Wonderland » propose en effet une réflexion plutôt subtile et nuancée sur le militantisme moderne et les façons dont les peuples peuvent s’en prendre aujourd’hui à leurs gouvernements pour
enfin « changer le monde », si possible en mieux… Chaque semaine, les habitants de ce pays dématérialisé votent des motions, qui sont immédiatement exécutées si elles sont acceptées par la
majorité. Si ce semblant de « démocratie » (comme l’un des personnages désigne ce système) commence avec des actions aux allures de bonnes blagues un peu potaches, comme mettre des distributeurs
de préservatifs parfumés à l’hostie dans les églises du Vatican pour s’opposer au discours anti-capote du pape, la belle utopie dégénère cependant très vite et bascule dans des actes aux
frontières du terrorisme. Le film commence d’ailleurs par le moment exact où tout se joue, c’est à dire lorsque la communauté se met à avoir du sang sur les mains en assassinant un dictateur…

L’ambiguïté des situations et l’opposition de discours contradictoires mais tout aussi recevables les uns que les autres rend cet objet filmique incroyablement séduisant ! L’intelligence dans la
façon de poser certaines questions mène à une véritable réflexion, loin de toute pensée trop manichéenne ou propagandiste. La vie à l’intérieur du Wonderland est montrée comme grouillante et
hyper-pixelisée : c’est là qu’ont lieu de multiples débats et agitations sur les actions menées et leurs répercussions. Comment exposer son désaccord ? Comment juger un pays multiethnique qui
n’existe pas et qui n’a pas de frontières ? Quelle différence y a-t-il entre un terrorisme visible illégal (comme les attentats contre les Twin Towers à New York) et un terrorisme invisible et
insidieux mais néanmoins légalisé (le désengagement des Etats occidentaux envers l’Afrique, où des gens meurent de faim ou du SIDA chaque jour) ? Peut-on sacrifier quelques vies si l’on sait que
cela permettra d’aider le monde entier ? Autant de questions qui renvoient souvent à la notion de la « limite », celle que l’on choisit ou non de dépasser… et pour quel résultat ?

On remercie enfin le film de ne pas nous apporter de réponses définitives sur tous les aspects d’un vaste sujet qu’il aborde sans peur et avec fougue, mais on croit déceler au final un très bel
appel à la vigilance de chaque concitoyens et à la mobilisation réfléchie s’il le juge nécessaire. Une très belle métaphore à base d’insectes qui propagent la lumières éclairent joliment le film
à plusieurs moments. Le générique de fin présente lui aussi un « 9th Wonderland », qui semble avoir appris des erreurs de son prédécesseur et corrigé le tir… Comme quoi la lutte doit continuer :
c’est d’une certaine façon dire au monde entier que l’on n’est pas encore tout à fait mort !



 



Mise en perspective :



- 8th Wonderland : Join us !



- La stratégie du choc, de Michael Winterbottom et Mat Whitecross
(Grande-Bretagne, 2010)































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dimanche 23 mai 2010

Jeu : les 7 degrés de séparation # 19



uncle_boonmee.jpg



 



On félicite Foxart, qui remporte le point cette semaine, alors que ça n’avait rien d’une
partie de plaisir ! Il parvient en effet à cette chaîne incroyable entre Jafar Panahi et Tim Burton, où l’on apprend notamment que Kiarostami a écrit un scénario pour Panahi et que la bécasse de
Cotillard a joué pour Ferrara : Jafar Panahi > Abbas Kiarostami (Sang et or) > Juliette Binoche (Copie conforme) > Marion Cottillard(Mary) > Tim  Burton (Big Fish)

Voici donc les scores :
Knorc > 2 points
Foxart > 1 point




Lorsqu’un candidat (peut-être vous ? :) aura atteint 3 points, il pourra choisir l’un de ces merveilleux cadeaux en DVD :
- « The calling » de Richard Caesar
- « L’étrange créature du lac noir » de Jack Arnold (accompagné
du documentaire "Retour sur le lac noir")
- « Flandres » de Bruno Dumont (dans une superbe édition collector digipack double-DVD,
débordante de bonus passionnants !)

Pour le point mis en jeu cette semaine, on continue avec le Festival de Cannes, et plus précisément avec la palme d’or, dont la remise clôture chaque édition et consacre un grand film ! Je vous
mets ainsi au défit de réunir le réalisateur de la toute première palme attribuée en 1954 et celui de la palme 2010 décernée ce soir même, soit d’établir un lien entre Teinosuke Kinugasa (palmé
pour « La Porte de l'enfer ») et Apichatpong Weerasethakul (pour son film « Uncle Boonmee who can recall his past lives »). Gniark gniark gniark ! (Je suis diabolique…)

Il est temps pour moi de vous laisser réfléchir, d’éventuellement vous renvoyer vers les règles de
ce jeu fameux
et d’attendre tranquillement dimanche prochain, à une certaine heure passée de 13 minutes, pour proclamer la victoire du gagnant...































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