mardi 30 novembre 2010

Pontypool, de Bruce McDonald (Canada, 2008)



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Note :
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Parmi l’offre contemporaine un rien pléthorique dans le domaine du film de zombies (genre définitivement passé dans l’« entertainment mainstream » après avoir été pendant longtemps l’apanage de
quelques élus passionnés et un rien détraqués), « Pontypool » sait s’imposer par une approche novatrice et audacieuse du genre. Très conceptualisé, le film réussit surtout un décalage sur la
brèche, qui aurait pu s’avérer très casse-gueule et qui crée finalement une forme et un contenu tout à fait passionnant…

Construit en huis clos, le film de Bruce McDonald impose d’abord un univers confiné et presque théâtralisé. Unité de temps : une même journée, et surtout unité de lieu : le sous-sol d’une église,
où se trouve la station de radio locale de la ville de Pontypool. Grant Mazzy en est l’animateur vedette, imposant un ton très particulier à ses émissions, porté par un lyrisme très largement
teinté d’ironie… Dès le départ, donc, le décalage passe par la voix même du personnage, qui débite ses discours habituels, un rien blasé, au micro de la radio. Il a pour habitude de converser
avec la « faune » locale et de recevoir les appels des habitants de la ville, qui viennent un peu pour raconter leurs vies. Et c’est là que tout se joue : Grant et ses assistantes vont recevoir
des appels déstabilisants de l’extérieur qui leur apprend progressivement que de drôles de choses se passent juste au-dehors, une sorte de contamination virale de la population, avec des gens qui
se mettent alors à se dévorer entre eux comme des morts-vivants…

Avec un tel concept, le réalisateur prend donc le pari de terrifier son spectateur en ne montrant rien de la menace extérieure, du moins dans un premier temps, jusqu’à ce que le mal s’introduise
dans la station… Le plus fort est que ça marche ! Le film parvient à nous tenir habilement en haleine avec trois fois rien, notamment à l’aide d’une mise en scène souvent resserrée sur le visage
de l’animateur radio, que l’on observe ainsi à fleur de peau et dont on sent peu à peu la tension l’envahir et le chambouler. Un gros travail sur le son a également été fourni, notamment 
sur d’étranges voix perçues par le biais des appels téléphoniques… Tout circule par les ondes, et c’est bientôt par là aussi que le film va véritablement se révéler…

En effet, plus fort que le virus habituel qui se transmet par l’air ou le sang, « Pontypool » invente la transmission par les mots même. Le langage devient alors la menace, et plus
particulièrement les échanges verbaux de l’affect et de l’amour… La diffusion des programmes radio devient donc elle-même menace pour le reste du monde, susceptible de la capter ! Détail amusant,
ce n’est que la langue anglaise qui semble infectée, ce qui donne l’occasion aux personnages de s’exprimer dans d’autres langues, et notamment dans un français approximatif rigolo pour tout
francophone qui fera l’expérience du film en VO ! Le film s’achève bien sûr par une solution trouvée par le héros pour stopper le fléau, et cette solution procure au film une dimension poétique
vraiment surprenante et bienvenue… La conclusion de Grant Mazzy est qu’il faut désapprendre le langage et rendre les mots comme des coquilles vides. Quand la sémantique du vocabulaire s’enfuit,
c’est le carcan de notre expression humaine qui disparaît, ce qui libère ainsi notre véritable capacité à ressentir les choses, sans forcément devoir les conceptualiser et par là même les
dénaturer… L’expérience de langage vocale que tente le personnage à la fin à travers son micro se rapproche de la poésie moderne, qui joue sur les sonorités et les sens, au point de transformer
complètement la langue. Mais bien plus que de poésie, c’est à une pure expérience philosophique que « Pontypool » se livre ici sous nos yeux incrédules et passionnés !



 



Mise en perspective :



- Survival of the dead, de George A. Romero (Etats-Unis, 2010)































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lundi 29 novembre 2010

Outrage, de Takeshi Kitano (Japon, 2010)



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Note :
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Après le superbe et sensible « Achille et le tortue », Takeshi Kitano
revient à ses premières amours avec « Outrage » : le film de Yakusa… Comme toujours, le cinéaste impose ici une mise en scène maîtrisée et virtuose, jamais avare de plans soignés et archi
composés. Son esthétisation de l’ultra-violence est impressionnante, sublimée par des affrontements entre triades impressionnants, pétaradants et précisément chorégraphiés ! Ca mitraille et ça se
zigouille dans tous les coins, ça tue à foison dans des fontaines de sang mais toujours dans des smokings impec’ et bien repassés, et ça ne manque parfois pas d’humour (forcément noir) dans
l’originalité et l’inventivité des humiliations ou des massacres (quelques découpages de doigts jugés inutiles, une séance chez le dentiste très particulière…)

Kitano tranche dans le vif et soigne ainsi la signature visuelle de son film. Pourtant, quelque chose semble manquer, son « Outrage » nous laissant la plupart du temps dans une contemplation
polie vaguement teintée d’ennui… Au fond, ça a beau charcuter et taillader en tout sens, ça a beau s’entre-tuer avec une certaine grâce, le tout ne passionne guère… Est-ce le côté « déjà vu » ?
La disparition des armes blanches au profit des seules armes à feu ? Est-ce l’atmosphère trop glacée de l’ensemble ? N’empêche que ce long métrage ne laissera assurément pas une place
impérissable dans la carrière de Beat Takeshi...



 



Mise en perspective :



- Achille et la tortue, de Takeshi Kitano (Japon, 2010)































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dimanche 28 novembre 2010

The Swimmer (Le plongeon), de Frank Perry (Etats-Unis, Grande-Bretagne, 1968)



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Note :
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Sorti confidentiellement en 1968, "The swimmer" de Franck Perry avait effectivement de quoi décontenancer ses spectateurs. Aussi bien par sa forme que par ses thèmes, ce film est tout bonnement
unique et précieux... Rien que le pitch se révèle d'ailleurs des plus troublants : après une absence difficile à déterminer, Ned Merrill revient là où il vit avec sa famille (une femme et deux
filles, dont il n'arrête pas de parler sans jamais qu'on ne les voit), dans une chic banlieue du Connecticut. S'invitant chez des voisins, il pique une tête dans la piscine, restant le seul
personnage en maillot de bain quand tous les autres demeurent parfaitement bien habillés... Une étrange idée, soudaine lubie un brin absurde, le saisit alors et il l'expose fièrement à qui veut
bien l'entendre : il va rentrer chez lui "à la nage", piquant une tête dans les piscines de chaque maison entre celle où il se trouve et la sienne !

