samedi 31 août 2013

[Fil ciné] Les films d'août 2013


Index des sorties ciné



Semaine après semaine, suivez le fil des sorties ciné et des films vus par Phil Siné. Les liens renvoient aux critiques des films présentes sur le blog...



 



Semaine du 7 août 2013



- Je ne suis pas mort, de Medhi Ben Attia (France, 2012)
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- Leave it on the floor, de Sheldon Larry (Etats-Unis, Canada, 2012)

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- Lone Ranger : Naissance d'un héros, de Gore Verbinski (Etats-Unis, 2013)
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- American Nightmare, de James DeMonaco (Etats-Unis, 2013)
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Semaine du 14 août 2013



- Percy Jackson : la mer des monstres, de Thor Freudenthal (Etats-Unis, 2013)
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- Elysium, de Neill Blomkamp (Etats-Unis, 2013)
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- Michael Kohlhaas, d'Arnaud des Pallières (France, Allemagne, 2013)
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Semaine du 21 août 2013



- Jeune et Jolie, de François Ozon (France, 2013)
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- Kick-Ass 2, de Jeff Wadlow (Etats-Unis, 2013)
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- Conjuring : Les dossiers Warren, de James Wan (Etats-Unis, 2013)
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Semaine du 28 août 2013



- Alabama Monroe, de Felix Van
Groeningen (Belgique, 2012)

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- Grand Central, de Rebecca Zlotowski (France, 2013)
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- Magic Magic, de Sebastián Silva (Etats-Unis, 2013)
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- Le dernier pub avant la fin du monde, d'Edgar Wright (Grande-Bretagne, 2013)
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vendredi 30 août 2013

[Critique] Huit femmes : La brochette en chanté !



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Huit femmes



de François Ozon



(France, 2001)



Passez un été "en chanté" avec Phil Siné !




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coeur


Dépité de n’avoir pu obtenir les droits du « Women » de Georges Cukor, François Ozon s’est tourné, sur un conseil de son agent Dominique Besnehard, vers une vieille pièce de boulevard ringarde et
poussiéreuse des années 50 signée Robert Thomas, « Huit femmes », afin de réaliser un film avec uniquement des femmes au générique ! Ce qui est (presque) vrai avec ce long métrage, le seul homme
de l’histoire étant déclaré mort dès sa première scène à l’écran, et chacune de ses « apparitions » (lors de flash-back essentiellement) le montrant toujours de dos, le visage invisible… Soit
donc huit femmes enfermées en huis clos dans une maison isolée la veille de Noël, qui apprennent que le patriarche vient de mourir assassiné : de mensonges en révélations, chacune dévoile bien
involontairement sa raison d’avoir commis le crime, sachant que l’une d’elle est forcément la coupable… Et si ce jeu de Cluedo à la Agatha Christie se révèle plutôt plaisant et amusant, force est
de constater assez vite que ce n’est pas l’intrigue qui intéresse le plus Ozon, même s’il a fait ce qu’il a pu pour remanier et surtout moderniser une pièce de théâtre vieillotte.

Ce qui intéresse le cinéaste, c’est au contraire toute la distance qu’il peut prendre avec son intrigue. Il en rajoute sans cesse dans la théâtralisation et incite les actrices à surjouer comme
ce n’est normalement pas permis au cinéma ! Les décors, les costumes, les postures et les mimiques des personnages : tout, absolument tout, sonne volontairement faux ! L’exagération est de mise
comme le révélateur kitsch d’une mascarade de l’existence, des apparences et des sentiments… Ozon instille néanmoins de la mise en scène et du cinéma dans toute cette superficialité, mais il le
fait là encore comme une provocation : toutes une scène de dialogues entre les huit personnages est ainsi filmée intégralement en gros plans, ceci afin de se moquer des anciennes actrices
hollywoodiennes qui exigeaient toujours d’avoir « leur » gros plan au cours du film… Le réalisateur s’amuse aussi énormément avec les positions de ses actrices dans les plans, se cassant souvent
la tête pour réaliser ce qu’il appelle lui-même des « plans brochettes », dans lesquels il pourra intégrer un maximum de comédiennes dans la même image…

