lundi 30 novembre 2009

L’attaque de la moussaka géante, de Panos H. Koutras (Grèce, 1999)




Note :





Pour commencer par un bon mot, osons le dire bien haut : cette moussaka est un pur régal ! Tous les ingrédients y sont parfaitement dosés et c’est un bonheur pour les papilles… Loin d’être le nanar
que le titre laisse présupposer, « L’attaque de la moussaka géante » est avant tout une parodie efficace et réussie des séries B et autres films de monstres, genre Godzilla… Plus ou moins inspirée
par « L’attaque des tomates tueuses », son pendant américain (avec toute une série de films, dont le deuxième épisode est réputé pour voir figurer George Clooney à son casting !), la « Moussaka »
raconte comment, à la suite de la téléportation ratée d’une belle blonde extraterrestre (qui navigue dans l’espace à bord d’une soucoupe volante rose Barbie avec une belle brochette d’autres
blondes décérébrées), celle-ci se retrouve dans une part de moussaka qu’un petit garçon donnait à son chien. La part de moussaka, bien sûr, devient énorme et se met à terroriser toute la ville
d’Athènes, laissant de nombreuses victimes sur son passage. Le film joue à fond la carte parodique et les scènes de panique dans les rues de la capitale grecque sont des moments à hurler de rire :
tout le monde court dans tous les sens en criant alors que la moussaka avance à la vitesse d’un escargot sur eux… Pourtant, celle-ci parvient quand même à les atteindre et les tuer par des
magnifiques projections gazeuses ! C’est de la pure poésie… Le budget ultra-réduit du film (aucun acteur n’a été payé durant le tournage, souvent des amis du réalisateurs d’ailleurs), lui permet
d’étaler sa pauvreté à chaque plan : image dégueulasse, effets spéciaux ridicules (la moussaka est filmée en très gros plan et vaguement collée ensuite à une autre image avec les acteurs), décor
minimal, la même prise répétée trois fois (une montée d’escalier, histoire de montrer que le personnage grimpe haut dans l’immeuble)… Tout respire le film amateur fait par des amateurs –
amateurisme d’ailleurs parfaitement assumé et exploité –, ce qui le rend finalement réellement drôle et plaisant.

Le plus drôle, c’est que « L’attaque de la moussaka » ne se contente pas d’être un film potache, sorte de pastiche de pastiche ironique à souhait. Il propose en effet une véritable satire politique
(avec la présence, notamment, d’un homme politique dépassé par les évènements et incapable de gérer sa famille par la même occasion) et surtout une critique incisive des médias (si, si !) On
retrouve ainsi la télé quasi omniprésente tout au long du film, regardée de façon hypnotique par les divers personnages. Chaque chaîne relate seconde par seconde le déroulé du massacre de la
moussaka, chacune à sa manière : l’une axe sur le sensationnel, cherchant à montrer le plus de cadavres possible, l’autre cherche à calmer les esprits, le présentateur répétant ad libidum qu’il n’y
a pas lieu de paniquer, une autre encore dresse le thème astral de la moussaka… L’un des personnages principaux est d’ailleurs une journaliste, alliée à son caméraman, qui se montrera prête à tout
pour arriver à trouver une image ou un témoignage exceptionnel, histoire de faire décoller sa carrière.

Enfin, il est nécessaire d’évoquer tout le côté très « kitsch, camp & queer » du film, qui s’avère en réalité une œuvre « gay friendly » très en avance sur son temps… De la part d’un film grec,
est-ce vraiment étonnant ? Tout fleure bon l’homosexualité assumée et relâchée dans la « Moussaka géante » : la soucoupe volante très disco, certains passages en mode « comédie musicale », des
astrophysiciens qui s’enfilent tous en blouses roses, ainsi qu’un merveilleux trio de travelos branchés et top fashion, en goguette dans les rues d’Athènes, dont l’excellente Tara, héroïne grosse
et hyper-expressive, qui n’est pas sans rappeler la sublime Divine, la muse des films de John Waters… Les extraterrestres, toutes blondes et de sexe féminin, peuvent nous laisser supposer qu’elles
viennent d’un monde à peu près semblable à l’île de Lesbos. D’ailleurs, lorsque la femme de l’homme politique, plutôt frustrée sexuellement (son mari lui fait l’amour alors qu’elle reste
endormie…), s’échappe à la fin avec les filles de la soucoupe volante, alors même que son homme est mort, ne faut-il pas y voir la révélation de sa véritable identité sexuelle, enfin assumée ? Et
si elle laisse son fils derrière elle, au fond peu importe, puisque le nouveau couple formé par Tara la transsexuelle et l’astrophysicien gay, qui s’aime visiblement d’un amour sincère, sera là
pour le recueillir et peut-être… l’adopter ? Ainsi, ce superbe film sociologique de Panos H. Koutras s’achève sur une nouvelle image de la famille, recomposée et décomplexée, dont le modernisme
laisse éclater tout le génie de son réalisateur !






























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dimanche 29 novembre 2009

Southland tales, de Richard Kelly (Etats-Unis, 2006)




Note :



Oh mon dieu, quelle déception ! Le deuxième film de Richard Kelly (coincé pourtant entre deux
chefs-d’œuvre : « Donnie Darko » et « The box »), n’est effectivement pas une merveille… Le problème principal, probablement, vient
de ce scénario très brouillon, qui part dans tous les sens et essaie de nous raconter une histoire que l’on a finalement beaucoup de mal à suivre. On comprend les grandes lignes : l’Amérique
déclenche une troisième guerre mondiale suite à une attaque nucléaire ; elle renforce de façon quasi-orwellienne sa sécurité intérieure ; contraint de trouver des alternatives au pétrole, un
générateur d’énergie perpétuelle fonctionnant avec le mouvement des océans est créé, mais celui-ci ralenti sensiblement la rotation de la Terre, ce qui perturbe les cerveaux humains… hum, comment
dire… Le problème réside surtout dans la façon dont toutes les histoires individuelles sont évoquées et ramenées progressivement les unes vers les autres jusqu’au dénouement apocalyptique final :
c’est mou, c’est long et agrémenté de nombreuses circonvolutions inutiles, offrant un ensemble des plus embrouillé… On assiste à tout ça un brin ennuyé.

Bon, c’est vrai que tout n’est pas à jeter dans « Southland tales » : Richard Kelly réussit de très jolis plans et sait créer une atmosphère bien particulière… Il parvient finalement à faire un «
film d’ambiance », visuellement assez soigné. Mais cela n’a hélas jamais suffi à faire un film… On mettra donc ça sur le compte du « syndrome du deuxième film raté » et on reprendra la carrière du
cinéaste à « The box », son troisième film très brillant. Gageons que tous les films
qui suivront seront merveilleux !






