Défi aussi vain qu'il est symbolique, son cheminement de bassin en bassin sera surtout l'occasion pour lui de revoir défiler sa vie et de constater combien elle est semée d'échecs et de vanité...
Tous ceux qu'il croise lui permettent d'évoquer des souvenirs, mais les dialogues avec eux se remplissent souvent bien vite d'amertume, quand ce n'est pas de violence, de haine ou de rejet... On
assiste alors à la déchéance inattendue et incroyable de ce personnage, qui nous était pourtant apparu si fort et si beau au début du film. Tout au long de « The swimmer », qui n'est pourtant
censé se dérouler qu'au cours d'un même après-midi, c'est comme si on voyait le héros vieillir et "plonger" non seulement dans les piscines mais surtout dans les profondeurs de la nuit... Si les
scènes d'humiliation qu'il subit (des voisins qui le chassent violemment de chez eux ou un employé de la piscine municipale qui lui reproche ses pieds sales avant l'accès au bassin) révèlent une
violence sourde bien palpable, de nombreux signes avant-coureurs nous avaient bel et bien prévenu : un frisson sur la peau du héros, qui pourrait ainsi bien être plus vulnérable qu'on le croit,
ou encore un faux pas qui le fait soudainement boiter, rendant sa nage de plus en plus difficile et de moins en moins gracieuse et athlétique...

Mais "The Swimmer" est aussi l'occasion pour son auteur (et pour son acteur, Burt Lancaster, qui a visiblement eut son mot à dire, laissant finalement Franck Perry claquer la porte pour se faire
remplacer par Sidney Pollack dans les dernières jours de tournage) de montrer avec une belle acuité les travers de la bourgeoisie, et plus généralement de la société américaine de l'époque. On
assiste au spectacle à la fois triste et risible de gens riches pour qui les biens de consommation ne sont qu'un moyen de s'élever en société : il est par exemple flagrant de constater que seul
le personnage principal utilise les piscines pour nager, les autres ne les exhibant que pour organiser « party » et cocktails autour d'elles... Le contraste est plus évident encore quand Ned
Merrill essaie de nager dans le bassin noir de monde de la piscine municipale, à des années lumières des eaux claires et trop tranquilles des piscines privatives... Mais plus que le culte de la
possession, c'est surtout l'oisiveté et la vacuité des vies de ces gens là qui est dénoncé dans le film : toute cette classe bourgeoise, s'ennuyant au point de passer leurs journées à boire ou à
se tromper les uns les autres... Le personnage incarné par Lancaster révèle d'ailleurs très vite sa nature volage, notamment à travers cette séquence ambiguë où on le voit tourner autour d'une
jeune fille tout juste majeure, qu'il essaie d'emmener avec lui dans sa chute. Des scènes "limites" et finalement passionnantes, il y en a en grand nombre dans "The Swimmer" ! Notons encore entre
autres cette scène où l'on voit le héros sauter des haies équestres avec la jeune fille, courrant sauvagement avec elle, comme au temps lointain de sa jeunesse fanée, ou bien ce surprenant «
twist » final lorsque le personnage revient enfin chez lui, et que l’on se gardera bien de révéler ici pour le laisser intact aux yeux du spectateur innocent... Bref ! Ce film inclassable et
juste "impossible" est d'une profondeur et d'une richesse absolument incontournable !































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Mords-moi sans hésitation, de Jason Friedberg et Aaron Seltzer (Etats-Unis, 2010)



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Note :
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Du vent… pire !



 



"Oh mon Dieu, mais qu'est-ce que c'est ?!", angoissais-je dès les premières minutes... et le film n'allait pas aller en s'améliorant, hélas ! Mais même si je ne m'attendais pas à une comédie
ultra subtile et métaphysique en allant voir "Mords-moi sans hésitation", j'étais loin de penser qu'il me faudrait endurer un pareil supplice... Soi-disante parodie de la saga pour midinettes
adolescentes "Twilight", qui est au mythe du vampire ce que "La liste de Schindler" est à la comédie burlesque, le film est construit sur un scénario paresseux, quand il n'est pas carrément
absent. A vrai dire, "Mords-moi etc." se contente surtout de reprendre quelques scènes clés des films qu'il est censé pasticher, en les détournant de la façon la plus idiote et affligeante qu'il
puisse trouver... Du coup, c'est lourdingue, ça n'est jamais drôle, et ça sent le truc vite fait mal fait, surfant sur une mode pour se faire un peu de fric sans en dépenser trop !

L'humour employé est tellement grossier, tellement lourd et "premier degré pipi caca prout prout", qu'on regarde tout ça à distance, blasé et très pressé que tout cela cesse... C'est fou des fois
comme 1h20 paraît durer une éternité ! Le gimmick prioritairement utilisé ici est celui du "pan sur ta gueule" : deux personnages se croisent et se saluent à grands coups sur la tronche, un autre
rentre mystérieusement dans un mur qu'il se prend en pleine face, l'héroïne se laisse ensevelir par des briques tombées de son grenier juste sur sa tête, et ainsi de suite... Le propos déjà au
ras des pâquerettes est encore alourdi par une vulgarité sans nom et un comique de répétition hyper pénible ! Même les quelques rares idées qui auraient pu être drôles tombent ici à plat
tellement leur mise en scène manque d'intelligence ou d'imagination : une apparition impromptue de Buffy par exemple (oui oui, la même que dans "Buffy contre les vampires" !), ou la
représentation des fans de la saga "Twilight" comme des hordes de jouvencelles hystériques séparées entre deux camps : les "pro-Edward" ou les "pro-Jacob", toujours prêtes à se mettre sur la
tronche... Bref ! Oublions bien vite cette comédie vampirique affligeante qui manque cruellement de mordant...



 



Mise en perspective :



- Twilight, Chapitre 2 : Tentation, de Chris Weitz (Etats-Unis,
2009)































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samedi 27 novembre 2010

Le nom des gens, de Michel Leclerc (France, 2010)



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Note :
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Faut-il se fier au « nom des gens » ? Sous les consonances et les prononciations se révèlent bien souvent des apparences trompeuses : les noms véhiculent alors des mensonges, des secrets ou des
douleurs… Arthur Martin en sait quelque chose, lui à qui l’on fait inlassablement remarquer « Ah, comme les cuisines ! », alors qu’il n’a aucun lien de parenté avec son homonyme célèbre.
Comparaison très parlante au début du film, lorsqu’il assimile son nom à celui des joueurs d’une équipe de football coréenne, qui portaient tous le même, quand ce n’était pas le prénom qu’ils
avaient aussi en commun ! « Arthur Martin » est un nom si commun et tellement porté en France qu’il a décidé de vivre une vie tout ce qu’il y a de plus tranquille et discrète, banale et au fond «
muette », comme le secret qui règne dans sa famille à propos du passé, qu’il convient toujours de contourner en trouvant sans cesse de nouveaux sujets de conversation pour ne parler de rien…
Jusqu’à ce qu’il rencontre Bahia, un véritable phénomène qu’on croit d’abord indienne par son prénom mais dont le nom, Benmahamoud, ne cache pas des origines algériennes, contrairement aux
allures physiques parfaitement française de la jeune fille : comme quoi le nom des gens, il ne faut pas s’y fier…

Avec ce « Nom des gens », justement, Michel Leclerc envoie un film culotté et bien balancé à la figure du spectateur, qui a priori pouvait ne pas s’y attendre… Une comédie gaucho et grivoise,
encore une, avec des comédiens sympas, mouais… Eh bien non, vous n’y êtes pas ! Ce long métrage passionné et passionnant est bien plus que ça et atteint des sommets que l’on n’osait pas imaginer
! Rien que le scénario, rythmé et endiablé, à la narration palpitante et aux voix off intelligentes, réussit à mêler des millions de sujets, qu’ils soient drôles ou sérieux, tendres ou graves… Le
long métrage se fait ainsi tour à tour politique, social, historique, sentimental, burlesque, aborde dans une même réplique les délices de la crème chantilly et les camps de concentration… Tout
ça pourrait être indigeste et pourtant tout passe, résultat probable de savants dosages et de sérieux travaux d’écriture !