Là où excelle « Huit femmes », c’est justement dans sa glorification à outrance de ses huit actrices. Il faut dire que l’on sent à la fois la fierté et le plaisir jamais dissimulé d’Ozon d’être
parvenu à réunir à l’écran autant de grandes stars ! Ca relève tout autant du fantasme que du challenge : Catherine Deneuve, Fanny Ardant, Isabelle Huppert, Emmanuelle Béart… comment tout cela,
avec les caprices et les exigences de chacune, va-t-il bien pouvoir coexister sur un même plateau de tournage ? C’est, semble-t-il, ce que le cinéaste s’est amusé à nous montrer à l’écran : il
faut les voir, toutes ces femmes, se quereller et s’invectiver en permanence, dévoilant les mœurs secrètes des unes, jetant les vilains défauts et les quatre vérités à la face des autres… On
s’interroge alors sur ce que l’on voit : des actrices jouant des personnages ou des personnages révélant les oppositions des actrices ? On prend quoi qu’il en soit un plaisir immense à les voir
s’envoyer toutes ces piques en permanence, d’autant que le réalisateur se plait à confronter le style et les conventions d’une époque révolue avec des mœurs plus modernes : « Une fille ! voilà ce
que tu es : une fille ! » dit la mère à sa fille tombée enceinte hors mariage, « C’est une invertie ! » clame la grand-mère scandalisée d’apprendre que la domestique couche avec des femmes…

On jubile aussi parmi tout ce vacarme et ces portes qui claquent, notamment devant des répliques purement savoureuses et même parfois absurdes : « Parce qu’on m’a respecté moi ! », dit Huppert la
vieille fille pour éviter de dire qu’elle est encore vierge, « Ouvre le placard, je vais la ranger », déclare Deneuve après avoir assommé la grand-mère, histoire de se débarrasser un moment de la
vieille… C’est cinglant, c’est irrévérencieux… et tellement délicieux ! Et si la pièce d’origine possédait un côté forcément misogyne à montrer ce pauvre homme tiraillé entre ces huit furies
hystériques, on découvre ici que les hommes, désormais absents pour être morts, avoir fuit ou être inconstants, n’ont pas de leçon à donner à ces huit femmes seules…

Huit femmes seules et tristes, au fond, que les airs de comédie musicale du film viendront un temps réenchanter ! Chaque actrice aura droit à sa chanson, réinterprétant et revisitant la plupart
du temps un vieux standard kitsch de la variété française : l’entraînant « Papa t’es plus dans le coup » de Sheila pour Ludivine Sagnier, l’émouvant « Message personnel » de Françoise Hardy pour
Isabelle Huppert, le mignon « Mon amour mon ami » de Marie Laforêt pour Virginie Ledoyen, le sensuel « A quoi sert de vivre libre » de Nicoletta pour une Fanny Ardant plus « Gilda » que jamais,
l’audacieux et foufou « Pile ou face » de Corinne Charby pour Emmanuelle Béart, et ainsi de suite… Chacune accompagne l’interprétation d’une chorégraphie presque ridicule, aux frontières de la
parodie. Et si ces chansons n’apportent strictement rien au récit lui-même, elles sont l’occasion de le faire respirer, d’amuser le spectateur forcément enthousiaste, et de se présenter comme
autant de vignettes sur la personnalité des personnages, ajoutant à la charge de leur caractérisation caricaturale déjà amenée par leurs vêtements, leurs couleurs, leurs « tics » ou la fleur qui
les représente dans le générique d’introduction du film…

Mais « Huit femmes » se voulant un hommage puissant aux actrices et à leur aura mythique, François Ozon ne pouvait se contenter de les montrer s’étripant et se jetant leurs haines respectives…
Outre la photo de Romy Schneider qui apparaît mystérieusement dans la poche de la bonne et un tableau de Catherine Deneuve jeune, comme figures de l’atemporalité de la beauté des actrices filmées
et retenues à jamais par le celluloïd, le cinéaste opère progressivement à un glissement dans les rapports entre les actrices, qui passent de la haine à si ce n’est de l’amour au moins à une
forme d’union… La scène de la bagarre sur le tapis entre Catherine Deneuve et Fanny Ardant, qui se termine en étreinte charnelle et en gros bisous sur les lèvres (fantasme absolu de cinéphiles
!), en est bien entendu la représentation emblématique et « culte » ! Mais la chanson finale de Danielle Darrieux, « Il n’y a pas d’amour heureux », la seule véritablement « littéraire » (sur un
texte d’Aragon), met également bien tous ces personnages sur un pied d’égalité devant l’échec de leurs vies sentimentales… On assiste également à une forme de transmission merveilleuse entre la
vieille actrice légendaire (Darrieux), qui prend sous son aile la jeune actrice qui a encore tout à prouver (Ludivine Sagnier) : l’idée de transmission et d’union entre les actrices, en dépit de
leur âge ou de leur carrière, qui sera confirmée encore une fois par le plan final, montrant les huit actrices se tenir par la main face caméra pour un (presque) « salut » avant la tombée du
rideau…



Autres films de François Ozon :



Dans la maison (2012)



Jeune et Jolie (2013)



Potiche (2010)



Le refuge (2010)































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jeudi 29 août 2013

[Festival] L’étrange Festival : 19e édition !