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Vil romance, de José Celestino Campusano (Argentine, 2009)




Note :





Voici un film très « brut de décoffrage », d’une brutalité sourde et d’une crudité nue. Il nous présente la rencontre entre Roberto, jeune sans abri encore innocent, et Raul, brute épaisse
vieillissante, vivant d’escroqueries et de trafic d’armes. Après un premier contact sexuel brutal, plus proche du viol que de la romance affichée par le titre, Roberto s’installe malgré tout chez
Raul, comme attiré dans cette relation par quelques désirs sadomasochistes refoulés…

Dans « Vil romance », c’est le « vil », bien sûr, qui l’emporte. Le film nous montre une Argentine pauvre et violente, d’où les sentiments semblent totalement absent. Ici, on tue et on viole sans
scrupule, poussé par ses plus « vils » et bas instincts… Aucune loi, aucune force de l’ordre ne semblent régir ce monde désespéré. On voit un enfant acheter une arme à feu, on voit une fille se
prostituer avec sa mère, on voit un homosexuel macho traiter le nouveau mec de son ex-femme de « pédé » et refuser la sodomie passive, comme incapable d’assumer le moindre instinct « sensible ». Au
centre de tout, l’argent et la vie matérielle domine dans cette société rongée par la misère et la pulsion primaire. Même Roberto, seul être apparemment « humain » dans cette sombre fable, finira
par le comprendre à la fin du film, récupérant la maison de Raul, dont il s’est définitivement débarrassé…

Etonnamment, la seule scène à illuminer le film et à lui apporter un peu d’espoir est une scène quasiment pornographique. Roberto, pour soulager ses besoins sexuels que Raul lui refuse, se trouve
un amant, avec qui l’amour devient pourtant beau : ils s’embrassent, se caressent, se touchent, se parlent… Quelques instants de finesse dans ce monde de brutes sans âme ? Tout le contraire, en
somme, de sa relation bestiale avec Raul, et pourtant Roberto se refusera à son tour au jeune homme qui désire le revoir. Le seul semblant d’espoir du film sera ainsi très vite évacué, comme si le
bonheur ne pouvait de toute façon pas exister, ou tout du moins pas durer…






























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samedi 28 novembre 2009

Bienvenue à Zombieland, de Ruben Fleischer (Etats-Unis, 2009)




Note :







Ce qui est bien dans Zombieland, c’est qu’il ne se contente pas d’être une parodie de « film de zombies » (comme pouvait l’être un Shaun of the dead, auquel la critique a tendance à le comparer, à
mon avis à tort, parce que bon… rien à voir !), il est aussi un « vrai » film à part entière, une vraie comédie (parfois pure, d’autres fois dramatique ou même… romantique, osons le dire !) et un
vrai film de zombies (accessoirement) ! Comment concilier tout ça, dans un film court qui plus est (1h20), vous demanderez-vous ? Eh bien, c’est le défi – et la grand réussite ! – de ce long
métrage signé Ruben Fleischer…

La vraie bonne idée du scénario, par ailleurs très bien écrit, c’est d’avoir repris la plupart des clichés et des grandes figures du cinéma de genre afin de mieux les détourner, avec un brio et une
originalité extraordinaire ! On assiste notamment à mille et une façons de trucider du zombie, par exemple, et chacune de ces séquences sait nous surprendre avec une joyeuseté communicative (il y a
d’ailleurs le prix hebdomadaire pour celui qui trouvera la meilleure astuce pour tuer un mort vivant : hilarant !) On a droit aussi à une scène de drague entre le puceau et la bombe (blonde) du
campus (tout droit issue du teenage movie classique), qui tournera au massacre maladroit et délirant de la fille devenue zombie. Chaque personnage est également une sorte d’archétype, qui au fil de
l’histoire s’avèrera être tout autre chose, à commencer par Woody Harrelson dans le rôle d’un gros dur casseur de zombie qui cache une vérité pourtant bien plus sensible… Bienvenue à Zombieland,
film très référencé mais jamais avec ostentation, propose ainsi une jubilation de chaque plan grâce à une subtilité tout à faut inattendue.

Le procédé de narration participe lui aussi de l’extrême plaisir que l’on prend devant ce film. En voix off, le personnage principal, jeune homme inexpérimenté et involontairement asocial (Jesse
Eisenberg, très doux et à la candeur touchante), nous explique en fait la façon dont il survit dans ce monde post-apocalyptique, à l’aide de toute un série de règles qu’il consigne dans un carnet :
être endurant, s’échauffer avant de tuer un zombie, se méfier des toilettes, ne pas se conduire en héros… le tout étant bien sûr illustré à l’écran, à travers les aventures qui lui arrivent, à lui
et à ses compagnons de route, avec tout ce qu’il faut d’humour et de contournements aux règles, bien entendu. L’une des règles s’offre même le luxe de faire passer un message pour la sécurité
routière, avec une séquence particulièrement tordante pour ouvrir le film, alors que demandez de plus ?

Zombieland est ainsi un vraie bonne surprise et propose un merveilleux moment de plaisir. Brillamment composé, avec une virtuosité réjouissante, il multiplie les répliques et les scènes qui
deviendront très certainement vite cultes ! Le pastiche de Ghostbuster ou la mort stupide de Bill Murray (dans un rôle exceptionnel : le sien !) pourraient figurer au panthéon de mon cinéma
personnel… Le film se pose en divertissement de qualité et ne prêtant d’ailleurs pas à autre chose. Ce n’est probablement pas tout à fait par hasard qu’il s’achève dans une fête foraine : on en
sort le sourire aux lèvres et tout excité, comme après une journée dans un parc d’attractions… On n’espère alors plus qu’une seule chose : pouvoir y retourner très vite !






























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vendredi 27 novembre 2009

Hadewijch, de Bruno Dumont (France, 2009)




Note :