Mais ce que réussit plus que tout Michel Leclerc, c’est cette capacité à faire tenir son film sur un fil, comme un funambule, en lui faisant dire des choses intelligentes sur un mode hyper léger
! Prenez par exemple le personnage de Bahia : légère et courte vêtue, un peu pute mais terriblement aimable, ses idées simplistes et vite envoyées pourraient paraître bébêtes et atrocement
caricaturales… et pourtant qui lui donnera tort : tous les gens de droite ne sont-ils pas, après tout, des fachos qui ne pensent qu’au fric et à rétablir la loi du plus fort ? Et puis ce
passe-temps apparemment stupide qu’elle a adopté pour rendre le monde plus beau, celui de coucher avec ces fachos de droite (les « niquer » au sens propre donc !) pour les convertir à ses idées…
Eh bien n’empêche que ça marche !

Sara Forestier est juste épatante dans ce rôle rafraîchissant et (sur)vitaminé ! Jacques Gamblin parvient aussi à être très bien et très touchant dans ce personnage rentré qui va enfin s’ouvrir
au monde et aux autres au contact d’une fille qui n’est tellement pas lui, mais qu’il aime déjà si fort… Il forme tous les deux un couple tellement mal assorti qu’il en devient parfaitement juste
et beau ! Tous les personnages (et leurs acteurs) ont d’ailleurs quelque chose de profond et d’extraordinaire : une vérité et une intensité qui frappe ! Jusqu’à cette apparition inattendue et
sympathique d’un homme politique déchu, perdant magnifique… Le personnage de la mère d’Arthur aussi, est très fort : toute sa vie, elle l’aura passé à nier le passé et ses origines juives, la
déportation de ses parents… Tout se souvenir alors d’un coup s’avèrera bien sûr trop difficile à supporter pour cette vieille femme fragile. Le film se fait à la fois symbolique et émouvant quand
Arthur apprend sa mort au téléphone, un cygne inerte dans les mains et son futur (Bahia) qui revient lui dire qu’elle l’aime ! Ces moments à la fois inimaginables et qui sonnent pourtant si
vrais, il y en a des quantités dans « Le nom des gens », comédie populaire et magnifique, qui rappelle ce qui compte vraiment malgré les saloperies de la vie, et qui sait marquer profondément les
esprits, nous laissant dans une émotion toute paradoxale, entre rires et larmes, le sourire jusqu’au oreille et la gorge nouée… On en ressort définitivement sous le charme.































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vendredi 26 novembre 2010

Survival of the dead, de George A. Romero (Etats-Unis, 2010)



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Note :
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Romero sera toujours Romero, et ceux qui prétendent le contraire sont juste des gros nuls ! Non, le maître des Zombies n’est pas devenu l’un des nombreux morts-vivants qu’il met en scène dans ses
films, contrairement à toutes les méchancetés blasphématoires qui ont été prononcées à son sujet ces dernières années alors qu’il réalisait sa seconde « trilogie des morts vivants », et plus
particulièrement à propos de cet ultime épisode, laminé par la critique et les fans à un point tel que le film sera banni d’une sortie au cinéma sous nos tropiques et relégué à une basse
exploitation pour le marché vidéo… Bouh ! Honte sur vous bandes de nazes ! Parce que « Survival of the dead » est bien loin d’être la bouse infâme à laquelle on nous avait jusque-là préparé…

Fidèle au concept de sa mythique saga de l’horreur inaugurée en 1968 avec « La nuit des morts vivants », ce sixième opus met encore en scène la lutte de quelques survivants « humains » dans un
monde infesté de zombies, dont ils peuvent rejoindre les rangs à la moindre morsure… Fait inédit jusqu’alors, le personnage principal de ce « Survival » apparaissait déjà brièvement dans une
séquence du précédent volet (« Diary of the dead ») : sauf qu’il passait alors pour un type vraiment pas cool, alors que là il l’est, « cool » ! Tout comme l’ensemble du film, d’ailleurs, à la
fois cool et fun ! Parce que Romero sait vivre avec son temps, il a su adapter sa saga (depuis « Land of the dead ») à notre époque contaminée par l’ironie et le cynisme… Le film enchaîne ainsi
plein de petites trouvailles amusantes et distanciées : des têtes de morts qui s’animent au bout de pieux sur lesquelles elles ont été plantées, un type qui pratique la « pêche aux morts vivants
» depuis un toit, une jolie zombie à cheval, des paysans zombies, un facteur zombie, ou encore cette scène assez tordante où un personnage s’empêche d’utiliser son pistolet pourtant en parfait
état de marche, au prétexte qu’il croyait que la baignade qu’il lui a imposé l’avait mis hors service… Une sorte de revisitation des mythes, mais pas que de ceux du film d’horreur, puisque Romero
rend ici un bel hommage au western, notamment avec cette histoire d’arme à feu…

« Survival of the dead » a en effet la bonne idée de planter son décor sur un île à l’histoire chargée, notamment entre deux familles, dont les deux « chefs de clan » s’affrontent comme de vrais
cow-boys ! Le plan final d’un duel crépusculaire est extraordinaire dans sa conviction à mêler les genres en donnant dans le cow-boy zombiesque ! Sans compter que la voix off finale possède cette
virilité et cette morale amère de la grande époque de la conquête de l’Ouest : « Dans cette guerre entre nous et eux, quelqu’un plante son drapeau et un autre le déterre et plante le sien. Très
vite, tout le monde oublie ce qui a déclenché cette guerre et on ne se bat plus que pour un stupide drapeau ». La guerre comme une querelle absurde et insensée, symbole de toute la connerie
humaine, comme aime à le rappeler le cinéaste dans un récit loin d’être idiot, mettant en scène toute la cruauté, la bêtise, la bestialité ou la vénalité humaine, toujours prête à se tirer dans
les pattes et à s’entre-tuer, contrairement d’ailleurs aux zombies qui ont l’intelligence de ne tuer que pour une raison simple et compréhensible : manger (enfin, « bouffer ») et survivre !

