jeudi 30 juin 2011

[Critique] Omar m’a tuer, de Roschdy Zem



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Omar m’a tuer, de Roschdy Zem (France, 2010)



Sortie le 22 juin 2011



Note :
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Très éloigné d’un docu-fiction précis et objectif sur l’affaire Omar Raddad, ce jardinier illettré accusé du meurtre sauvage de celle qui l’employait, le film de Roschdy Zem se focalise plutôt
sur le calvaire d’un homme injustement condamné à une peine de prison qui a fini par le briser… Il se veut bien sûr en cela éminemment orienté et partisan, mais sa force se trouve justement là :
il se transforme alors en redoutable réquisitoire contre un système judiciaire défaillant, mais aussi contre l’abjection de l’emballement médiatique ou des méthodes policières douteuses pour «
fabriquer » un coupable de façon expéditive et sans nuance ! Illettré, maghrébin, pauvre et sans défense : Omar Raddad est en effet le « coupable idéal » pour une justice qui ne cherche plus la
vérité, mais seulement un bouc émissaire pour calmer une opinion scandalisée par un crime abject…

« Omar m’a tuer » nous plonge avec une force pathétique et presque romanesque dans le terrible chemin de croix du condamné, contraint à l’enfer de la prison, au milieu des fauves, alors qu’il ne
cesse de clamer son innocence comme la plus faible des brebis… Arraché à sa famille, la folie guette et les gestes malheureux résonnent comme le désespoir même : en prison, Omar entame une grève
de la faim, puis tente de se suicider… A travers plusieurs séquences clés (l’arrestation, le verdict au tribunal…), Roschdy Zem appuie son sujet par un pathos puissant et efficace. On est alors
bouleversé, autant par le traitement de l’histoire que par l’interprétation magistrale de Sami Bouajila : affreusement amaigri et une façon de parler très travaillée, l’acteur réalise ici une
véritable « performance », tout bonnement époustouflante !

Pour tempérer un peu le terrible drame, le film nous donne à voir en parallèle l’enquête d’un écrivain persuadé de l’innocence d’Omar, prêt à publier un ouvrage sur l’affaire pour aider à sa
libération… Interprété par un Denis Podalydès en bonne forme, on s’amuse souvent à le voir étudier les faits avec une décontraction parfois ironique, comme lorsqu’il interroge sournoisement
certains proches des familles impliquées ou qu’il refait incessamment le trajet qu’aurait prétendument fait Omar le jour du meurtre, en costume sur son scooter bleu, afin de prouver que c’était
techniquement impossible dans le temps imparti… Son intérêt pour le présumé « coupable » s’avère d’ailleurs aussi étonnant que touchant, surtout de la part d’un homme issu d’un milieu petit
bourgeois, dont les répliques subtiles et précises contrastent avec les difficultés d’expression de Raddad. On demeure quoi qu’il en soit fasciné par sa capacité à mettre en évidence toutes les
incohérences et les zones d’ombre du dossier… On en vient aussi à s’interroger sur la justice de notre pays : aujourd’hui gracié, Omar Raddad n’en demeure pas moins officiellement « coupable » !
Le refus des juges de rouvrir le dossier pour l’innocenter est troublant, même si l’on comprend bien que si Omar était innocenté, cela voudrait dire que le véritable meurtrier reste encore en
liberté dans la nature… Affreusement gênant aux yeux de la Loi !































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mercredi 29 juin 2011

[Critique] La dernière piste, de Kelly Reichardt



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La dernière piste, de Kelly Reichardt (Etats-Unis, 2010)