Disons-le tout net, sans avoir peur des mots : "Hadewijch" est un ravissement. Au sens mystique du terme : on est saisit et transporté par l'extase ! Mais attention, il ne s'agit pas de n'importe
quel mysticisme : il s’agit d’un mysticisme proche de celui d’Hadewijch d’Anvers, une poétesse flamande du XIIIe siècle qui appartenait au mouvement des béguines, un courant spirituel et politique
de femmes qui se vouaient à Dieu en assimilant l’amour divin à l’amour terrestre. Une forme d’amour de Dieu quasi incarné, en quelque sorte, auquel adhère pleinement le personnage de Céline dans le
film de Bruno Dumont, dont le patronyme d’Hadewijch lui sert justement de nom religieux dans le couvent où elle se trouve quand on la rencontre.
Dans ce couvent, elle fuit une vie trop riche dans la bourgeoisie parisienne, coincée entre un père diplomate presque mutique et une mère au bord de la dépression refoulée, isolée sur l’île de la
Cité. Le couvent est certes une autre forme d’insularité, mais il va lui permettre de s’adonner pleinement à son adoration du Christ, au sens littéral du terme. En extase devant des grilles
derrière lequel se trouve un figuration de Jésus, le cinéaste nous la montre clairement devant une impossibilité : celle d’accéder au corps du Christ. Ce désir d’incarnation de l’amour de Dieu – on
va y revenir – la pousse à l’excès dans sa foi et dans sa dévotion et poussent justement les sœurs du couvent à la rejeter dans le monde extérieur…
Là, elle va se laisser emporter par tous ceux qui croiseront sa route, portée peut-être par une forme de naïveté ou d’insouciance, ou une foi tout simplement… Elle fera ainsi la connaissance de
Yassine, puis de son grand frère Nassir, qui va l’emmener sur la voie du fondamentalisme religieux, jusqu’à provoquer la violence et la mort au nom de Dieu. Mais au fond, même s’il nous montre la
bêtise et les excès du fanatisme religieux, de loin et très froidement, la question, vite expédiée, ne semble pas beaucoup intéresser le cinéaste…
Ce serait ainsi une erreur d’interpréter « Hadewijch » dans une perspective politique ou sociologique et d’établir un  parallèle avec les dérives communautaires de la société actuelle. Ce que
Dumont cherche avant tout, c’est le beau ! Porté par une mise en scène radicale et précise, le film livre des plans d’une rare beauté. La précision des mouvement de caméra, l’angle choisi avec un
soin particulier, participent à nous offrir des plans parfaits et sublimes, souvent dépouillés, dans lesquels chaque détail fait sens. Le plus surprenant, c’est que tout le génie de la réalisation
passe ici par une extrême et sidérante simplicité. Il y a une forme d’économie chez Dumont : économie des scènes, économie des plans, économie du discours… On assiste notamment à ce concert au bord
de la Seine, au cours duquel Céline et Yassine se séparent sur un malentendu : on n’entend que la musique, jamais ce qu’ils disent, et pourtant tout est là, pas besoin d’en dire plus pour
expliquer... Jamais de surenchères ou d’effets tape-à-l’œil inutiles dans ce cinéma magistral, qui a pour parents Pialat ou Bresson !
Parmi les nombreux partis pris de mise en scène (on pourrait en parler des heures durant tellement le film est riche, mais tâchons de faire quelques choix), citons notamment cette omniprésence de
la verticalité, qui paraît traverser tout le film et tous les lieux que parcourt Céline. Il y a la grue dans le couvent au début du film, il y a les arbres, il y a toutes ces tours dressées vers le
ciel dans Paris, les réverbères, et jusqu’à ces barres démesurées des immeubles de banlieue… Faut-il y voir l’idée de transcendance par la figuration d’un pont entre la terre et le ciel ? Faut-il y
décrypter plutôt une métaphore de la virilité, Céline errant en fin de compte dans un monde de pénis en érection ? Ce doute sur l’interprétation des signes résume parfaitement bien tout le parcours
vers l’incarnation de l’amour de Céline tout au long du film. Elle est d’ailleurs constamment dans l’ambiguïté et le paradoxe par rapport à ça : elle affirme par exemple vouloir rester vierge pour
se consacrer au Christ juste avant de prendre la main de Yassine et de l’étreindre…
On voit bien alors toute la démarche du cinéaste, qui utilise finalement le religieux pour mieux en sortir. De la part d’un incroyant, on en attendait pas moins… « Hadewijch » passe en fin de
compte de la théologie à la philosophie au fur et à mesure que son personnage principal prend conscience de son besoin de l’homme et tout spécialement de son besoin du corps de l’homme… De retour
au couvent à la fin du film – une fin sublime et poétique tant elle est elliptique et tant elle ouvre les interprétations –, Céline va avoir la « révélation » qu’elle attendait tant : alors qu’elle
s’apprête à se noyer, un maçon descend d’une échelle (d’un toit céleste ? figuration de Dieu faisant l’expérience de la chair en s’incarnant dans son fils Jésus ?), torse nu (comme un Christ
crucifié ?), et vient la sauver… Elle l’étreint alors de toutes ses forces et l’on suppose que son amour du corps ne s’arrêtera pas là ! Dumont vient sous nos yeux d’inventer une nouvelle mystique,
déchargée du poids détestable du religieux. Il l’explique d’ailleurs lui-même : "[Céline/Hadewijch renaît], pleine de grâce et de larmes, à une humanité nouvelle et spirituelle. Une humanité où les
religions auront regagné les théâtres et retrouvé leur juste représentation, c'est à dire leur pure poésie. Au fond, Dieu n'existe qu'au cinéma, là où l'on peut dignement chercher et croire".
Chercher, c’est justement son but en faisant du cinéma. Pour lui, l'athéisme ne suffit désormais plus. « L’humanité » a besoin d’autre chose, peut-être d’une nouvelle « Vie de Jésus »…






























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jeudi 26 novembre 2009

Scènes de chasse en Bavière, de Peter Fleischmann (Allemagne, 1969)




Note :







Le film commence par le retour d’Abram dans son village natal. Il était parti à la ville et sa vie là-bas reste obscure et insaisissable aux yeux des villageois paysans qu’il retrouve. La vie
reprend dans la maison de sa mère et il offre son aide, notamment en mécanique, auprès de tous ceux qui la lui demande. Très vite cependant, la rumeur circule qu’il sort de prison et qu’il avait
été condamné pour homosexualité… A partir de là, sa vie bascule en enfer et les villageois ne cesseront plus de se moquer de lui. Mais même sous les insultes et les quolibets, Abram, portant
salopette et chemise de bûcheron à carreaux (déjà un stéréotype d’homosexuel ?) demeure stoïque et d’une gentillesse apparemment à toute épreuve… Jusqu’au drame, bien sûr.
Devant la bêtise humaine décrite dans ces « Scènes de chasse en Bavière », la scène la plus terrible demeure peut-être celle où la mère d’Abram elle-même affirme devant tout le monde souhaiter que
son fils s’en aille, pour lui laisser vivre sa vie « normale » au village. Ce rejet de la mère amène les reproches d’une autre villageoise, qui lui rappelle que c’est quand même son fils, malgré
tout. Dans un pareil tableau, le réalisateur semble nous dire que derrière l’intolérance, il y a avant tout la peur. Pas seulement la peur de l’altérité, de la différence, mais aussi la peur d’être
faible. A tout prix, chacun veut se sentir fort, le plus souvent parce qu’il est faible lui-même, et pour se sentir fort, le plus simple est de trouver quelqu’un d’encore plus faible à dominer, à
blâmer ou à opprimer. Force est de constater que dans ce film, la population du village est composée de paysans pauvres et sans avenir, oubliés par la société allemande. Cela n’excuse bien
évidemment en rien leur comportement, mais contribue en partie à l’expliquer.
Rien n’est simple, d’ailleurs, dans cette œuvre forte et sans concession. Abram, la « victime » désignée, n’a pas non plus un comportement exemplaire. Les jeux ambigus qu’il entretient avec un
jeune garçon débile, notamment dans la scène sur le pont alors qu’il lui apprend à faire de la mobylette, apparaissent assez dérangeant à l’image. Certes rejeté de tous et agressé, il finira aussi
par poignarder la prostituée qui le désire. C’est à partir de là que la « chasse à l’homme » commence, mais comme Abram avait été dénoncé à la police avant ce meurtre, on se demande s’il n’est
alors pas tant poursuivi pour son homosexualité que pour celui-ci… Dans le rapport instauré entre la masse des bourreaux et la solitude de la victime, le réalisateur semble vouloir démontrer avec
une éclairante intensité que dans un monde de normalité, ce n’est pas de l’altérité qu’il faut avoir peur, mais bel et bien de la norme et de la morale sociale ou religieuse, débouchant sur les
pires fanatismes…
Au service d’un discours sur la tolérance, Peter Fleischmann impose une mise en scène âpre et aux accents documentaires presque ethnologiques. En parallèle au monde des hommes, il filme la
condition animale : une scène entière montre des cochons en train d’uriner ou de se vautrer dans leurs excréments… Faut-il y voir un symbole de la condition humaine ? La séquence quasi
sacrificielle du cochon que l’on tue, que l’on blanchit et que l’on éviscère avant de s’en repaître, apparaît comme le meurtre métaphorique d’Abram, que l’on rejette et que l’on bannit finalement.
A la fin, une ellipse nous fait passer à une grande fête au village : après le sacrifice bestial du marginal, la vie « normale » peut reprendre et perdurer… Une condamnation magistrale de la
société et du fascisme sous toutes ses formes !






