Alors bien sûr, « Survival of the dead » offre l’image d’un grand cinéaste qui s’essouffle et se renouvelle peu, mais qui continue cependant de tenir parfaitement la route… Le film trace un récit
tout à fait cohérent et truffé de surprises. On pourra regretter sans doute le manque d’effets purement gore et d’autres abominations en tout genre (Romero s’assagirait-il avec le temps ?), mais
le rebondissement final ouvre d’étonnantes perspectives pour les morts vivants, leur indiquant peut-être les portes d’une troisième trilogie ?



 



Mise en perspectivre :



- Bienvenue à Zombieland, de Ruben Fleischer (Etats-Unis, 2009)































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jeudi 25 novembre 2010

La famille Jones, de Derrick Borte (Etats-Unis, 2010)



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Note :
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Il y avait comme un étrange paradoxe à aller voir « La famille Jones » dans un méga multiplexe rempli d’« homo consumens », tout juste bons à carburer au Coca et au pop-corn ou à « slider » sur
leurs écrans tactiles de téléphones portables dernier cri (et un brin trop lumineux pour le spectateur derrière eux… mais ça ils s’en foutent !) au cours de la projection… Etonnant conflit
d’intérêts aussi d’assister à un film qui critique la publicité tout en multipliant les citations de marques dans son récit et en ayant probablement largement constitué son budget sur le
placement de produits… N’empêche que cette « Famille Jones » se révèle rudement pertinente sur le fond ! Issu du monde de la publicité, Derrick Borte réalise une comédie plutôt inattendue, dans
laquelle il pousse le cynisme du marketing et de la vente à tout prix jusqu’à un paroxysme assez terrifiant ! La famille Jones, qui vient s’installer dans un quartier résidentiel ultra riche, est
en effet construite sur une parfaite imposture : ce père, cette mère et leurs deux enfants n’existent pas et sont en réalité incarnés par des comédiens payés par les marques pour faire de la
publicité à tous leurs riches voisins et pour les inciter à acheter tout et n’importe quoi, simplement en exultant leur bonheur dans le simple fait de posséder tous ces objets…

Si la comédie fait souvent mouche, en grande partie grâce au jeu ironique des acteurs constamment sur le fil, partagés entre la construction de ce bonheur familial factice et la réalité d’une
famille construite sur le schéma d’une équipe marketing au sein de laquelle seul compte le chiffre et le profit, le film ose aussi s’aventurer vers plus de noirceur… Si les failles et la vraie
nature des personnages se révèlent peu à peu et prêtent encore à sourire (la fille un peu nympho, le fils gay, le père qui tombe amoureux de sa fausse épouse…), l’humour devient carrément noir et
grinçant quand une voisine retrouve son mari noyé au fond de sa piscine… Endetté jusqu’au cou à cause des dépenses sournoisement « imposées » par les Jones, celui-ci s’est attaché en slip à ses
lourds biens de consommation pour couler avec eux ! Très imagée, cette séquence nous rappelle combien qu’à trop posséder d’objets (surtout à crédit) ce sont eux qui finissent par nous
posséder…

Notons enfin que le couple Demi Moore / David Duchovny fait des merveilles et que si l’attaque politique n’est pas complètement aboutie, le marché européen a quand même bénéficié de la «
director’s cut » du film en salle, qui propose une fin moins guimauve et « happy end » que sa version américaine…































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mercredi 24 novembre 2010

No et moi, de Zabou Breitman (France, 2010)



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Note :
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La véritable force de « No et moi », c’est qu’il ne se cantonne pas au seul sujet « produit d’appel » que la bande annonce semblait placer au cœur de tout le film : les SDF. Expédié au début du
film par l’exposé que doit faire la petite Lou en classe, et qui sera l’occasion de balancer quelques chiffres et autres statistiques pédagogiques sur les sans abris, le long métrage se focalise
ensuite surtout sur la rencontre entre Lou et « No » (comme Nora), une jeune fille des rues tout juste majeure… Mais les sujets ne manquent pas et se télescopent, noyant ainsi le côté un peu «
démago » que l’on pouvait craindre au départ. Zabou Breitman nous parle ainsi d’une enfant précoce, de la dépression, de l’alcoolisme, de la prostitution, de jeunes gens livrés à eux-mêmes… Bon,
ça pourrait sembler presque trop en fait, mais la réalisatrice tente des choses en matière de mise en scène, pas toujours très subtiles ou habiles certes, mais qui ont le mérite d’être tentées,
ce qui rend l’ensemble finalement assez fluide et agréable à suivre. On pense au côté un peu rock’n’roll de la bande son et de certaines séquences « clipeuses » ou nostalgiques, à l’humour tantôt
émouvant tantôt plus frontal (Lou s’imaginant demander de diverses façons à ses parents de garder No à la maison), à la dimension d’errance de la caméra, qui suit des personnages un peu perdus,
mais toujours très attachants…

Certes, le tout demeure quand même pétri de bons sentiments, mais la guimauve ne déborde cependant pas à tout bout de champs (et de contrechamps) : ça reste tout à fait supportable. Si les sujets
sont nombreux, ils sont traités avec superficialité, ce qui n’est au fond pas plus mal, étant donné la façon trop proprette et gentillette dont ils sont déjà effleurés… Sans aller jusqu’à dire
que « No et moi » est un film mielleux et neuneu, on peut cependant avancer qu’il raconte une histoire très « mignonne ». Au fond, ce qui le rend si attachant et si aimable, c’est peut-être
surtout la fougue de ses interprètes et de leur belle jeunesse. Les trois jeunes gens qui sont au cœur du récit ont chacun un écart de deux ans d’âge (14, 16 et 18 ans), mais leur entente et leur
amitié, au-delà de toute intention sexuelle (ce qui rend leur union plus gracieuse encore), demeure un attrait éminemment rafraîchissant de ce long métrage. Ils sont tous les trois plus au moins
abandonnés par leurs parents et leur relation est une jolie façon de pallier aux manques affectifs qui les cernaient. Si la toute jeune Nina Rodriguez possède un jeu très basique, Julie-Marie
Parmentier est vraiment très bien, même si la véritable révélation du film viendrait peut-être plutôt d’Antonin Chalon, dans le rôle d’un cancre magnifique comme on en avait rarement vu depuis «
Le péril jeune » !































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mardi 23 novembre 2010

Jeu : Les Rois du Caméo # 1


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Réponse : Alfred Hitchcock dans "Pas de printemps pour Marnie"



Trouvé par Romainst (qui prend la tête !)



Jouez et gagnez plein de cadeaux avec Phil Siné : guettez la publication des jeux sur le blog, soyez le premier à donner la bonne réponse en commentaire et accumulez un maximum
de points afin de choisir le lot que vous convoitez parmi la liste mentionnée un peu plus bas…

Règle des « Rois du caméo » : Un caméo est l’apparition furtive en forme de clin d’œil d’une personnalité que l’on n’attend pas dans un film (souvent le réalisateur du film
lui-même). Devinez le titre du film et le nom de la personne du caméo représenté sur la photo ci-dessus et gagnez un point si vous parvenez à être le premier à donner la bonne réponse en
commentaire ! Pour inaugurer ce jeu, on commence d’ailleurs avec le maître absolu des caméos (37 à son actif !), qui est aussi accesoirement le « maître du suspense » au cinéma… Trop facile,
n’est-ce pas ?