Sortie le 22 juin 2011



Note :
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Après « Old Joy » et « Wendy et Lucy », la cinéaste Kelly Reichardt continue de composer un univers assez fin et personnel, quelque part entre réalisme quotidien et poésie contemplative… En
s’attaquant au western à travers « La dernière piste », elle explose littéralement les conventions du genre tout en s’appuyant pourtant sur ses oripeaux. Tout est effectivement là : les grandes
étendues vierges et sauvages de l’Ouest américain, les chariots en bois typiques avec leurs grandes bâches blanches, les hommes armés comme des cow-boys ou encore les femmes aux chapeaux
consciencieusement attachés sous le menton… Et pourtant le traitement est tout autre : tout est lent et l’enjeu narratif est mince (trois familles de pionniers égarées en plein désert cherchent
leur route et de l’eau par la même occasion). La réalisatrice s’attache à filmer de façon presque documentaire la vie au jour le jour de ces gens, jusqu’au moindre petit détail : la préparation
d’un repas, une chaussure que l’on recoud, la réparation d’une roue, les gestes que l’on fait quotidiennement et machinalement… Elle insiste également sur ce que le western dissimule en principe
derrière des ellipses que l’on accepte généralement comme des conventions : la préparation laborieuse d’un fusil avant de pouvoir tirer une seule balle, notamment… C’est justement parce que l’on
n’est plus ici dans le western classique, mais bel et bien dans son pendant démythifié et largement humanisé. Le refus du cinémascope pour un format d’image presque carré est en cela un choix
éminemment pertinent, rompant avec l’imaginaire grandiose de l’Ouest et emprisonnant les personnages dans un cadre écrasant ! Les hommes ne sont plus ici en train de partir à la glorieuse «
conquête de l’Ouest », mais se retrouvent plutôt peu à peu étouffés par une nature hostile, qu’ils ne parviennent pas à dominer et qui risquent de les laisser mourir…

Cette petite troupe de personnages que nous propose le film, à laquelle s’adjoindra bientôt un Indien fait prisonnier par le groupe, se révèle progressivement le réceptacle de passionnants
échanges, virant très souvent au sous-texte philosophique… Il existe notamment une représentation exemplaire de l’altérité, d’abord entre les hommes et les femmes du groupe (avec notamment
quelques réactions discrètement féministes dans un ordre conventionnel et préétabli, où les hommes tirent et décident pendant que les femmes suivent et s’occupent des tâches domestiques), puis
entre le groupe et l’indien, ce parfait étranger qui ne parle pas la même langue et avec qui l’échange s’avère bien difficile… La description des échanges est toujours très fine et très subtile,
revendique une forme de tolérance nécessaire et prend souvent une intensité remarquable : on retient notamment cette scène monumentale où le personnage de Michelle Williams (encore une fois
parfaite et également à l’affiche actuellement de l’assez joli « Blue Valentine ») prend son fusil pour viser le « boulet » du groupe (un trappeur qui les a mis sur la mauvaise piste), qui menace
de tuer l’Indien… Finalement, la « piste » de l’Indien sera payante (enfin, peut-être, tant le film se finit curieusement et dans l’incertitude), conduisant les pionniers vers un « arbre de vie
», promesse d’eau et probablement d’une terre cultivable et « promise » !































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mardi 28 juin 2011

[Jeu] La Star mystère # 8


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Réponse : Max Thieriot (à admirer dans "My soul to
take" de Wes Craven
)



Trouvé par Foxart



Jouez et gagnez plein de cadeaux avec Phil Siné : guettez la publication des jeux sur le blog, soyez le premier à donner la bonne réponse en commentaire et accumulez un maximum
de points afin de choisir le lot que vous convoitez parmi la liste mentionnée un peu plus bas…




Règle de la « Star mystère » : Devinez quelle personnalité du cinéma se cache sur l’image ci-dessus et gagnez un point si vous parvenez à être le premier à donner la bonne
réponse en commentaire !

A partir de 3 points cumulés, vous pourrez choisir un cadeau parmi les suivants :
- 1 badge collector « I [love] Phil Siné » (3 points)
- 1 badge collector « I [star] Phil Siné » (3 points)
- 1 lot des 2 badges collector (4 points)
- DVD « The calling » de Richard Caesar (5 points)
- DVD « L’étrange créature du lac noir » de Jack Arnold
(accompagné du documentaire "Retour sur le lac noir") (5 points)
- DVD « Flandres » de Bruno Dumont (dans une superbe édition collector digipack
double-DVD, débordante de bonus passionnants !) (5 points)
- DVD  "Karaté Dog", de Bob Clark (5 points)
- DVD "Ally McBeal" (les 4 premiers épisodes de la saison 1) (5 points)
- DVD « Tropical Malady », d’Apichatpong Weerasethakul (5
points)
- 1 TV écran plasma 100 cm (1000 points)
- 1 voyage pour 2 personnes à Hollywood (1300 points)



Scores actuels :
Romainst : 6 points
Violaine : 3 points
Titoune : 3 points
Docratix : 2 points
Foxart : 2 points
Cachou : 2 points
Bruce Kraft : 1 point
Niko (de CinéManga) : 1 point
Squizzz : 1 point
FredMJG : 1 point



Bonne chance à toutes et à tous !