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Capitalism : a love story, de Michael Moore (Etats-Unis, 2009)




Note :





Après la critique des armes à feu en vente libre dans son pays, de la politique guerrière et impérialiste de George W. Bush ou encore du système de santé américain catastrophique, Michael Moore
revient à la charge pour s’attaquer cette fois-ci aux racines mêmes du mal dans la société actuelle : le capitalisme !
Comme pour ses films précédents, le réalisateur emploie toujours un peu les mêmes méthodes. Il assène son discours avec vigueur et conviction, en l’illustrant d’exemples les plus énormes et
démonstratifs possibles. Son procédé n’a rien de subtil et s’avère volontairement très appuyé, justement pour donner du poids à ses théories. Du coup, on n’est pas dans le documentaire, mais dans
le pamphlet. Ce n’est pas un reproche, bien au contraire, mais il s’agit surtout de ne pas tout confondre quand on parle du cinéma de Michael Moore. Il fait du film militant, du brûlot social, pour
appeler les populations trop dociles à la résistance ! Son cinéma est éminemment et nécessairement politique. Il dresse une thèse sur son sujet et ne parle que des éléments qui vont expressément
dans son sens. Ce n’est pas démagogique, comme on le lui reproche souvent, c’est simplement politique. Et comme Michael Moore se met au service des pauvres et des faibles, c’est en fin de compte
parfaitement recevable. Comme par le passé, le réalisateur livre un film excessif et n’hésite jamais à en rajouter dans le pathos, même parfois larmoyant en présentant des familles dans des
situations désespérées. C’est le cas surtout pour toutes ces familles qu’on expulse de leurs maisons, fautes de pouvoir continuer à payer leurs crédits, accordés par les « banques escrocs ». «
Capitalism » est bien un « pamphlémentaire » du cinéaste le plus redouté des PDG et des présidents, mais on sent cette fois-ci, notamment avec cette fin un brin amère, que Moore a pris conscience
qu’il ne pourra pas mener le combat tout seul. Il dit qu’il continue à faire ça, mais qu’il lance surtout un appel à tous à le rejoindre. Il rappelle avec la force de l’évidence que tant qu’il sera
tout seul, tous ses films, tout ce qu’il dénonce, ne serviront à rien !
En terme de contenu, reconnaissons que l’on n’apprend pas grand chose de neuf dans « Capitalism : a love story », du moins si l’on prend un peu le temps de s’informer sur le monde dans lequel on
vit… Il reprend divers éléments sur la crise financière, en rappelant que tout ce qui vient juste d’arriver n’est qu’un début de ce qui nous attend… Certes. Ce que le réalisateur réussit le mieux,
en fait, c’est lorsqu’il met dos à dos la démocratie et le capitalisme, en démontrant très habilement que les deux ne sont pas compatibles, allant même jusqu’à dire que le capitalisme n’est rien
d’autre qu’un régime dictatorial. Les pressions de Wall Street sur le gouvernement américain prouvent sans tergiverser que l’unique décideur aux Etats-Unis, c’est l’argent, et que le peuple
américain ne vit plus en démocratie depuis bien longtemps… CQFD !
Tout cela est très fort et très habile, mais ça pourrait aussi être fort ennuyeux si Michael Moore, gros bonhomme espiègle et sympathique, ne savait pas aussi bien se mettre en scène. On le
retrouve ainsi encore une fois dans des situations savoureuses, comme lorsqu’il se présente devant les banques pour venir arrêter leurs directeurs ou récupérer l’argent public du peuple américain…
L’humour, qui traverse ainsi tout le film, contribue à la force de son discours et c’est tellement plus agréable ainsi… Michael Moore doit continuer la lutte !






























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mercredi 25 novembre 2009

Twilight, Chapitre 2 : Tentation, de Chris Weitz (Etats-Unis, 2009)




Note : 