Avec 5 points, vous pourrez choisir un DVD parmi les titres suivants :
- « The calling » de Richard Caesar
- « L’étrange créature du lac noir » de Jack Arnold (accompagné
du documentaire "Retour sur le lac noir")
- « Flandres » de Bruno Dumont (dans une superbe édition collector digipack double-DVD,
débordante de bonus passionnants !)
- "Karaté Dog", de Bob Clark
- "Ally McBeal" (les 4 premiers épisodes de la saison 1)
- « Génération 90 », de Ben Stiller

Scores actuels :
Docratix : 1 point
Violaine : 1 point
Romainst : 1 point

Bonne chance à toutes et à tous !































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lundi 22 novembre 2010

Magma, de Pierre Vinour (France, 2010)



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Note :
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Ah, l’Auvergne ! Ses volcans, sa brume, ses paysages panoramiques, ses vaches, ses routes sinueuses… et ses crimes ! Urbain jusqu’au-boutiste et agoraphobe, Paul Neuville, marié un enfant, est
contraint d’aller faire une présentation pour son travail au cours d’un séminaire au beau milieu de cette région bucolique... Sauf qu’au cours de son séjour, il va faire la rencontre d’une femme,
avec qui il aura une liaison et qu’il sera suspecté d’avoir fait « disparaître », après la mystérieuse éclipse de celle-ci…

Si l’intrigue n’a rien d’atrocement innovant ou palpitant, malgré ses quelques rebondissements plutôt futés, la mise en scène, bien que desservie par une pauvreté de moyens évidente, s’avère
quant à elle intrigante et parsemée de frénésies incroyables… Pierre Vinour parvient en effet à créer une pure atmosphère, pleine d’audaces et de recherches formelles parfois maladroites, mais
qui revendiquent toujours une liberté de filmer presque virginale ! Le parallèle établi plusieurs fois entre les paysages volcaniques (l’imminence d’une éruption) et l’intériorité du personnage
principal demeure notamment assez réussi et mystérieux… Le film est ainsi traversé d’un bout à l’autre par une étrangeté souvent inqualifiable, une sorte de malaise inexplicable et diffus, bercé
par une ambiance vaporeuse.

Les jolies apparitions de Natacha Régnier (dans le rôle de la femme de Paul) ont du offrir à « Magma » une grande partie de son modeste budget, mais le rôle principal dévolu à l’acteur Medhi
Nebbou apparaît comme la véritable clé du scénario, le lien entre tous les personnages… D’ailleurs, si la femme qui disparaît (souvent hitchcockienne !) nous semble d’abord le cœur de l’intrigue,
c’est au contraire sur Paul que tout va finir par se cristalliser : un traumatisant passé va venir nous exploser à la figure et un trouble de comportement devient de plus en plus évident dans les
aléas du personnage, qui nous était pourtant apparu tellement sympathique tout d’abord, sous ses faux airs de grand dadais ahuri qui sourit tout le temps… L’histoire se retourne alors sur une
étonnante opacité et l’on se rend compte que tout n’était peut-être que faux semblants, la narration n’étant en réalité que le fruit de plusieurs subjectivités… Pierre Vinour affirme là une belle
façon de mener son spectateur en bateau, en privilégiant le ressenti au factuel, et révèle des talents de cinéaste débutant indéniables !































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dimanche 21 novembre 2010

Mega Piranha, d’Eric Forsberg (Etats-Unis, 2010)


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Note :
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Avis aux amateurs de gros nanars bien pourraves, « Mega Piranha » a été fait pour vous ! « Fait pour vous » au sens littéral du terme d’ailleurs : le film a été pensé, produit et réalisé pour
devenir un navet décérébré tout pourri, lorgnant sans cesse un peu plus vers la série Z et au-delà… Fauché jusqu’à l’arrête (de piranha, donc) et écrit avec les pieds (ou peut-être les nageoires,
qui sait ?), « Mega Piranha » vient trouver une place de choix au beau milieu des multiples productions du studio américain « The Asylum », spécialisé dans les sous-sous-productions, à qui l’on
doit notamment des chefs-d’œuvre du n’importe nawak, tel « Mega Shark vs Giant Octopus», « Titanic 2 » ou « Moby Dick 2010 » pour le plus récent ! Bien sûr, le principe du nanar volontaire recèle
mois de spontanéité et de fraîcheur qu’une daube malgré elle, mais il n’en devient finalement que plus drôle encore, puisque tout y est appuyé jusqu’à l’éclate totale !

Jugez plutôt : surfant sur le revival du piranha mangeur d’homme, remis au goût du
jour avec le récent remake en 3D d’Aja
, « Mega Piranha » n’hésite pas à enfoncer le clou et à aller toujours plus loin dans l’« énormissime », puisque les poissons sont ici géants ! (Eh oui,
le « Mega » du titre n’a rien d’une imposture…) Ce n’est donc pas du piranha de pédé pour aquariophiles que l’on vous sert ici, mais bel et bien du piranha démesuré, capable de s’enfiler un
humain en une bouchée, voire même un destroyer ou un sous-marin nucléaire qui passait par là, tant qu’à faire… Le principe du film est d’ailleurs imparable : au fil du récit, les piranhas
deviennent de plus en plus mégas, à l’image même du long métrage, qui devient lui aussi de plus en plus gros et gras, ne reculant devant aucun ridicule, ni aucune connerie grosse comme un « Mega
Piranha » ! Si vous aimez les répliques qui tâchent, les acteurs médiocres, les accumulations monstrueuses de clichés éculés du film catastrophe, et même pourquoi pas les bimbos stupides à gros
nichons (formidable séquence d’ouverture !), vous allez être servi… La fin sur fond de coucher de soleil et de romance improbable entre le « musclor » du film (aka Paul Logan !) et la
scientifique (appelez-la juste « Tiffany »), est encore à hurler de rire, malgré tous les fous rires qui auront déjà pu précéder !