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Du 5 au 15 septembre, « L’étrange festival » revient au Forum des images de Paris ! Pour la seconde année, Phil Siné aura l’honneur d’y participer et
de vous en faire régulièrement des comptes-rendus… En attendant, n’hésitez pas une seconde à vous plonger dans le programme comme
toujours hallucinant et excitant de ce festival hors du commun
à la frontière de tous les genres du cinéma mondial : vous n’en reviendrez pas et aurez certainement vous aussi bien du mal à
constituer votre programme sans la frustration de ne pas pouvoir tout aller voir !

Entre une carte blanche à Albert Dupontel et une autre à Jello Biafra, vous pourrez retrouver 20 longs métrages en compétition (dont les nouveaux Ben Wheatley, Sono Sion ou Quentin Dupieux !),
des avants premières de malade (dont un « film surprise » pour ceux qui aiment vraiment l’inconnu…), un focus fripon sur Stephen Sayadian, des hommages sensuels et glamour aux actrices Martine
Beswick et Marilyn Monroe Caroline Munro, des documentaires sûrement passionnants (dont certains signés Frank Henenlotter ou Richard Stanley !), une séance spéciale très très gay, des pépites,
des courts métrages, des expositions, d’étranges musiques… ou encore deux nuits thématiques consacrées à des « Bad girls » ou à la « Divine » de John Waters !

Vous voilà suffisamment alléchés ? Alors foncez sur le site de « L’étrange festival 2013 » découvrir toute la programmation fabuleuse qui vous y
attend !































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mercredi 28 août 2013

[Critique] Chantons sous la pluie, de Stanley Donen et Gene Kelly



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(Etats-Unis,
1952)



Passez un été "en chanté" avec Phil Siné !




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coeur


Classique parmi les classiques, indémodable et probablement indépassable, « Chantons sous la pluie » s’impose comme une comédie musicale de référence, si ce n’est « LA » comédie musicale la plus
absolue, incarnation pure de l’âge d’or du genre, que l’on pourrait regarder encore des centaines de fois sans éprouver la moindre lassitude ! Il faut dire aussi que le film en impose dès son
générique : le réalisateur Stanley Donen s’était déjà fait la main sur des films musicaux marquant (« Mariage royal » avec Fred Astaire, « Un jour à New York », déjà en collaboration avec Gene
Kelly), Gene Kelly était alors au sommet de sa gloire (« Un Américain
à Paris
», de Vincente Minnelli, venait de casser la baraque) et une ribambelle de stars montantes confirmaient ici leur talent, entre Debbie Reynolds, Donald O’Connor ou Cyd Charisse…

La magie de « Chantons sous la pluie » ne s’explique peut-être pas, puisque c’est justement ça, la « magie » du cinéma, mais un certain nombre de facteurs plaident tout de même en sa faveur, à
commencer par cet équilibre tout simplement merveilleux que le film parvient à maintenir entre les scènes dialoguées et les numéros dansés et chantés…  Jamais lassantes ou systématiques, les
chansons – incroyablement nombreuses – s’agencent toujours à la perfection dans le déroulement du scénario, confèrent un rythme toujours adéquat au long métrage et donnent lieu à une diversité
qui semble couvrir toutes les possibilités que le genre pouvait alors offrir ! Les séquences musicales sont ainsi tour à tour intra ou extra-diégétiques, font avancer l’action ou sont de simples
interludes, sont romantico-mélancoliques ou au contraire très dansantes et joyeuses, etc. Surtout, elles proposent une infinités d’émotions, de la comédie complètement désopilante (le « Make ‘em laugh » de Donald O’Connor) au romantisme pur (Gene Kelly et Debbie Reynolds dans un studio de cinéma).