Je crois me souvenir que la première adaptation sur grand écran des aventures de Bella et Edward ne m'avait pourtant pas totalement déplu. Je n'irais pas jusqu'à dire que j'en étais ressorti super
enthousiaste, mais j'avais trouvé ça "mignon". Gnangnan certes, mais mignon... Eh bien pour cette suite, pourtant quasi copie conforme du film précédent, non seulement j'ai trouvé le film exécrable
au possible, mais en plus j'en suis ressorti très énervé. Aucune "fascination" ni la moindre "tentation", donc, pour ce chapitre 2, et même plutôt un profond dégoût, notamment pour le sous-texte
moral qu'il défend...
D'abord, affirmons-le sans pitié, "Twilight le retour" est un film très médiocre. Il enchaîne les scènes sans intérêt, gouvernées par des dialogues interminables, creux et répétitifs. C'est
incommensurablement long et l'ennui nous pousse assez vite dans une léthargie interminable, d'où l'on sort de temps en temps pour regarder sa montre et se dire "oh mon Dieu ! encore deux heures !!"
Mais d'un côté purement cinématographique, ce qui étonne le plus de la part d'un film de cette ampleur, c'est la pauvreté de son univers visuel plutôt « cheap » et la laideur de ses effets
spéciaux. Si le film a coûté cher, il faut bien constater que ça ne se voit pas du tout à l'écran...
Pourtant, le pire reste encore à venir... Il réside essentiellement dans les rapports mielleux et pudibond du couple formé par Bella l'humaine et Edward le gentil vampire trop mignon qui mord
personne (une aberration en soi et une insulte au mythe du vampire !). Depuis le premier film, leur histoire d'amour ne décolle pas et à la fin de ce deuxième film long et éprouvant, il faut bien
se rendre à l'évidence qu'elle n'a toujours pas décollée. Au cours du film, Edward se sépare de sa belle, soi-disant parce que c'est mieux pour elle (à cause de leur différence, gna gna gna...), et
celle-ci tombe amoureuse d'un autre garçon, non pas vampire cette fois-ci, mais loup-garou... La pauvre fille, elle ferait bien de consulter à force de tomber dans les bras de tels individus... A
la fin, aussi incohérent que cela puisse sembler, elle préfèrera son vampire anorexique maquillé comme un travelo (mon dieu ?! mais qu'ont-ils fait au beau Robert Pattinson ??) à un super beau mec
musclé exhibant son torse athlétique les trois quarts du film... Du coup, on en revient à l'happy end du premier film : leurs lèvres s'effleurent toujours à peine quand ils s'embrassent et pas le
moindre coup de pieu en perspective ! Ils en sont toujours au même point, noyés au milieu de leur insupportable guimauve dégoulinante, à s'échanger des dialogues remplis de sibyllines allusions
plus ou moins cryptées sur leur relation au sexe et à la virginité, bla bla bla... Ah, et puis si ! Evènement super original dans la dernière scène : le vampire demande sa petite amie en mariage...
On en croit pas ses yeux tellement c'est dégoûtant d'(év)angélisme ! D’ailleurs, j’ai entendu de gros éclats de rire fuser dans la salle…
En évoquant ainsi un idéal d'amour pur, où tout le monde finit par rentrer dans les rangs sacrés du mariage dans une belle robe de vierge candide ou un beau costume bien repassé et sans la moindre
tache de sang, le film s'impose du coup comme un manifeste politique pour le retour de la droite dure à la tête du gouvernement américain. "Twilight" n'est rien d'autre qu'un brûlot ultra-catho et
néoconservateur ! Perspective effroyable quand on sait que le film est destiné à des masses d'adolescentes en mal d'idéaux...






























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mardi 24 novembre 2009

L’année dernière à Marienbad, d’Alain Resnais (France-Italie, 1961)




Note :







Quand il réalise "L'année dernière à Marienbad", bien plus que dans la nouvelle vague du cinéma français à laquelle on l'a souvent associé (à tort ?), c'est dans le nouveau roman qu'Alain Resnais
cherche à s'inscrire. La présence d'Alain Robbe-Grillet à l'écriture du scénario en est un indice majeur, et il ne faut pas oublier que le film précédent du cinéaste n'est autre que "Hiroshima mon
amour", écrit par Marguerite Duras. Tout le film, surtout, se présente comme un défit à la fiction, à l’instar des auteurs du nouveau roman, qui cherchaient à casser le déroulement d’une narration
classique, les portraits de personnages précis et les autres certitudes apportées par une écriture plus traditionnelle… Dans ce film, en effet, on assiste à un enchevêtrement d’images et de mots,
parfois sans lien avec le reste, parfois dans le désordre, figurant souvent le doute le plus complet. L’histoire de « Marienbad » ? Au fond peu importe ! Une vague histoire de liaison entre un
homme et une femme mariée survenue l’année d’avant. Aujourd’hui, la femme semble ne pas se souvenir de l’homme. Ou bien non, c’est l’homme qui se trompe… Au fond, c’est l’histoire d’une histoire
qui se cherche, comme si elle était justement en train de s’écrire sous nos yeux, avec ce qu’il faut de bafouilles, de ratures, d’impasses et de retours en arrière.
Formellement, « L’année dernière à Marienbad » est tout simplement sublime. A sa vision, il faut se dire avant tout que l’on assiste à la projection d’un très bel objet filmique, que nombreux
considèrent d’ailleurs comme le plus grand film du cinéma… Après tout, Resnais et Robbe-Grillet ne cherchaient pas forcément à en dire plus. Le réalisateur affirmera d’ailleurs lui-même : « Nous
voulions nous trouver un peu comme devant une sculpture qu'on regarde sous tel angle, puis sous tel autre, dont on s'éloigne, dont on se rapproche ». Il rêvait en fait d’échafauder « un film dont
on ne saurait jamais quelle est la première bobine »… Un film à l’intérieur duquel on pourrait se promener d’avant en arrière, duquel on pourrait recomposer les plans ou réagencer l’ordre des
séquences, un peu comme un pur poème visuel. Pour arriver à cela, ça « travellingue » à tout va, ça compose des images somptueuses, ça statufie les scènes en filmant des acteurs figés, immobiles,
ça multiplie les angles sur un même sujet, ça met bout à bout deux mêmes mouvements de caméra, mais avec un plan composé différemment (est-ce qu’un plan représente le présent et l’autre le passé
?), ça répète une scène avec un effet de variation (la femme s’effondre sur le lit par la gauche, puis par la droite), et puis ça filme dans un noir et blanc merveilleux, fantomatique, presque
fantastique, qui transforme le long métrage en la statue filmée à plusieurs reprises, en véritable objet de musée, un peu comme de l’art vidéo avant l’heure…
Mais en tournant « L’année dernière à Marienbad » dans trois lieux différents en prenant soin qu’aucun des trois ne soit Marienbad, Resnais montre qu’il joue avec nous. Le thème du jeu est
d’ailleurs au cœur du film. Tous ces personnages oisifs qui errent comme des fantômes immobiles dans ce château et ses grands jardins n’ont rien d’autre à faire que de jouer : ils assistent à une
représentation théâtrale, jouent au tir au pistolet ou s’adonnent à diverses autres activités ludiques. De nombreux jeux de société sont mis en scène : les dominos, des jeux de cartes comme le
poker ou le fameux « jeu de Marienbad », ayant pris son nom et sa notoriété grâce au film, consistant à disposer des allumettes (ou des jetons, ou des cartes…) en quatre rangées de 1, 3, 5 et 7
puis à prendre chacun son tour une ou plusieurs allumettes d’une même rangée, jusqu’à ce que le perdant soit désigné en prenant la dernière en place… En mettant le jeu, symbole de l’aléatoire et du
hasard, en son centre, le film nous questionne ainsi sur les aléas de la vie, le hasard des rencontres, l’incertitude de la réussite ou encore, pourquoi pas, le libre-arbitre… En jouant avec nous
et en « jouant » au cinéma, en se jouant un peu de nous aussi, le cinéaste ne nous dit-il pas finalement que peut-être la vie n’est qu’un jeu ?






