Côté intrigue (parce qu’il y en a une, en plus !), si le film démarre sur un vague sous-texte politique, laissant présager un conflit entre les Etats-Unis et le Venezuela, on sent que tout se
resserre par la suite sur un fond écologique des plus ambigu… Si les piranhas sont « mégas » et grossissent d’heure en heure, c’est forcément à cause d’une expérience scientifique qui a mal
tournée… Sauf que cette expérience avait à la base une vocation environnementaliste, pour sauvegarder l’écosystème ! Il ne faut probablement pas surinterpréter un film pareil, mais quand on
entend la pseudo écolo scientifique vanter la puissance des mégatonnes nucléaires en pleine mer pour éliminer les poissons carnassiers, on manque quand même de s’étrangler… Allez, on s’en fout,
et on profite avant tout du spectacle ! Ouch, le héros qui envoie valdinguer la poiscaille à bons coups de pieds dans la gueule… Aah, les incrustations d’images de piranhas dans les plans qu’on
dirait commises par un enfant de 2 ans… Ooh, les piranhas volants qui attaquent les terres et se mettent à dévorer des immeubles… C’est juste complètement délirant et carrément bandant !



megapiranha.jpgMise en perspective :



- Piranha 3D, d’Alexandre Aja (Etats-Unis, 2010)































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samedi 20 novembre 2010

My Joy (Mon bonheur), de Sergey Loznitsa (Russie, Ukraine, Allemagne, 2010)



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Bon, c’est vrai, contrairement à son titre optimiste, « My Joy » n’est pas un film très joyeux… On y suit l’odyssée tragique de Georgy, un pauvre gars, au départ plutôt bon bougre, qui finira
pourtant par passer du côté obscur de l’humanité, vaincu par la noirceur du monde qui l’entoure et surtout l’enserre ou l’étouffe, devrait-on dire. Au début du long métrage, Georgy est un routier
sans histoire et plutôt conciliant, étant même prêt à aider son prochain malgré l’ingratitude de tous ceux qu’il rencontre sur sa route : il ne bronche pas devant la bêtise de deux agents de
police cruels qui veulent se faire mousser (pathétique et arbitraire vengeance des « sans grade » dans un système qui les écrasent), il essaie d’aider une (trop) jeune prostituée qui finit par
l’envoyer balader, et il se fait frapper et dépouiller par ceux à qui il propose de partager un repas… Noir c’est noir, et le cinéaste semble constamment asséner au spectateur qu’il n’y a
vraiment plus d’espoir : quand on croit que la situation ne peut pas être pire, le récit nous prouve qu’en fait si, tout peut être toujours pire ! Dans la seconde partie du film, Georgy est
devenu un quasi clochard mal rasé et visiblement fou, incapable de parler peut-être à cause du coup qu’il a reçu sur la tête… La fin du film l’amènera à commettre un acte de violence atroce et
gratuite, le faisant ainsi définitivement rejoindre les ténèbres que l’on croyait l’apanage des autres personnages : le dernier plan, le laissant marcher sur la route et doucement s’enfoncer dans
l’obscurité, est tout bonnement sublime !

A plusieurs reprises, le film nous fait perdre de vue son personnage principal, pour mieux nous entraîner dans un enchevêtrement de récits et de personnages des plus fascinants. « My Joy » trouve
là sa force et son identité propre, à travers cette écriture formelle à la fois déstabilisante et audacieuse… Sans compter que les récits dans lesquels le cinéaste nous embarquent décrivent avec
une vigueur sans concession un monde à l’agonie : ce monde de l’Est, éternellement pauvre et dépossédé, corrompu et violent, où l’on ne cesse de donner ou de recevoir des coups, gagné
inéluctablement par un égoïsme et un cynisme qui enveloppe et détruit tout sur son passage, n’est d’ailleurs peut-être que le symbole du monde des hommes dans sa globalité. Il ne semble plus y
avoir la moindre échappatoire à cette description pleine de fatalité et de désespérance de l’humanité, si ce n’est la mort, à laquelle il convient encore de penser avant même de mourir, en
achetant par exemple son cercueil de son vivant, pour qu’il soit au plus bas prix ou avant que celui qui peut le fabriquer ne meurt lui-même… La tonalité âpre et glaçante du film pourra en
refroidir plus d’un, mais « My Joy » demeure admirable dans ce style unique et envoûtant qu’il parvient à mettre en œuvre sous nos yeux incrédules : un mélange de beauté crasse et de grâce
corrompue !































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vendredi 19 novembre 2010

Génération 90 (Reality bites), de Ben Stiller (Etats-Unis, 1995)



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Premier film réalisé par Ben Stiller, « Generation 90 » est un peu à l’image de cette jeunesse perdue que son titre français désigne : un peu vain et vide de sens… Avouons en effet que le
scénario du film ne brille pas par la richesse et l’intérêt de son contenu. On pourrait résumer l’histoire à un vague triangle amoureux : une pauvre fille qui a du mal à se réaliser dans son
travail hésite entre un beau garçon sexy mais glandeur et peu attentif et un jeune homme actif et responsable, garant de sérieux et de stabilité… Bien sûr, il y a aussi l’arrière fond politique
et sociologique, entre la difficulté de trouver un emploi et les errances amoureuses, compliquées par le SIDA ou le manque d’engagement… Mais tout ça n’est qu’effleuré et le cinéaste s’attarde
plutôt dans la forme de son long métrage, plutôt rafraîchissante et dynamique, il faut le reconnaître. Des séquences régulières en vidéo donnent par exemple un côté « documentaire à la MTV », qui
garantit le côté « jeune et moderne » du film ! « Génération 90 » s’avère ainsi une belle plongée nostalgique et légère au cœur de la dernière décennie du 20e siècle, certes inoffensive mais
plutôt plaisante, dont le principal intérêt demeure sans doute le plaisir de revoir une belle brochette de jeunes premiers alors débutants : Winona Ryder, Ethan Hawke et Ben Stiller…































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Rubber, de Quentin Dupieux (France, 2010)



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Sauve qui pneu !



 



Pourquoi une automobile noire renverse méthodiquement un « troupeau » de chaises une à une en plein désert au tout début du film ? « No reason »… Pourquoi un type en sort du coffre et renverse le
verre d’eau qu’il tient à la main et que l’on pensait qu’il boirait ? « No reason »… Pourquoi a-t-on fait venir là des « spectateurs » pour suivre à distance, avec des jumelles, une étonnante
fiction ? « No reason »… Pourquoi voit-on un pneu se réveiller tranquillement dans une décharge, apprendre à rouler l’air de rien, se mettre à développer des talents pour la télékinésie et faire
ensuite exploser des têtes par dizaines ? « No reason »… Ah vraiment, mais quel drôle d’Oizo ce Dupieux ! Il est quand même un tout petit « pneu » gonflé pour oser un film aussi improbable sur
une roue de voiture reconvertie en serial killer qui tue sans la moindre raison… Tourné en quatorze jours avec un appareil photo (!), le seul concept du film a déjà de quoi surprendre et emballer
!