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lundi 27 juin 2011

[Série] The Walking Dead, créée par Frank Darabont



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The Walking Dead, série créée par Frank Darabont (Etats-Unis, 2010-****)



Sortie en DVD et Blu-Ray le 5 juillet 2011 chez E-One / Aventi



Note :
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Un policier traverse des paysages dévastés et une casse automobile aux allures de cimetière à la recherche d’essence, puis tombe devant une fillette au visage en décomposition, qu’il finit par
tuer d’une balle dans la tête… Ainsi commence la première saison de « The Walking Dead », l’une des séries les plus audacieuses et révolutionnaires de l’année : soit dans le vif du sujet !
Flash-Back juste après un générique à la musique et aux images d’apocalypse joliment inquiétantes : Rick Grimes, l’adjoint au shérif d’une petite ville de Georgie, sombre dans le coma après une
fusillade au cours d’une arrestation musclée… Quand il se réveille, il se retrouve seul dans un hôpital et découvre progressivement que le monde a radicalement changé : désormais, ce sont les
morts qui font la loi !

L’originalité de la série vient ainsi d’abord de sa construction dramatique : on comprend en même temps que le personnage principal les nouveaux enjeux d’un monde post-apocalyptique, sans foi ni
lois, dans lequel des hordes de zombies peuvent venir vous dévorer à tout instant… Mais les survivants ne se font pas non plus toujours de cadeaux entre eux ! Retrouvant bientôt sa femme et son
fils au sein d’un groupe qui tâche de survivre du mieux qu’il peut, Rick Grimes offre aussi une perspective inédite dans le traitement des histoires de morts-vivants : là où les films de George
A. Romero, par exemple, offrent depuis les années 60 un court épisode de la survie d’un groupe dans un monde de désolation, « The Walking Dead », de part son concept même de série télé, se permet
le luxe de faire exister ses personnages dans la durée… Même si les morts gouvernent désormais le monde, c’est du côté des vivants que Frank Darabont choisit ainsi de traiter cette aventure,
comme c’est le cas du comic book à succès dont elle est librement adaptée.

Il s’avère passionnant alors de s’attacher à un groupe de personnages réguliers, devant constamment lutter dans un monde devenu hostile et surtout se dépatouiller, voire transiger, avec leurs
restes d’humanité ou de constructions sociales… Si pour la plupart des survivants le monde a changé, certains soutiennent pourtant que non et que c’est toujours la loi du plus fort qui domine,
simplement il règne juste un peu moins d’hypocrisie désormais… De jolies émotions et autres perspectives philosophiques émanent alors de tout ça, avec un précepte majeur qu’un homme intègre et
juste comme Rick Grimes cherche à toujours placer au-dessus de tout : « on ne tue pas les vivants » ! Garder son humanité dans un monde mortifère, voilà l’enjeu qu’il faut à tout prix conserver
devant soi…

Ces personnages, qui incarnent de véritables archétypes auxquels on pourra parfois s’identifier ou qui nous paraîtront tour à tour héroïques ou lâches, émouvants ou inquiétants, durs ou
sensibles, sont par ailleurs tous impeccablement interprétés ! Les trois acteurs de tête, formant un triangle amoureux subtil et chargé, sont extra : Andrew Lincoln dans le rôle du shérif
adjoint, Sarah Wayne Callies dans celui de sa femme et Jon Bernthal dans celui de son ancien collègue et ami, devenu l’amant de sa femme pendant qu’on le pensait mort… On imagine aisément toutes
les tensions et passions que pourront alimenter ces trois-là dans la suite de la série ! Steven Yeun est cool et sympa dans le rôle d’un ancien livreur de pizza débrouillard, Jeffrey DeMunn
parfait en vieux grigou protecteur, et on est très heureux de retrouver la superbe Laurie Holden, que l’on avait tant aimé sous les traits de Marita Covarrubias dans la série « X-files »…

Chapeauté par le démiurge Frank Darabont, on sent la série « The Walking Dead » promise à un grand avenir à la vue des six épisodes hallucinants qui constituent cette première saison. Il faut
dire que son casting et ses créateurs paraissent tous sincèrement impliqués dans le projet et que ses moyens semblent être suffisamment colossaux pour ne rien avoir à envier à une production
cinématographique ! Filmée en extérieurs la plupart du temps, avec des changements de décors réguliers, sur lesquels les plans larges sont d’ailleurs légions, la série expose une qualité de
maquillages et d’effets spéciaux souvent impressionnante… Une vraie gageure pour le petit écran, surtout que la violence qu’exige une fiction horrifique sur les zombies n’est en aucun cas
édulcorée ici : giclées de sang, horde de morts-vivants carnassiers, démembrements de cadavres… rien de tout cela ne vous sera épargné, pour le ravissement des fans du genre !