Un autre atout majeur du film demeure son ton incroyablement drôle et ironique. Les acteurs s’en donnent vraiment à cœur joie dans la comédie, et leur enthousiasme est toujours formidablement
communicatif ! Les gags s’enchaînent et ne se ressemblent pas, offrant là encore une large palette d’inventivités et de procédés, capables de dérider n’importe qui… Dès le début, tout le
flash-back sur sa vie que le personnage de Gene Kelly raconte à un journaliste est hilarant dans la contradiction qu’il offre entre le discours et les images : la star clame que toute sa carrière
a toujours été guidée par la dignité, pendant que les images nous montrent toutes les humiliations et les jobs misérables qu’il a du accepter avant d’en arriver là… Par la suite, qu’il s’agisse
de jeux sur les mots ou de gags purement visuels, l’humour de « Chantons sous la pluie » fait toujours mouche et donne au spectateur un sourire jusqu’aux oreilles !

Mais là où le film fait très fort, c’est dans une mise en abyme du cinéma assez sidérante et passionnante ! « Chantons sous la pluie » est en effet un vibrant hommage à l’une des périodes les
plus délicates que le septième art ait eu à passer : celle de l’avènement du parlant. S’il le présente avec humour et légèreté, ce passage a pourtant signer l’arrêt de la carrière de nombreuses
stars à l’époque. Ici, on se moque plutôt du personnage de Lina Lamont, peste aussi bête qu’insupportable, ayant une voix calamiteuse et zozotante… Si l’on assiste à des cours de diction
irrésistibles, donnant lieu d’ailleurs à une chanson sur une de ces phrases imprononçables pour s’entraîner à « bien parler » (« Moses Suposes »), le
film nous présente avec délice le casse-tête que les premières prises de son ont été lors des premiers tournages parlant : où placer le micro ? comment faire comprendre à une actrice idiote
qu’elle doit toujours parler dans la même direction ? etc. Outre faire référence au « Chanteur de jazz », le premier film « sonorisé », « Chantons sous la pluie » rend un réel hommage à la
technique, au procédé du doublage (scène savoureuse à la fin, où Lina, prise au piège, se retrouve en train de chanter en play-back sur la voix masculine du personnage de Donald O’Connor) et
surtout à la multitude de comédies musicales qui fleurirent à cette époque, les chansons devenant alors une sorte de panacée pour régler certains problèmes d’enregistrement des dialogues… On
retrouve alors des scènes musicales très belles, enrichies parfois de nombreux effets spéciaux, symptomatiques de la créativité nouvelle que l’innovation technique a vu naître… jusqu’à cette
longue séquence narrative très réussie et devenue mythique en hommage aux comédies musicales typiques de Broadway. De cette profusion de tons et de tonalités, de couleurs et de dégradés, «
Chantons sous la pluie » s’insinue comme un immense chef-d’œuvre, que l’on n’a pas fini de revoir, de chanter et de danser !































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mardi 27 août 2013

[Sortie cinéma] Grand Central, de Rebecca Zlotowski



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(France,
2013)



Sortie le 28 août 2013




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Une histoire d'amour trouble dans le décor mortifère d'une centrale nucléaire... A la fois beau, torturé et engagé, le film de Rebecca Zlotowski est une oeuvre impressionnante au casting éclatant
: Tahar Rahim, Léa Seydoux, Olivier Gourmet, Johan Libéreau...



Phil Siné vous dit tout le bien qu'il pense de "Grand Central" à cette
adresse : oserez-vous cliquer ?































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lundi 26 août 2013

[Critique] La vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche



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(France, 2012)



Sortie le 9 octobre 2013




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Adapté d’une bande dessinée de Julie Maroh, « Le Bleu est une couleur chaude », « La vie d’Adèle » a obtenu cette année la Palme d’or au Festival de Cannes. Un prix exceptionnel à plus d’un
titre, puisqu’en plus de récompenser la qualité cinématographique indéniable du film, il a été remis également aux deux actrices principales du long métrage, Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux,
pour saluer leur implication totale, corps et âme si l’on peut dire, dans le processus artistique… Prise de risque audacieuse, leur véritable « don de soi » devant la caméra (on les voit toutes
les deux nues dans des scènes de sexe crues et explicites) est aussi fascinant qu’impressionnant, et se révèle au fond payant, quand on pense à l’enthousiasme qu’a généré le film lors de ses
premières présentations !