Le pari du cinéaste est d’ailleurs en grande partie réussi, dans la mesure où l’on y croit à cette histoire et où son cinéma fait parfaitement illusion. En plus de ça, on s’amuse vraiment à
suivre l’odyssée absurde et déjanté de ce pneu en roue parfaitement libre, si l’on puit dire… Les bonnes idées se suivent, depuis l’apprentissage de la vie du pneu (à rouler d’abord, à tuer
ensuite, en commençant par des objets ou des petits animaux et en finissant par des humains) et jusqu’à sa réincarnation en tricycle, en passant par sa romance avec une jolie pépée ou une nuit
tranquille dans un motel, traces de pneu dans les draps (ah ah) et douche au petit matin incluses…

Quentin Dupieux est un filou et il va même plus loin dans son concept terriblement série Z, en le transformant en vraie réflexion sur le cinéma, à travers une intrigante mise en abyme… L’histoire
ne se déroule en effet que si un public la regarde, et le réalisateur installe carrément un groupe de touristes au milieu de nulle part pour leur faire assister à son « film ». A moins qu’il ne
s’agisse là que d’une façon d’exorciser l’absence de public pour « Steak », son précédent film ? Quelques spectateurs, après tout, même inclus à l’intérieur du film, c’est toujours ça de
pris…

Audacieux, « Rubber » l’est tout autant dans son récit que dans sa forme, puisque tout semble sur le point de vaciller à chaque instant au fur et à mesure que le film avance… On se demande même
souvent comment il peut aussi bien tenir la route, mais c’est justement dans son absence de cohérence ou d’explications que l’on trouve la meilleure des réponses ! Dès le début de film en effet,
le personnage principal (excellent et hilarant Stephen Spinella) nous explique face caméra, ni vu ni connu, que ce que l’on va voir n’est finalement rien d’autre qu’un hommage à l’éternel et
omniprésent « No reason » qui gouverne le monde…

Reste que « Rubber », malheureusement, manque peut-être un peu de carburant pour arriver vraiment à bout de ses intentions de long métrage… Si les effets de lenteur qui parcourent le film sont
bien souvent joliment esthétique, force est de constater que l’ensemble a parfois l’air un brin étiré et répétitif, au point de tourner en rond… ou plutôt de ne plus tourner bien rond, comme un
pneu crevé ! On reconnaît que « l’effet cinéma » est réussi, porté aussi par mille références (à commencer par « Scanners » de Cronenberg, peut-être la plus évidente avec les têtes qui explosent), mais
une impression d’inachevé demeure quand le générique de fin apparaît. Il manquait sans doute encore un peu de consistance, d’une ou deux idées supplémentaires ou d’une roue de secours, pour
parachever ce « Rubber » comme on l’avait rêvé avant sa projection ! Bel effort, en tout cas, et beau geste d’un cinéaste stimulant !































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jeudi 18 novembre 2010

Holiday, de Guillaume Nicloux (France, 2010)



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Sortie nationale le 8 décembre 2010



 



A la projection de presse d’« Holiday », j’ai du me lever de mon siège pour laisser passer un homme, qui était donc potentiellement une illustre plume de la critique cinématographique… En passant
devant moi, ce monsieur m’a méticuleusement écrasé le pied, en prenant soin de bien appuyer de tout son talon sur mes misérables petits orteils sensibles. En parfait petit être minuscule et
pusillanime, je n’ai pas émis le moindre cri, ni le moindre son d’ailleurs, malgré la douleur insoupçonnée d’un tel écrabouillage systématique, et je n’ai pas pipé mot non plus ! Mais l’homme,
qui me surpassait probablement en tout et de très loin, au point de se permettre sans vergogne de me piétiner de son « 44 » au bas mot, s’est cependant retourné vers moi après son éprouvant
passage pour me demander innocemment : « Je ne vous aurais pas marché sur le pied par hasard ? » Et moi de répondre dans un souffle : « Oui ! Mais ce n’est pas grave… » « Ce n’est pas grave »,
putain ! Je lui ai répondu « ce n’est pas grave », putain de merde ! Genre, allez-y les gens, piétinez-moi à loisir, ça ne fait rien, c’est ma tournée ! Et puis de toute façon je suis tellement
minable comme mec, tellement plus bas que vous… « Minable », je me suis dit, « tu es vraiment minable »…

Minable comme le personnage principal d’« Holiday », justement ! Interprété par Jean-Pierre Darroussin (qui joue plutôt bien les minables, rien à dire…), ce Michel Trémois a donc une petite vie
minable, un petit travail minable, une vie de couple assez minable… Il a quand même une femme plutôt jolie, mais il n’arrive pas à la faire jouir, ce qui de toute façon est assez minable. Elle
finira par le quitter d’ailleurs, pour un autre minable (mais gynécologue, on comprend mieux !), à l’issue de ce week-end dans un hôtel étrange censé faire renaître leurs premiers émois de couple
désormais sur la brèche… Sauf qu’un meurtre va être commis et qu’une enquête va être menée… Guillaume Nicloux multiplie les scènes plus ou moins absurdes, au gré de rencontres avec des
personnages constamment décalés, et à peu près tous minables, encore une fois… Le problème, c’est que sa pseudo « comédie polisexe » (comme il le mentionne subtilement sur le dossier de presse)
manque de punch, manque de rythme et devient, passé le premier quart d’heure qui nous laisse espérer, furieusement chiante ! Bien sûr, y’a les acteurs, mais Balasko est très vite éclipsée et
Judith Godrèche, franchement, si vous tenez absolument à la voir au cinéma en ce moment,
optez plutôt pour le fabuleux film de François Ozon
! Alors je ne sais pas si ça vient surtout de mon pied écrasé, mais j’ai eu du mal à prendre mon pied au cours de ces « congés » forcés… «
Holiday » ? Un film un peu comme moi et ses personnages dans le fond… Qui a dit « minable » ?































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mercredi 17 novembre 2010

Saw 3D : Chapitre final = Saw 7 (vu en 2D), de Kevin Greutert (Etats-Unis, 2010)



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Le 7ème "Saw" ?



 



Pour ce « chapitre final », la franchise culte du gore nous a réservé un(e) « Saw 7 » très sale ! Les aficionados du genre devraient en effet se réjouir et se pourlécher les babines : « Saw 7 »
enchaîne sans relâche les dépiautages, éviscérations et autres découpages en tout genre de chair humaine, dans des gros plans frontaux bien dégueux… ou délicieux, selon le régime alimentaire de
chacun (on déconseillera quand même le tout aux végétariens à l’âme trop sensible !) N’empêche que l’univers cathartique de la saga continue de fonctionner comme au premier jour et que l’on
s’abreuve de tant d’horreur avec toujours autant de bonheur ! Il faut dire que les façons de trucider les gens ne manquent ici ni de peps ni d’originalité : le spectacle monstrueux et sadique de
la mort est constamment renouvelé pour nos petits yeux avides… On suppose que la vision en 3D du film permettra d’en avoir encore un peu plus plein les mirettes, mais sachez que sa version «
vintage » et plate est déjà suffisamment efficace en matière de sensations fortes, avec quelques séquences particulièrement insoutenables !

Mais « Saw 7 » n’est pas que cela ! A l’instar des autres épisodes de la série, trop souvent qualifiés à tort de « porn torture movies » sans rien derrière, cet « ultime » opus (c’est comme ça
qu’il est aujourd’hui vendu en tout cas) possède des qualités créatives et artistiques insoupçonnées, qu’il serait grand temps de réhabiliter ! La première séquence de torture, par exemple, est
ici particulièrement intéressante dans la mesure où elle a lieu – fait inédit ! – en public, dans la vitrine d’un grand magasin : à travers cette foule de voyeurs assistant avidement au spectacle
de charcuterie de quelques adolescents à coups de scies sauteuses, le film propose comme une mise en abyme « miroir » plutôt futée à son public avide d’images de plus en plus sanglantes… On
pourrait y lire alors une véritable critique de la violence croissante de nos sociétés pseudo-civilisées !