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lundi 23 novembre 2009

Richard Kelly (cinéaste)



Richard Kelly est un auteur. Au sens européen du terme : il réalise des films dont il a lui-même écrit le scénario... Après deux courts-métrages remarqués, il signe son premier long en 2001, depuis
devenu culte : "Donnie Darko". La suite est néanmoins moins drôle, puisqu'il
faudra attendre 2006 pour le voir réaliser son deuxième film, juste après l'écriture du scénario d'un film de Tony Scott passé plutôt inaperçu : "Domino". "Southland tales", ce second long-métrage
tant attendu, alléchant thriller apocalyptique de science-fiction, bénéficiera même d'une présentation en compétition au Festival de Cannes, mais l'accueil sera si froid que le réalisateur devra
remonter son film, qui ne sortira finalement jamais en France... sinon directement en DVD, et seulement en mars 2009 ! Heureusement, l'année 2009 sera aussi celle d'un troisième film excellent,
"The box", à découvrir au cinéma actuellement...
Le style de Richard Kelly, aux allures de post-ado trentenaire, revisite souvent les genres de prédilection d'un cinéma pour teen-agers : fantastique, science-fiction, thriller, school movie...
Mais il le fait avec une telle étrangeté et une telle capacité à y insérer une folie captivante que non seulement les genres sont parfaitement renouvelés mais qu'ils débouchent en plus sur de vrais
grands films, plastiquement passionnant et aux récits souvent très poussés et très écrits... Les effets de narration à nombreuses ramifications ou l'intérêt plastique de nombreux plans évoquent
souvent un David Lynch, tout en conservant une intégrité propre à Kelly. On demeure bien souvent subjugué par la puissance visuelle et scénaristique de ses films, avec un doute parfois s'ils
s'assimilent à du génie ou à de la roublardise... Peu importe au fond, dans la mesure où pour le moment, le cinéaste parvient à parfaitement faire illusion !
Parmi ses prochains projets, il semblerait qu'un remake de "Point limite zéro" soit sur les starting blocks...






























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Strella, de Panos H. Koutras (Grèce, 2009)




Note : 



Disons-le tout net, même s’il n’est pas tout à fait raté, « Strella » n’est pas franchement une réussite… On saura gré à son réalisateur, cependant, de ne pas sombrer totalement dans le sordide
avec une histoire pareille ! En effet, le propos était pourtant des plus casse-gueule : après quinze ans de prison, Yiorgios sort enfin et rencontre un transsexuel, avec qui il entretient une
liaison passionnée, jusqu’à ce qu’il se rende compte que son amant(e) est en réalité son fils, qu’il cherche désespérément… Ouch ! Et dire qu’on n’est même pas au bout de ses surprises après
ça…
La mise en scène, hélas, est plutôt plate et multiplie les longueurs un peu ennuyeuses… Le milieu décrit, celui des gay, des trans, du milieu grec interlope, aurait pu donner lieu à des scènes
plutôt marrantes et colorées (façon Almodovar par exemple), mais là rien de drôle, tout demeure même très tristoune, sombre et désespérant… Le sujet traité aussi, celui de la confusion des genres,
de l’inceste, du désordre sexuel, du complexe oedipien (ou même électrien, si l’on y pense…), aurait pu pousser à une réflexion des plus intéressante sur la nature de la filiation, sur la solitude
ou sur la profondeur des relations humaines… mais le réalisateur manque cruellement de finesse et de subtilité, assenant quelques répliques chocs et quelques scènes un peu tourmentées,
malheureusement des plus maladroites… On a souvent du mal à y croire, malgré toute notre bonne volonté !
Un film plutôt décevant, en fin de compte, malgré un potentiel de départ prometteur… On notera cependant d’étranges séquences très kitschs, mettant en scène un écureuil numérique, censé figurer les
souvenirs d’enfance perdus du père. On se demande vraiment ce que ça vient faire là (à croire qu’il y avait un reliquat de budget à dépenser ?), sinon à provoquer l’hilarité à trois ou quatre
reprises au cours du film… ou l’occasion de rappeler que Panos H. Koutras est d’abord un grand cinéaste du n’importe quoi, puisqu’il s’agit bien du même qui, il y a une dizaine d’années, avait
commis « L’attaque de la moussaka géante » ! Ce film culte sera d’ailleurs projeté ce samedi dans le cadre de l’absurde séance parisienne, et votre
serviteur en sera, afin de vous chroniquer ce sommet de la série Z très prochainement…






























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dimanche 22 novembre 2009

Kill Buljo : Ze film, de Tommy Wirkola (Norvège, 2007)




Note :
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« Kill Buljo » appartient à ce genre de films très rares qui avant de l’avoir vu nous fait nous demander s’il existe vraiment ou si c’est juste une bonne grosse blague dont il n’existe qu’une
affiche ou une vague bande annonce et après l’avoir vu nous fait avoir des remarques pertinentes telles que « non ?! alors ils l’ont vraiment fait !! »
« Kill Buljo », donc, du norvégien Tommy Wirkola, version parodique et improbable de « Kill Bill », existe bel et bien, heureusement réduit en une seule partie de 90 minutes… Si l’intrigue reprend
plus ou moins la trame principale du film de Quentin Tarantino, soit une histoire de vengeance d’un homme (Jompa) ayant vu tous les invités de son mariage massacrés par le gang du redoutable Buljo
et ayant été laissé pour mort avant de se réveiller d’un long coma à l’hôpital, ce film étonnant ayant bénéficié pour la France d’une sortie directement en DVD (bizarre, bizarre…) parodie également
d’autres grands succès du box-office, comme « Star wars », sans compter que le personnage principal, beauf, idiot et pervers, évoque très largement celui de « Borat ».
Contre toute attente, on s’amuse assez devant « Kill Buljo ». Bien sûr, ce n’est pas du grand cinéma. Ca ressemble même carrément plus à un film potache tourné entre potes, réalisé avec trois euros
six cents… Il est certain aussi que ça n’a rien de très subtil. Ca fait penser à tous ces films parodiques à la Zucker ou Abraham, tous les « Y’a-t-il… » (un pilote, un flic…) et autres « Hot shots
», mais dans une version bien plus trash et moins conventionnelle !
Truffée de gags énAUrmes et de répliques de la mort qui tuent, balancées par des personnages tous plus stupides les uns que les autres, ce pastiche de « Kill Bill » chez les lapons offre un moment
de franche déconnade et de délires bien régressifs !






