Bonus DVD :
Une avalanche de bonus émaille déjà le coffret DVD de cette première saison… Outre un making of correct et une analyse de la saison épisode par épisode plutôt intéressante, on retrouve diverses
featurettes d’un intérêt assez aléatoire, quelque part entre clin d’œil humoristique et témoignages persos. On retient notamment une conférence lors d’une convention de fans, des conseils pour se
déguiser en zombie, des « rencontres » avec certains acteurs ou l’auteur de la bande dessinée originale, ou encore un reportage au sein de « l’école des zombies », dans laquelle les figurants
apprennent à marcher et à se comporter comme des morts-vivants « typiques »… Un ensemble plutôt complet, en somme, qui fera bonne figure dans votre vidéothèque !































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dimanche 26 juin 2011

[Critique DVD] Chaw, de Jeong-won Shin


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Chaw, de Jeong-won Shin (Corée du Sud, 2009)



Sortie en DVD et Blu-Ray le 5 juillet 2011 chez Opening



Note :
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« Chaw » est une nouvelle chose bien curieuse issue du cinéma coréen… Ni vraiment raté, ni vraiment réussi, le film se laisse regarder sans trop d’ennui, malgré certains défauts qui s’avèrent
parfois être ses principaux atouts, paradoxe plutôt représentatif, finalement, pour un long métrage qui part dans tous les sens…

Le pitch nous plonge quand même globalement dans le genre du « film de monstre » : un sanglier géant terrorise (et accessoirement dévore) les habitants d’un petit village de paysans coréens,
d’habitude si tranquille… Dans la forme, on pense d’abord aux « Dents de la mer » de Steven Spielberg, notamment dans la façon de faire apparaître la créature très progressivement au fil de
l’eau. Une scène nous montre même les autorités placer des panneaux interdisant aux gens de s’aventurer dans les exploitations agricoles où s’aventure le méga cochon : on pense bien sûr aux
interdictions de se baigner du modèle américain, sauf qu’il s’ajoute ici une dimension curieusement sociale, l’interdit empêchant pour le coup les villageois de travailler et donc de gagner leur
vie… C’est quand même une autre paire de manche que d’aller faire quelques longueurs dans la mer avant de s’échouer sur la plage comme un cachalot crevé ! Mais l’espèce même du monstre évoque
bien plus encore le classique australien « Razorback » de Russell Mulcahy, où déjà un autre genre de sanglier disproportionné massacrait à tout va…

Par ses références, « Chaw » propose a priori un film classique du genre, pas très novateur dans ce domaine d’ailleurs, avec des effets spéciaux pas toujours très subtils (notamment pour les
mouvements de la créature) et une structure narrative typiquement hollywoodienne : un monstre attaque la ville, on croit l’avoir tué, mais – trop facile – en fait non (c’était juste sa copine,
lui est bien plus gros !), du coup une bande de chasseurs et de bras cassés partent dans les bois à la chasse au cochon sauvage et Bam ! grosse scène finale du sacrifice porcin, incluant par
ailleurs un voyage à travers une mine dans un petit wagon, petit hommage probable à « Indiana Jones et le temple maudit »…

Pourtant, le film de Jeong-won Shin parvient à nous surprendre haut la main par le ton constamment burlesque qui contamine le long métrage d’un bout à l’autre ! Le mélange des genres (horreur et
humour), qui décontenance tout d’abord, finit par amuser et transforme presque « Chaw » en véritable comédie familiale… Si ce n’était quelques scènes d’angoisse ou de massacres purs, le rire
serait en effet le fondement même du film ! Avec des scènes parfois grotesques ou même carrément triviales (un personnage est blessé aux fesses par le super sanglier), le tout s’impose comme une
vraie curiosité coréenne, même si elle n’a rien de très fin ni de bien subtil… On regrettera aussi une confusion tout azimut dans l’enchaînement très (trop ?) rapide des scènes ou par la
multiplication de personnages secondaires, dont la plupart n’ont qu’une importance très anecdotique. Tant de vaine agitation nous laisse parfois dans un ennui poli… On se demande aussi ce que
cherche à dire le cinéaste sur la population des campagnes, dressant des portraits d’individus tous plus fous ou ridicules les uns que les autres…