Après sa médiocre et racoleuse « Vénus noire », quel soulagement de voir
Abdellatif Kechiche revenir à un cinéma que visiblement il maîtrise bien mieux, dans la veine de « L’esquive » ou de « La graine et le mulet » : celui d’un naturalisme contemporain aux
problématiques sociétales ancrées dans le monde d’aujourd’hui… Avec « La vie d’Adèle : chapitres 1 & 2 » (puisqu’il ne connaît que ces épisodes de la bande dessinée originelle et qu’il ne
désespère pas de proposer un jour un chapitre 3), le cinéaste filme au plus près des visages – et des corps ! – les émois adolescents d’une jeune fille, Adèle, que l’on voit devenir jeune femme
au cours des trois heures que dure le long métrage, sans que jamais l’ennui pointe.

La première partie est une pure merveille, où l’on découvre Adèle au lycée, avec ses camarades de classe, passer d’un cours sur Marivaux à la découverte « pratique » du désir dans la vie réelle.
Pour cela, elle commencera par la case « garçon », avant de se rendre compte que ça ne fonctionne pas pour elle, faisant au passage pleurer un beau jeune homme. Quant elle croise le regard d’une
mystérieuse fille aux cheveux bleus dans la rue, le souffle de la passion va doucement l’emporter en elle : après le fantasme d’une nuit d’amour avec cette inconnue, la réalité va combler ses
désirs puisqu’elle retrouvera cette fille, Emma, dans une boîte gay où l’emmènera l’un de ses copains. Kechiche filme alors leur amour naissant avec une fougue extraordinaire, magnifiant dans des
plans sublimés la puissance de la passion : d’un baiser en gros plan laissant le soleil irradier l’écran à chaque fois que leurs lèvres s’écartent à des scènes torrides dans une chambre, le
cinéaste n’hésite pas, comme à son habitude, à faire durer les plans, à la fois pour montrer l’intensité du moment, son impression d’éternité, et la force du sentiment des personnages, persuadés
qu’un tel amour doit pouvoir durer toujours…

« La vie d’Adèle », c’est un peu une « éducation sentimentale » moderne, avec ses doutes mais au fond toujours cette même certitude, atemporelle, du sentiment amoureux… Le désir ne se discute
pas, et si Adèle peut coucher avec des garçons, elle sait qu’elle ne peut les aimer comme elle aime Emma. Emma, plus âgée qu’Adèle, sera en outre comme son professeur en terme de sexualité et de
désir : elle lui transmet le plaisir lesbien, un peu comme Adèle sera à son tour celle qui transmet, lorsqu’elle deviendra institutrice… L’« éducation » d’Adèle passera par des séquences
difficiles (la dispute interminable avec une camarade devant l’école, l’obligeant notamment à nier cruellement sa sexualité) mais aussi par des scènes très drôles (le repas chez les parents
d’Emma, qui apprend à Adèle à aimer les huîtres, alors même que celle-ci était persuadée de ne pas aimer ça : la métaphore est triviale, mais plaisante). Pourtant, la notion d’homosexualité ne
semble pas au cœur des débats dans la relation d’Adèle et d’Emma et ne paraît même pas vraiment poser problème. Pour une camarade hystérique quand elle apprend la sexualité d’Adèle, la plupart
des autres semblent s’en foutre un peu, comme si Kechiche dressait au fond le portrait d’une société qui finit quand même par évoluer sur certaines questions de mœurs, notamment par le biais de
sa jeunesse…