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Grimm love, de Martin Weisz (Allemagne, 2006)




Note :







« Grimm love » est le récit d’une histoire d’amour flamboyante entre deux hommes. La clé du film demeure peut-être dans cette discrète référence aux frères Grimm (auteurs des fameux contes), à
travers le titre anglais mais aussi au détour d’une remarque d’un des deux personnages principaux : les deux frères étaient les seuls à voir tous ces personnages fantastiques et étranges que l’on
retrouvent dans leurs histoires ; ils s’aimaient pour cette parfaite compréhension l’un de l’autre… Ici, les deux personnages en présence sont eux aussi parfaitement complémentaires et vivent par
là même une union d’amour fou et absolu : l’un a besoin de chair humaine et l’autre veut se faire dévorer vivant !
Plus sérieusement, « Grimm love » (dont le titre allemand original est « Rohtenburg », du nom de la ville de Bavière où se sont déroulés les faits évoqués) est un film très particulier, ne
serait-ce déjà que par son sujet, puisqu’il s’inspire en grande partie d’une histoire réelle, un fait divers qui avait défrayé la chronique en Allemagne au cours de l’année 2001 : l’histoire
d’Armin Meiwes, adepte de cannibalisme, qui mutila puis dévora Bernd Jürgen Brandes, avec son consentement, et en commençant par son pénis, avant de lui prélever et de se délecter de 30 autres
kilos de son corps… En adaptant cette affaire au cinéma, Martin Weisz s’est heurté à une forte censure dans son pays, où le film a du attendre trois ans avant de pouvoir sortir.
Oscillant entre film d’horreur et (mélo)drame psychologique, il faut bien commencer par reconnaître que « Grimm love » est un film très dérangeant. On y suit le parcours de Katie Armstrong, jeune
étudiante fascinée par le fait divers sordide, qui décide d’enquêter sur les lieux du crime en vue d’en faire sa thèse. Parallèlement, on suit toute l’histoire du cannibale et de sa « victime
consentante » en flash-back, depuis leurs enfances respectives très perturbées jusqu’à l’acte fatidique… On est captivé comme la jeune femme par la vie de ces deux personnages et par leur rencontre
sous le signe de l’horreur, pourtant filmée comme une véritable histoire d’amour. On éprouve comme elle un mélange de curiosité malsaine et de profond dégoût, qui ne nous empêche pourtant pas de
vouloir en savoir toujours plus… Le film se double ainsi d’une profonde réflexion anthropologique sur nos propres pulsions enfouies et souterraines, sur le voyeurisme propre à chaque être humain et
sur les tabous fondamentaux des grandes civilisations.
Mais en plus de parvenir à nous troubler profondément sur un plan réflexif et psychologique, le film possède en outre un intérêt cinématographique évident. Parvenant à un mélange des genres
étonnant et détonnant, le réalisateur soigne sa mise en scène et réussit des images vraiment impressionnantes, notamment dans le traitement de la couleur, de la lumière ou encore la distinction
entre les différentes époques évoquées… Superbe dans sa forme, on pardonnera ainsi quelques légers ratés à « Grimm love », notamment la scène dite de « la dégustation de la bite », qui frise le
grand guignol, lorsque le personnage émasculé goutte son propre pénis cuit à la poêle par son hôte cannibale et regrette que ce soit « trop dur » alors même que « tout devait être parfait »… On
sourit ainsi quelques secondes avant de replonger dans une atmosphère oppressante et glauque, ce qui n’est peut-être en fin de compte pas plus mal.
Le film n’est hélas pas sortie en France pour le moment, ni en salle ni en DVD. Il existe cependant une version canadienne du DVD pour bénéficier des sous-titres français. Avis aux amateurs…






























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samedi 21 novembre 2009

Kinatay, de Brillante Mendoza (Philippine, 2009)




Note :



Mendoza est très probablement un cinéaste très « brillante » ! (ah ah, désolé mais fallait que je la fasse, celle-là…) En quelques films seulement, il a su imposer une vraie texture à son œuvre, un
art de la mise en scène tout à fait personnel… Avec « Serbis », sa façon de laisser se dérouler sa fiction comme un documentaire explosait partout sur l’écran, pour la plus grand bonheur ou malheur
des spectateurs. Car le problème avec ce cinéaste philippin, c’est que ce qui envoûtent tellement ses défenseurs dans son cinéma, c’est exactement ce qui peut en agacer beaucoup d’autres. Sa façon
de dilater le temps, par exemple, de s’appliquer à tout montrer dans la durée, peut fasciner, mais peut tout aussi bien lasser et ennuyer…
Dans « Kinatay », on a la chance d’avoir un récit un peu plus construit et orienté que dans ses films précédents, mais le « filmage » à la façon documentaire demeure cependant bien présent. Le film
nous propose ainsi une plongée dans la ville de Manille et dans le quotidien de ses habitants. Mais le réalisateur sait garder la main sur un fil rouge cette fois-ci et retenir ainsi un peu plus
facilement l’attention du spectateur : il s’agit du personnage de Peping, un jeune homme de 20 ans qui étudie pour devenir policier. Mais comme la vie n’est pas aisée à Manille, surtout avec une
copine et un enfant, il trafique un peu à droite et à gauche pour joindre les deux bouts. Une nuit, cependant, il accepte un « travail » qui va l’entraîner dans un atroce cauchemar, avec cadavre
découpé en morceaux à la clé…
Le plus intéressant dans « Kinatay », c’est l’itinéraire de ce pauvre garçon. Tout le film se déroule en fait sur 24 heures, qui vont passer en nous montrant la perte progressif de son innocence.
D’un matin ensoleillé jusqu’à l’aube suivante où le soleil semble avoir de la peine à se lever à nouveau, Peping va ainsi passer de la lumière à l’obscurité, de son propre mariage – expédié en
quelques minutes au début du film – à cette virée nocturne désespérément interminable, criminelle et glauque. Mendoza a du talent pour donner une conscience forte de la temporalité : le temps du
bonheur paraît ne durer qu’un instant comparé à celui de l’horreur, dilaté à l’infini. Le voyage en voiture avec le corps de la captive que tout le monde croit mort est un moment long et
particulièrement éprouvant (pour ceux qui auront su rester éveillés jusque-là).
Travaillant pour devenir un justicier, il va paradoxalement cautionner le meurtre d’une prostituée. Même s’il n’y participe pas directement, son silence devant l’horreur va suffire à son
acceptation. Le tee-shirt de son école, qu’il porte tout au long du film, dit en substance qu’une fois l’intégrité perdue, il est impossible de la retrouver : cette nuit lui aura-t-elle
définitivement fait perdre son intégrité ? Sera-t-il du côté du mal toute sa vie désormais ? La fin du film nous laisse plutôt un goût d’amertume, avec ce personnage perdu, culpabilisé, terrifié à
l’idée de ce à quoi il a participé. Comment vivre avec ça maintenant ? Pourtant, les derniers plans nous démontrent que la vie continue bel et bien, malgré tout…






























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In the loop, d’Armando Iannucci (Grande-Bretagne, 2009)




Note :