 



Mise en perspective :



- Le jour du Saigneur































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samedi 25 juin 2011

[Sortie] Balada Triste, d’Alex de la Iglesia



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Balada Triste, d’Alex de la Iglesia (Espagne, 2010)



Sortie nationale le 22 juin 2011



Note :
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Cliquez donc par là pour lire le billet de Phil Siné
sur "Balada Triste"































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vendredi 24 juin 2011

[Critique] Orange mécanique, de Stanley Kubrick



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Orange mécanique, de Stanley Kubrick (Grande-Bretagne, Etats-Unis, 1971)



Note :
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Adapté du génial roman d'Anthony Burgess, « Orange mécanique » de Stanley Kubrick est un film culte et puissant ! L’image de l’acteur Malcolm McDowell incarnant le personnage d’Alex est devenue
mythique dans l’imaginaire de tout cinéphile digne de ce nom… Situé dans un futur proche (du début des années 70 donc !), le film s’aventure d’une certaine façon sur le terrain de l’anticipation
: si le « décorum » et l’esthétique (décors baroques, costumes grotesques, voiture du « futur »…) peuvent paraître très kitsch aujourd’hui (mais un kitsch qui semble parfaitement assumé…
d’ailleurs, ne l’était-il pas déjà pleinement en son temps ?), la vision du futur permet essentiellement de jeter un regard sombre et pessimiste sur la société de l’époque, mais plus largement
aussi sur tous les modèles de sociétés humaines ! La noirceur de l’ensemble passe d’abord par les errances nocturnes crues et « ultraviolentes » d’Alex et de ses « droogs » (ses « amis » en «
Nadsat », le dialecte que parlent les jeunes dans ce monde « inventé »), qui se battent avec tous ceux qu’ils trouvent sur leur passage ou qui violent sans état d’âme des femmes directement à
leur domicile, où les gens se pensent soi-disant en « sécurité »… Si les scènes de violence s’enchaînent à l’écran, souvent très théâtralisées, le côté sombre du film vient aussi de l’atmosphère
générale (les lieux, la nuit, les éclairages…) ou encore des sonorités étranges qui résonnent régulièrement (sons déformés au vocodeur ou au synthétiseur, instruments encore balbutiants et
expérimentaux à l’époque).

Bizarrement, malgré un ensemble bien sombre, « Orange mécanique » peut aussi être vu comme une pure comédie, aux accents souvent burlesques : ce mélange de perceptions signant bien sûr toute la
subtilité du génie du cinéaste ! Rien que le langage parlé par les personnages est déjà assez tordant (un argot anglo-russe imaginé par Burgess dans le roman), mais les présences d’humour sont
fort nombreuses dans le long métrage. On a déjà parlé des décors très kitsch : on pense au Milk bar Korova, où Alex et ses potes prennent du lait enrichi de drogues diverses à des fontaines qui
ne sont rien d’autres que les seins de mannequins féminins nus, ou encore à ce magasin de disques très disco et « flower power », où l’on aperçoit d’ailleurs dans les bacs un vinyle de la bande
originale du film « 2001, l’odyssée de l’espace », précédent opus de Kubrick… Quand le génie s’amuse ! Une dimension presque grotesque et diverses exagérations poussées à l’excès créent en outre
une réaction comique proche de l’absurde : une partouse passée en accéléré (avec deux « suceuses » de glaces en forme de bites qu’Alex a rencontré chez le disquaire), un meurtre à coups de
phallus sculpté géant dans ta gueule (œuvre de madame Kubrick en personne, soit dit en passant !), ou encore cette séquence ubuesque de viol commis par un Alex chantant à tue-tête le standard de
comédie musicale « Chantons sous la pluie » ! On rit aussi de voir l’acteur adulte dans la peau d’un adolescent vivant chez ses parents (dont une mère aux cheveux bleus assez excentrique), choix
dramatique impliquant un décalage évident… La conversion religieuse d’Alex en prison vaut quant à elle son pesant de Moloko : il pense au Christ, certes, mais plutôt du point de vue du romain en
train de le fouetter pendant qu’il porte sa croix. On retient encore ces réorchestrations curieuses de grands classiques au synthé (à commencer par le grand Ludwig van… Beethoven). Sans oublier
cette étonnante succession de hasards à la fin, lorsque Alex, rendu inoffensif, tombe nez à nez avec tous ceux qu’il avait blessé auparavant, nous plongeant alors en pleine bouffonnerie : le
personnage se fait ainsi humilier à tout de rôle par un clochard qu’il avait violenté, ses anciens droogs délinquants devenus policiers (ça en dit long sur l’illusion sécuritaire que cherchent
encore à nous vendre les politiques aujourd’hui !), puis par un homme handicapé qui n’est autre que le mari de la femme qu’il avait violée, morte depuis. Cette scène introduit d’ailleurs une
répétition comique, Alex sonnant à la porte de la maison et un mouvement de caméra identique à la première confrontation des personnages montrant à l’intérieur l’homme en train de taper à la
machine puis un type bodybuildé qui lui sert d’aide à domicile étrangement sexué, qui remplace sa femme dans la séquence à laquelle il est ici fait écho…