« La vie d’Adèle » va même plus loin en proposant presque une vision normative d’une relation homosexuelle. Car malgré leur différence sexuelle, les deux personnages principaux finissent par
obéir aux mêmes modèles que les autres couples et par s’imprégner des valeurs d’une société « hétéronormée ». Leur relation rejouera ainsi par mimétisme les fondements d’une histoire d’amour
hétérosexuelle, chacune d’entre elles se retrouvant condamnées à reprendre des codes sociologiques connus : Emma se retrouvera progressivement dans la situation de l’homme (celle qui a le travail
le plus important, celle qui impose son point de vue, celle qui domine), quant Adèle prendra celle de la femme (accomplissant seule les tâches ménagères, incarnant la fragilité et la soumission
dans le couple). Si cette hétéronormalisation de l’homosexualité pourrait être reprochée à Abdellatif Kechiche, elle demeure pourtant une réflexion intéressante à l’heure du « mariage pour tous »
et constitue au fond tout le tragique de l’histoire d’Adèle avec Emma ! Le cinéaste montre ainsi l’impossibilité de fuir les modèles imposés ou de réformer la société par sa différence : les
différences sont au contraire digérées par un système qui les dépasse… Ainsi, le couple du film subit les mêmes problématiques qu’un couple hétérosexuel : le principe de dominant / dominé, les
non-dits, les soupçons d’adultère qui incitent à la jalousie, les incompréhensions qui mènent à l’incommunicabilité… Tout ce qui rend en somme la vie entre deux êtres si compliquée et la fusion
véritable impossible. On aurait donc beau croire être les deux mêmes au sein d’un couple (l’homosexualité n’est en ce sens qu’un leurre !), on ne l’est en définitive jamais ! Le problème d’Emma
et Adèle n’est pas leur sexualité (phénomène progressivement digéré par la société), mais leurs différences intrinsèques, apparaissant au fil des ellipses discrètes du long métrage et montrant
les différentes étapes d’un amour qui s’effrite. L’ambition d’Emma, évoluant dans un monde artistique factice et prétentieux (apparemment pas très aimé du réalisateur), aura raison de la modestie
et de la discrétion d’Adèle…

La passion consommée – et consumée –, la vie continue chacun de son côté et le spectateur intensément bouleversé par ces bourrasques de sentiments qu’il a vécu au plus près des personnages… Un
cinéma puissant et vital !



Perspective :



- Vénus noire, d’Abdellatif Kechiche































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dimanche 25 août 2013

[Critique] Phantom of the Paradise, de Brian De Palma



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(Etats-Unis,
1974)



Passez un été "en chanté" avec Phil Siné !



Le Jour du Saigneur # 126




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coeur


Si « Phantom of the paradise » demeure probablement l’une des œuvres les plus folles de la carrière de Brian De Palma, elle est devenue avec le temps un véritable film culte ! Opéra baroque
complètement hallucinant, le long métrage marque encore les débuts d’un cinéaste bourré de talent et d’inventivité… Tout à l’écran porte déjà la patte ‘De Palma’, qui fera la richesse de
l’univers de tous les films qui suivront : plans séquences audacieux, la scène à suspense avec split screen, l’obsession pour les dispositifs d’enregistrement ou de caméra vidéo… On assiste à un
déferlement de trouvailles visuelles et à une intelligence de la mise en scène des plus stimulant, d’autant que le film se plait à mélanger les genres, les styles et les tonalités !

On pourra ainsi tout autant rire que frémir devant « Phantom of the paradise », qui comprend aussi bien des moments de kitsch absolu que des moments de tension et de suspense affolant… Une scène
emblématique parodie par exemple la scène de la douche de « Psychose », l’une des œuvres phares de Hitchcock, que De Palma vénère et cite constamment dans son cinéma : on commence alors par
frissonner pour ensuite éclater de rire quand le couteau de l’agresseur se transforme en ventouse qui se colle sur le visage du jour_du_saigneur_bis.jpgpersonnage sous la douche ! La séquence de tension en split screen possède elle aussi son détail humoristique, à travers ce bâton de
dynamite très « cartoonesque » placé dans le coffre d’une voiture de décor de théâtre… On a parfois l’impression de se retrouver dans les excès d’une comédie très « rock’n’roll » mise en scène
comme un film d’horreur, quelque part finalement entre « The Rocky
Horror picture show
» et « Orange mécanique » !

Les citations ne manquent d’ailleurs pas dans le scénario que nous a concocté lui-même Brian De Palma : « Le fantôme de l’opéra », « Faust », « Frankenstein », « Le Portrait de Dorian Gray »… Le
cinéaste mélange tout un tas de références subtiles pour créer une « œuvre monde » complètement inédite et à l’ambition démesurée, en dépit de son allure très « premier degré ». Son histoire de
jeune compositeur spolié de son œuvre par un producteur abominable (dont le label musical porte le nom très symbolique de « Death Records ») est en réalité une charge assez féroce contre
l’industrie musicale en particulier et plus largement contre le monde du spectacle, qui dépouille les artistes et ne leur laisse pas créer comme ils l’entendent… De Palma lance certainement
quelques piques aux producteurs de l’industrie cinématographique également !