Voici une petite comédie britannique bien corrosive dans le milieu de la haute politique. Alors qu’un ministre petit et gaffeur du gouvernement anglais lâche un mot de trop dans une interview,
laissant supposer que la guerre avec les américains dans le Moyen-Orient n’est peut-être pas si « imprévisible » que ça, le déluge médiatique se déverse sur tout le petit monde du ministère… Ce
sont autant de ministres, d’assistants et autres conseillers de communication en tout genre, qui n’arrêtent pas un instant de se tirer dans les pattes, de s’envoyer piques et vannes à travers la
figure, tout ça à tout bout de discours… Parce que ça tchatche dans « In the loop », ça n’arrête pas, à commencer par le conseiller Malcolm Tucker, incarné à l’écran par Peter Capaldi. Ca parle, ça
parle, et ça parle surtout dans un langage très fleuri, avec « fuck » au bout de chaque phrase, et émaillé de multiples gags souvent hilarants. Ca fuse au point qu’on n’a pas forcément le temps de
comprendre toutes les références diverses et variées qui illustrent souvent des blagues bien vachardes : références à la musique, au cinéma ou à la culture anglo-saxonne en général… Le film prend
aussi de la vitesse avec l’aide d’une mise en scène nerveuse et « embarquée » dans l’action, passant sans cut d’un personnage à l’autre, comme ça se fait bien dans le cinéma de ces dernières
années…
Des dialogues incisifs et mordants, des comédiens très britishs d’un côté et très américains de l’autre, on passe vraiment un bon moment devant « In the loop ». On se marre bien devant cette satire
politique inattendue, même si c’est souvent d’un rire jaune, dans la mesure où l’on assiste quand même à un défilé d’hommes et de femmes politiques qui cherchent avant tout à « bien communiquer »,
bien avant d’être de bons politiciens, et surtout à manipuler l’opinion publique par le biais des médias… Le pire, c’est peut-être cette remarque dans une interview d’Armando Iannucci, le
réalisateur dont c’est le premier film, se rendant compte qu’il a peut-être fait sans le savoir un film bien plus proche du documentaire qu’il aurait pu croire : « Lorsque j'ai montré mon film à
Washington, devant un public connaissant bien les rouages de la politique américaine, ils ont d'abord beaucoup ri. Et ensuite, ils m'ont dit que c'était exactement comme ça que ça se passait ». Pas
très rassurant…






























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vendredi 20 novembre 2009

Rapt, de Lucas Belvaux (France, 2009)




Note :







Dès les premières images de "Rapt", de Lucas Belvaux, on peut s'attendre à ce que quelque chose de terrible survienne... On nous présente, en quelques scènes courtes et bien choisies, la vie d'un
homme toujours pressé, président d'une grande entreprise entretenant quelques liens avec le pouvoir, enchaînant les rendez-vous furtifs, ralliant à toute vitesse de nombreux lieux au cours d'une
journée, en mouvement constant et perpétuel... Mais un mouvement toujours identique, dirigé invariablement vers la gauche de l'écran : le signe d'un mauvais présage ? L'homme n'échappera d'ailleurs
pas longtemps à son fatum, puisque aussitôt le générique achevé (au cours duquel le titre du film apparaît deux fois en gros sur l'écran), il se fait kidnappé dans une scène plutôt efficace et
musclée... A partir de là, le film va alterner les scènes entre l'otage aux mains de ses ravisseurs et la vie de l'entourage de l'otage dans le monde extérieur, se perdant en tergiversations pour
le libérer...
De son côté, le "président" déchu, amputé d'un doigt et malmené, va supporter la détention humiliante et souvent violente avec une dignité inattendue. Loin de son confort bourgeois, il fait face à
la situation sans jamais rechigner. Yvan Attal réussit là une composition tout à fait remarquable ! De l'autre côté, dans le monde "libre", chacun semble agir selon ses propres intérêts, la vie de
l'otage ne prenant plus au fil du temps qu'un statut de "détail", l'essentiel résident souvent dans les intérêts financiers ou les enjeux de pouvoir... Une belle fable du monde moderne, pourri par
ses dérives économiques, apparaît alors en plein cœur du film. Seules sa femme (formidable Anne Consigny) et ses filles sauront rester dignes de leur père et époux... du moins pour un temps.
Car en effet, plus l'enquête avance, plus la police et les journaux à scandales vont de révélations en révélations sur le passé du détenu, à coups de maîtresses cachées, de garçonnière insoupçonnée
et autres dettes de jeux... Peu à peu, ce ne sont plus les malfrats ayant enlevé le président de la riche société qui sont jugés, mais le président lui-même. Alors même qu'il vit le pire calvaire,
menotté et les yeux bandés, menacé de mort, le monde extérieur se contente finalement de faire son procès !
Dans la suite du film, d'ailleurs, lorsque l'échange pour la rançon tourne mal et que le personnage d'Yvan Attal est en fin de compte libéré, on voit bien que le cauchemar est loin d'être terminé
pour lui. Sa famille aura du mal à lui pardonner tout ce qu'ils auront appris dans le grand déballage médiatique, la police ne le laisse plus sortir de chez lui (il sort d'une prison pour rentrer
dans une autre, soi disant pour sa propre sécurité...), jusqu'aux paroles d'un homme de justice qui l'interroge et sous-entend qu'il pourrait très bien être lui-même l'organisateur de son propre
rapt... Tout le monde le juge et le condamne, sans même s'inquiéter de savoir comment il va après la sauvage et douloureuse séquestration dont il a été victime... Pire que tout : il perd sa vie
d'avant l'enlèvement, condamné à abandonner ses fonctions de président, de mari (sa femme demande le divorce) et de père... L'homme est détruit, rendu au niveau d'un moins que rien, à peine plus
important que celui d'un chien. Les séquences où on le sent encore un peu revivre sont d'ailleurs significativement celles où on le voit jouer avec son chien, complice de toujours...
"Rapt" est un film fort qui, tout en nous montrant avec compassion le destin d'un homme mauvais qu'une terrible épreuve rend pathétique et seul, fait le portrait sans concession d'une époque bien
triste où la vie d'un homme, même indécemment riche, ne vaut pas sa richesse amassée. Un monde où l'argent, seul, compte...






























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The children, de Tom Shankland (Grande-Bretagne, 2009)




Note :





Quasiment personne dans la salle pour assister à ce petit sommet de la série B et je tiens à affirmer bien haut et bien fort que c'est terriblement dommage ! The children, de Tom
Shankland, enfile les clichés avec un bonheur non dissimulé et nous comble de nombreuses séquences hyper-bandantes, à base de bande son bien appuyée et bien lourdingue, de gros plans qui font super
peur sur une tache de morve sur les draps d'un enfant, de psychologie à la truelle ou de trucidages d'enfants à la jouissance jamais feinte ! On rit et on se délecte de litres d'hémoglobine et de
séquences de boucherie souvent très réussies, qui jouent sans lasser sur le contraste entre l'innocence des visages des enfants et l'horreur des actes qu'ils commettent... En prime, on pourra
trouver une morale bien douteuse à tout ce que l'on vient de nous montrer : quand on a avorté une fois, plus rien ne nous arrête dans le massacre d'enfants ! C'est drôle, c'est frais, exagéré et
bien sanguinaire, parfaitement calibré pour soulager nos ardeurs pédophobes les plus inavouées : courrez-y avant qu'il ne disparaisse des écrans à jamais...






























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