Ainsi, la comédie permet probablement à Kubrick d’atténuer en partie la profonde noirceur de son film, qui propose pourtant une représentation hyper sombre et glauque de la civilisation… A
première vue, « Orange mécanique » est avant tout une réflexion sur le libre arbitre, le personnage d’Alex subissant un traitement inhumain (la méthode « Ludovico ») qui permet de le rendre
inoffensif et incapable de violence, afin de pouvoir le relâcher dans le monde, sans la moindre défense. En prison, le prêtre le met d’ailleurs en garde sur cette option, en lui expliquant que
"le bien vient du dedans, qu'il est le résultat d'un choix : l'homme qui ne peut plus faire ce choix n'est plus un homme". La société deviendrait donc amorale en condamnant les criminels non pas
au bien, mais à l’impossibilité de faire le mal… Une façon hypocrite, en somme, de se débarrasser des problèmes et de faire « marcher droit » les délinquants. Sauf que cette explication serait
trop simple et que Kubrick a un jour déclaré qu’« Alex représente l'homme dans son état naturel ; lorsqu'on le « traite », cela correspond au processus même de la civilisation». Les termes de
bien et de mal disparaissent alors totalement, et c’est en cela que le film est puissamment ambigu et bien plus complexe qu’il n’en a l’air. Il demeure également très noir et présente l’image
d’une humanité coincée par ce qu’elle croit être son « progrès ». Si le bien et le mal sont relatifs, alors les politiques n’ont plus qu’à imposer les « normes » (voilà ce qui est bien, voilà ce
qui est mal) et à conformer chaque citoyen à ces modèles purement culturels. "L'opinion publique est mouvante par nature", déclare cyniquement un ministre à la fin du film. Le principe d’humanité
ou de moralité n’est donc finalement qu’une vue de l’esprit, et l’idée d’« homme civilisé » ne serait rien d’autre qu’un homme programmé par un certain nombre de valeurs déterminées : le titre du
film prend là tout son sens, le terme « orange » signifiant « homme » en Nadsat… Voilà ce que nous montre cruellement et magistralement Kubrick : un « homme mécanique » comme symbole de
l’humanité !



 



Mise en perspective :



- Exposition : Kubrick à brac ! (à la Cinémathèque française)



- Les sentiers de la gloire, de Stanley Kubrick



- Lolita, de Stanley Kubrick



- Shining, de Stanley Kubrick



- Eyes Wide Shut, de Stanley Kubrick































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jeudi 23 juin 2011

[Carte blanche] Forrest Gump, de Robert Zemeckis (vu par Merome)


Ecolo-militant éclairé, Merome fait part directement en ligne de la réduction de son « empreinte écologique » grâce à son vélo. Sensible à la situation
économique et politique actuelle, ou à des idées nouvelles et progressistes comme la décroissance, il est également romancier et créateur de jeux en ligne : vous trouverez tout cela (et bien plus
encore !) sur le site Merome.net. Blogueur qui se laisse le temps de réfléchir, Merome écrit ses états d’âme sur « On refait le
blog !
», un espace virtuel où il caresse le doux espoir, consciemment utopique, de « refaire le monde »… Pour sa carte blanche, il a choisi de nous parler du film « Forrest Gump », qu’il se souvient avoir
vu dans d’étonnantes circonstances.



carte blanche
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Forrest Gump, de Robert Zemeckis (Etats-Unis, 1994)



Carte blanche de Merome



Blog : On refait le blog !