Sous ses allures baroques et explosives, « Phantom of the paradise » nous plonge ainsi dans un monde éminemment sombre, dans lequel tout le monde possède une large part d’ombre ! Si c’est sans
équivoque pour Swan, le diabolique – au sens propre ! – producteur, c’est aussi le cas de Winslow, le compositeur naïf, lorsqu’il n’hésite plus à tuer pour que son œuvre existe telle qu’il le
souhaite… Quant à Phœnix, celle qu’il aime et pour qui il écrit son opéra, elle n’a rien d’exemplaire elle non plus, finissant par rejeter Winslow à cause de sa monstruosité physique, celui-ci
étant défiguré, et par gagner les bras de Swan, pour la gloire et l’argent.

Heureusement, la musique est là pour illuminer un peu tout ça, même si là encore elle comporte bien souvent une « inquiétante étrangeté », qui lui confère une couleur plus tragique et opératique…
La boîte métallique créée par Swan pour permettre à Winslow de chanter à nouveau (après son séjour assez ironique au pénitencier de « Sing Sing », nom ô combien symbolique !) lui offre par
exemple une voix plutôt curieuse et peu harmonieuse. Quant au spectacle musical au « Paradise », la boîte de Swan, il offre au public des choses assez sordides, comme la mort « électrique » de
Beef (le chanteur gay exubérant) sur scène, laissant d’ailleurs la foule hystérique et enthousiaste… Un public qui continuera d’ailleurs de danser en riant jusqu’à la fin, applaudissant la mort
même du pauvre Winslow ! De Palma interroge ainsi assez brillamment autant la fabrication mercantile d’un spectacle que sa réception par des gens finalement assoiffés de sang et de sensations
fortes, bien plus que de culture et d’émotions… « Phantom of the paradise » devient alors à la fois l’illustration parfaite et la critique même de son propre sujet : le tour de force est total !



Perspective :



- Passion, de Brian De Palma































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samedi 24 août 2013

[Carte blanche] Des bribes de musiques de films remontent à la surface... (par David Tredler)


tred_il_etait_une_fois.pngPassez un été "en chanté" avec Phil Siné !



Sur son « impossible blog » d'authentique cinéphile parisien, David Tredler nous fait vivre ses trépidantes mésaventures de
spectateurs, entre les émerveillements passionnés qui ponctuent sa cinéphilie et les énervements contre les trop nombreux spectateurs indélicats... A la façon des billets de son blog si personnel et dans le cadre de notre série d'été « en chanté », il accepte aujourd'hui de nous raconter un
échantillon des nombreuses émotions que la musique évoque pour lui dans une salle de cinéma...


Quelle est donc la première note de musique entendue dans une salle de cinéma… quel âge avais-je… C’était probablement celle accompagnant le célèbre logo Disney. A moins que ce ne fût le
roulement de tambour de la Fox. Les entrées en matière musicales des studios hollywoodiens font partie intégrante de l’imaginaire musical que l’on associe au grand écran, parce qu’on les a
entendues des dizaines, des centaines de fois. Mais il est des notes de musique dont il n’a pas nécessité des centaines d’écoutes pour qu’elles se logent pour longtemps dans notre mémoire. Des
notes de musique dont je me souviendrai probablement toute ma vie. Des notes indissociables d’une image. Des notes qui font parcourir un frisson à travers moi et qui n’ont pas le même sens ni la
même puissance sans les images qui les accompagnent. Il est celles qui sont iconiques et avec lesquelles il semble que l’on a passé notre vie. Mais les entendre dans une salle de cinéma est d’une
saveur bien plus grande. Je m’en suis rendu compte en allant traîner du côté de la Cinémathèque Française lorsque celle-ci a consacré une rétrospective tred_moissons_ciel.jpgde son œuvre à Steven Spielberg. Même si je
connaissais déjà par cœur la filmographie de Spielberg, il y en avait tant que je n’avais jamais vu sur grand écran, ou pas depuis l’enfance, que je n’ai pu résister à aller m’y promener.

La musique de John Williams m’a fait l’effet d’une madeleine de Proust lorsque les notes de « Jurassic Park » ont retenti dans l’enceinte de la salle Langlois. Celles des « Aventuriers de l’Arche
Perdue » m’ont fait trépigner de jubilation sur mon fauteuil. Ce genre de musique me prend telle une bourrasque à chaque fois que je replonge en salle dans un film qui a accompagné mon enfance et
mes premiers pas de cinéphile. Mais il y a plus fort que le facteur nostalgie. Plus fort que les sons des souvenirs de l’enfance. Il y a le choc de la découverte.