Cependant, rappelons avant tout que « Saw » est aussi un concept narratif assez fouillé et bien réalisé. Ici, le scénario est une fois encore brillamment écrit, poussant le récit avec une
certaine virtuosité dans des retranchements insoupçonnés. Sans compter que les révélations sont nombreuses, notamment le coup de théâtre final (réapparition incroyable d’un personnage jusque-là
oublié du tout premier film !), tout comme les mises en perspectives avec les autres longs métrages de la saga… C’est stimulant et bien fichu, donnant du relief et un sens à ce que beaucoup
voudraient trop facilement réduire à un enchaînement pur et simple de scènes de carnages atroces et perverses !

Osons enfin comparer l’incomparable et proclamer « Saw » comme un équivalent contemporain de cette bonne vieille Bible ! Chaque film serait alors un chapitre et chaque piège de Jigsaw et de ses
disciples comme les versets de ces chapitres… Chaque verset possédant bien sûr sa petite morale propre. Car au fond, « Saw » est une suite de films remplis de commandements et de conseils pour
une vie meilleure : les mauvais actes y sont systématiquement punis et chaque homme fautif aura une chance de se racheter une dernière fois… Dans « Saw 7 », un imposteur tente même de transformer
en religion les actes de Jigsaw, soutenant que chaque homme ayant survécu à ces horreurs peut en tirer une vraie leçon de vie ! Constituée de 7 films (chiffre magique !), le premier et le dernier
sont comme l’alpha et l’oméga, allant de la « Genèse » à l’« Apocalypse », et il n’est bien évidemment pas innocent que ce dernier chapitre se termine exactement là où le premier film commençait…































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mardi 16 novembre 2010

Potiche, de François Ozon (France, 2010)



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Catherine Deneuve est une « Potiche » absolument fabuleuse pour François Ozon ! Dans son rôle de vieille bourgeoise a priori fidèle et soumise à son mari infidèle et teigneux à la tête de
l’entreprise de parapluies de son papa défunt, où les tensions sociales avec le monde ouvrier sont de plus en plus difficiles à gérer, elle excelle d’abord à tout retenir, faire comme si tout
allait bien, pour ensuite mieux renverser la situation et les clichés ainsi accumulés, et démontrer à son entourage que la « potiche » n’est pas forcément qui l’on croit… Suite à un malaise
cardiaque de son mari, elle est contrainte de s’occuper de l’entreprise familiale, révélant alors un talent incroyable à apaiser tout le monde et à maintenir à flots les affaires (et aller même
bien au-delà !)

L’ironie et la satire semblent permanents dans « Potiche ». Le kitsch est partout, le ton est constamment décalé, les personnages sont des caricatures hilarantes (Judith Godrèche en fille
néo-libérale avant l’heure est épatante, Karin Viard en secrétaire prise entre son patron et sa « potiche » est tout simplement géniale, et Luchini en patron lubrique et cynique est très bien
vu). En filmant encore une fois le théâtre comme personne (son film est adapté d’une pièce du même nom signée Pierre Barillet et Jean-Pierre Grédy), le cinéaste met en scène le spectacle de la
politique avec tous ses travers et ses ridicules, à une époque de basculement économique charnière de notre société (la fin des années 70). Le registre de la farce est riche et délirant, offrant
un film où l’on ne s’ennuie jamais et où tout semble pouvoir déraper à chaque instant…

D’ailleurs, Ozon ose tout ! A commencer par le mélange des genres : « Potiche » tient tour à tour de la pièce de boulevard, de la comédie de mœurs, du vaudeville… mais fait surtout une foultitude
d’appels du pied au cinéma, dans lequel le film se positionne avant tout : références à Hitchcock (le voyage entouré de suspense de Deneuve jusqu’au député maire communiste en pleine nuit), à
Jacques Demy bien sûr (l’usine de parapluie, l’univers chromatique, les variations musicales proches des « Demoiselles de Rochefort »), à la comédie musicale en général (la potiche fredonnant
savoureusement « Emmène-moi danser ce soir » de Michèle Torr, ou reprenant « C’est beau la vie » à la fin du film) ou pourquoi pas à Almodovar (l’apparition hispanique de Sergi Lopez en
camionneur sur l’air de « cucurrucucu »…) Réunir Catherine Deneuve et Gérard Depardieu n’a d’ailleurs rien d’innocent : ce couple incroyable convoque tant de fantômes merveilleux de l’histoire du
cinéma, de François Truffaut à André Téchiné…

Et ce n’est pas tout, puisque le réalisateur ose aussi le mélange des temps : sous ses accents hyper rétro (mais un rétro éminemment moderne et réjouissant !), « Potiche » semble là pour mieux
parler d’aujourd’hui… Outre les saillis contre un système politico-économique désastreux et injuste (des scènes en famille endiablées, avec une fille ultra-libérale et un fils presque communiste
!), on peut entendre au détour d’une réplique une pique moqueuse contre la France de Sarkozy, à base de « Casse-toi pauvre con » et autre « Travailler plus pour gagner plus »…

Mais la satire ne serait pas suffisamment épicée si François Ozon n’y insufflait pas aussi l’essence même de son « cinéma de la déviance », auquel il nous a si merveilleusement habitué depuis «
Sitcom ». S’il freine un peu sur le côté « gay », il y va plus franco sur les dérives familiales. Le fils (interprété avec splendeur par Jérémie Renier) cumule d’ailleurs les deux aspects : quand
il présente à sa mère ses idées pour de nouvelles collections de parapluies (très arty, et dont l’une s’appelle « arc en ciel », Ozon s’amuse…), il ne se fait plus de doute sur son homosexualité
latente, malgré son amour supposé d’une jeune fille, qui se révèlera peut-être… sa sœur ! Quant au garçon qui semble l’avoir « révélé à lui-même » (comme il le dit à sa mère) à la fin, il n’est
pas impossible non plus qu’il soit en réalité… son frère ! Car si le père était un coureur de jupons avéré, ce que l’on apprend sur le compte du personnage de Deneuve au fil du récit s’avère
assez tordant… et tordu ! Finalement, ce personnage de fausse « potiche » est la plus belle invention du film, incarnation moderne d’une femme incroyablement femme, qui dispose pleinement de son
corps et détrône un temps son mari pour en appeler au retour d’un matriarcat excessif : l’hymne au féminisme et à une liberté constamment à conquérir que laisse voir la fin du long métrage est à
ce titre une apothéose toute Ozonienne, que l’on appréciera comme il se doit !



 



Mise en perspective :



- Le refuge, de François Ozon (France, 2010)































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