Ce devait être en 1995, une époque où j'allais assez peu au cinéma, encore moins que maintenant, c'est dire. Mes premières vacances avec celle qui allait devenir ma femme, les balbutiements de la
vie de couple, en rôdage sous une tente plantée dans un camping pas loin d'Annecy.
Encore étudiants tous les deux, avec un budget vacances assez limité, les journées étaient longues sous le soleil autour du lac et les sorties rares, car payantes.
Nous sommes tombés sur une affiche proposant une soirée cinéma dans un camping voisin, à moins que ce ne soit dans une petite structure municipale, je ne me souviens plus. Le prix de la place
était dérisoire, nous nous sommes donc offerts cette folie.

Le soir venu, il y avait du monde et nous étions en retard. Le film intitulé "Forrest Gump" m'était totalement inconnu, puisque je n'avais accès, à l'époque, à aucun média diffusant des
informations sur l'actualité du cinéma. Principalement par choix, parce que le cinéma ne m'intéressait guère.
C'est donc l'esprit totalement vierge d'idées préconçues que nous nous sommes installés au fond de la salle, dans le noir, car la projection avait plus ou moins déjà commencé. La salle était
remplie, les sièges en plastique étaient inconfortables et il faisait chaud.

Le ton du film nous a semblé original, une façon drôle et presque irrespectueuse d'évoquer la situation de handicap. Et comme à chaque fois que l'on est surpris en bien (par un film ou autre
chose), on a tendance à juger exagérément positivement les choses.
Au-delà de l'histoire de Forrest Gump et de sa vie comme une boite de chocolat, c'est toute l'Histoire récente de l'Amérique qui est revisitée, avec d'astucieuses incrustations du personnage
principal du film dans des images d'époques qui apportent une sorte de réalisme à la fiction.

Les spectateurs que nous devinions dans la pénombre devant nous étaient assez peu attentifs. Ces ambiances de camping et de vacances sont assez peu propices à la réflexion que pouvait inspirer le
film. Dans les moments les plus tristes du film, lorsque l'amie du héros est atteinte par la maladie, nous trouvions un peu agaçante toute cette agitation et l'irrespect qui semblait régner dans
l'assemblée.

Et puis le générique de fin est apparu, et les lumières se sont rallumées. Autour de nous, des dizaines d'handicapés, atteints de léger retard mental, ou d'infirmités physiques plus ou moins
graves assistaient à la représentation. Sans doute un centre spécialisé local les avait amenés ici en bus pour leur offrir un divertissement inhabituel.

Tout d'un coup, le film qui était pourtant terminé à l'écran, a pris une autre dimension. J'essayais de me mettre à la place de ces gens qui ont vu le film les tourner en ridicule, certes
gentiment et avec tendresse, mais sans détour. J'essayais d'imaginer leur réaction quand avec nos éclats de rires, nous nous moquions des limites intellectuelles du héros qu'ils partageaient
peut-être avec lui. En avaient-ils pleinement conscience ?

A posteriori, cela reste un des souvenirs les plus marquants de tout ce que j'ai pu voir au cinéma. Le film n'était pas forcément le meilleur que j'ai vu, la salle était pourrie, ainsi que les
sièges. Les conditions n'étaient clairement pas les bonnes pour apprécier le film dans ses qualités cinématographiques. Mais ce jour-là, peut-être plus que tous les autres, la projection d'un
film m'a fait réfléchir et prendre conscience de certaines choses.



 



Index des cartes blanches estivales 2011































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mercredi 22 juin 2011

[Critique] La balade sauvage (Badlands), de Terrence Malick



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La balade sauvage (Badlands), de Terrence Malick (Etats-Unis, 1974)



Note :
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Premier film de Terrence Malick, « La balade sauvage » s’avère passionnant en ce qu’il contient déjà en germe toutes les obsessions et le style qui deviendront l’essence même du cinéma malickien,
exalté dès le chef d’œuvre qui suivra : « Les moissons du ciel ».
D’emblée on est ainsi porté par la voix off d’un personnage, qui en plus de raconter l’histoire propose surtout une évocation poétique de l’intimité de cette personne… On retrouve bien sûr aussi
le lyrisme de la mise en scène du cinéaste, à travers essentiellement une façon toute particulière de montrer la nature, et la façon dont les hommes peuvent s’intégrer merveilleusement à elle… La
caméra s’arrête ici et là pour nous montrer des décors faits de forêts, de champs, de fleuves ou de terre à perte de vue, ou encore les animaux qui y évoluent, jusqu’aux insectes à même le sol.
Les personnages tâchent de se débrouiller dans leur environnement, construisant des cabanes dans les arbres ou pêchant tant bien que mal dans la rivière… Déjà dans le premier plan du film, on
s’amusait à voir la jeune narratrice se vautrer sur son lit avec son chien, jouant sensuellement avec lui, comme dans une communion amoureuse avec l’animal, et par là même avec la nature
entière…