Cette petite musique qui résonne à vos oreilles et se glisse dans le paysage d’un film que vous découvrez sur grand écran, lorsqu’il règne une alchimie indéfinissable entre un plan et une note,
entre une séquence et un mouvement, ou une chanson. Cet instant d’osmose parfaite, je le chéris entre tous lorsqu’il se produit sous mes yeux, à mes oreilles, alors que je suis calé dans mon
fauteuil de cinéma et absorbé par ce grand écran doué de vie.

Je pourrais en citer tant de ces instants cinématographiques suspendus, ces tred_harry_lime.jpginstants où
le temps semble ralentir et où le cœur s’emballe. Je revois Orson Welles, caché dans un coin de rue sombre, révélé à Joseph Cotten par une lumière inattendue. Alors qu’un chat se frotte contre
ses jambes, que de joyeuses notes de guitares méditerranéennes se font entendre. La caméra zoome sur le visage d’Orson, qui s’était fait attendre pendant plus de 40 minutes dans le film, et se
trouve enfin révélé, alors que l’air de guitare, collé au sourire malin de Welles et à la surprise de l’apparition, rend cette scène du « Troisième homme » mémorable.

J’entends d’ici l’air de Tôru Takemitsu, dans ces premières minutes de « Dodes’kaden » qui nous font découvrir un jeune homme s’imaginant conduire sa propre locomotive au milieu des taudis de son
quotidien, cet air si doux, si entraînant et où pointe cependant l’amertume qui parcourt le film d’Akira Kurosawa.

J’entends aussi poindre la musique des films de Terrence Malick, le « Gassenhauer » de Carl Orff alors que Martin Sheen et Sissy Spacek vivent à tred_badlands.pngl’écart de la société et jouent aux sauvages dans la
nature texane, ou le « Carnaval des animaux » de Camille Saint-Saëns qui sublime les images entre chien et loup des « Moissons du Ciel », où la grimace déçue de Sam Shepard répond aux yeux perdus
de Richard Gere.

Je me revois, écrasé et ébahi par l’attente de l’arrivée du train dans la séquence d’ouverture d’ « Il était une fois dans l’Ouest », quand le bruit du vol des mouches laisse la place à cet air
d’harmonica si emblématique, au moins aussi emblématique que les sifflements en rythme des prisonniers de guerre du « Pont de la rivière Kwai » que j’ai pour la première fois entendus sur grand écran il y a quelques
semaines à peine
.

Je sens encore les tambours cogner dans ma poitrine, lorsque la salle s’est éteinte et que sur cet immense écran noir a retenti la musique de Maurice Jarre, celle de « Lawrence d’Arabie ». 
Je les sens toujours cogner en moi, ces tambours, en me remémorant Peter O’Toole observant de son regard azur l’immensité d’un désert que les tambours imaginés par Jarre ont rendu palpable. Plus
les tambours cognaient, plus je me voyais là, au côté de Lawrence, dans cette chaleur infinie.

Je me rappelle l’excitation sans commune mesure lorsqu’après l’apparition des logos de la 20th Century Fox et de Lucasfilm, après le fameux « A long time ago, in a galaxy far, far away », les
premières notes que John Williams a créé pour George Lucas et sa saga « Star Wars » ont retenti en ce jour d’octobre 1999 en préambule à « La menace fantôme », après une si longue attente.

Je revois le temps s’arrêter lorsque Tony Leung et Maggie Cheung se tred_chungking.jpgcroisèrent
dans une ruelle pluvieuse de Hong Kong et que soudain se fit entendre cet air de musique de Shigeru Umebayashi depuis à jamais associé à « In the mood for love » de Wong Kar Wai.  Wong Kar
Wai, à qui l’on doit également l’une des plus belles entrées à l’écran, lorsque la serveuse Faye Wong de « Chungking Express » écoute à fond « California Dreamin’ » des Mammas & Pappas et que
la silhouette d’un policier se profile dans le flou. Celui-ci se rapproche alors que l’on entend « All the leaves are gone… and the sky is grey… ». Arrivé au comptoir, le flic en uniforme retire
sa casquette et lance un sourire à Faye Wong : Tony Leung déjà, dans une apparition indissociable de la chanson des Mammas & Pappas, comme le sourire d’Orson Welles est à jamais associé à ce
petit air de guitare…
De tels instants cinématographiques où la musique a su cristalliser une image, j’en garde précieusement des centaines dans mon imaginaire, prêts à ressortir dès que j’entends la bonne note de
musique…



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