Pourtant, la contemplation panthéiste reste discrète dans un univers marqué par les préoccupations d’un cinéma encore en grande partie « classique ». L’histoire reste notamment au cœur de cette «
Balade sauvage » et demeure racontée de façon assez conventionnelle. Elle n’en est cependant pas moins passionnante : s’inspirant d’un fait divers réel, le film suit l’odyssée tragique de deux
jeunes gens amoureux, qui empêchés de s’aimer par le père de la jeune fille s’enfuiront en laissant quelques cadavres sur la route. Le road movie est lancé et au fur et à mesure que le récit
avance, le jeune homme révèle une nature de psychopathe, tuant tous ceux qui passent devant sa gâchette… Si l’on peut y voir une confrontation de classe (le jeune homme est éboueur et la jeune
fille issue d’un milieu plutôt bourgeois), « La balade sauvage » semble pourtant avant tout montrer les affres de la folie amoureuse : une plongée dans une passion empêchée, qui ne peut que se
terminer dans le sang…

Les acteurs qui incarnent le couple, tous les deux débutants, sont incroyablement intenses et beaux ! Sissy Spacek, avant de faire voler les objets à distance dans « Carrie », se révèle ici 
touchante de naïveté et de fragilité… Quant à Martin Sheen, il impose l’image perverse d’un psychopathe au charme fougueux et redoutable : plusieurs fois comparé à James Dean dans le film, il
finit toujours par paraître sympathique malgré ses crimes, même aux policiers qui l’arrêtent à la fin de leur voyage meurtrier… Troublante ambiguïté ! On reste quand même rudement émerveillé par
leurs talents réunis, par celui d’esthète de Malick et on retient ce sublime mouvement d’élévation final, lorsque le couple est embarqué dans un avion par la police… Dernier plan comme une
ascension, malgré la déchéance des héros, comme s’ils méritaient quand même de gagner le ciel, touchés par la « grâce » de leur amour pur : le soleil, les nuages, et déjà une belle vision de Dieu
au sein même du monde qui nous entoure…



 



Mise en perspective :



- Les moissons du ciel, de Terrence Malick (Etats-Unis, 1979)



- Le nouveau monde, de Terrence Malick



- The tree of life, de Terrence Malick (Etats-Unis, 2011)































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[Fil ciné] Les films de mai 2011


Index des sorties ciné



Semaine après semaine, suivez le fil des sorties ciné du point de vue de Phil Siné. Les liens renvoient aux critiques des films présentes sur le blog...



 



Semaine du 4 mai 2011



- L’aigle de la neuvième légion, de Kevin Macdonald (Grande-Bretagne,
2011) 

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- Où va la nuit, de Martin Provost (Belgique, France, 2010) 
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- Voir la mer, de Patrice Leconte (France, 2010) 
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La solitude des nombres premiers, de Saverio Costanzo
(Italie, 2010) 

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- La main au collet, d'Alfred Hitchcock (Etats-Unis, 1955)
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- La ballade de l’impossible, de Tran Anh Hung (Japon,
2010) 

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Semaine du 11 mai 2011



- Minuit à Paris, de Woody Allen (Etats-Unis, 2011) 
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- Stone, de John Curran (Etats-Unis, 2010)
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- L'oeil invisible, de Diego Lerman (Argentine, 2010)
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- Revolucion, de 10 "voix" du cinéma mexicain (Mexique, 2010)
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- The tree of life, de Terrence Malick (Etats-Unis, 2011) 
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Semaine du 18 mai 2011



- La conquête, de Xavier Durringer (France, 2011) 
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- Le gamin au vélo, de Jean-Pierre et Luc Dardenne (Belgique,
2011) 

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- Into eternity, de Michael Madsen (Danemark, 2010) 
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- La valse des pantins, de Martin Scorsese (Etats-Unis, 1983)
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Semaine du 25 mai 2011



- Le complexe du castor, de Jodie Foster (Etats-Unis, 2011)
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Infiltration, de Dover Kosashvili (Israël, 2011) 
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- Play a song for me, d’Esmir Filho (Brésil, 2009) 
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- Sailor et Lula, de David Lynch (Etats-Unis, 1990) 
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