mercredi 20 janvier 2010

L’éclipse, de Michelangelo Antonioni (France-Italie, 1962)

eclipse


Note :
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Vittoria quitte l’homme avec qui elle partageait sa vie depuis plusieurs années déjà. Leur relation sans amour ne la satisfait pas. Elle rejoint sa mère à la bourse, mais celle-ci est bien trop
occupée par les cours si fluctuant de ses actions. Elle rencontre alors Piero, l’agent de change de sa mère, avec qui l’amour est possible, peut-être ? Dans cette histoire a priori banale,
Antonioni filme avec une infinie précision la solitude de l’homme (et de la femme) moderne. Il montre les relations humaines avec une froideur effrayante, rendue palpable par des cadrages d’une
raideur glacée. Dans le champ de la caméra, tout est droit, horizontal, vertical ou oblique, tout est quadrillé, comme pour mieux enfermer les personnages dans le plan et par là même en eux-mêmes.
Les premières scènes montrent un couple au bord de la rupture, qui se parle peu, à distance, et ne se comprend pas. L’incommunicabilité entre les êtres est rendue magistralement, dans une
simplicité apparemment désarmante. Le cinéaste suit le personnage de Vittoria (interprétée par Monica Vitti), seule et sans repère, véritable âme errante dans un appartement ou dans la rue, à la
recherche désespérée de l’autre. Elle croira le trouver à travers Piero (Alain Delon), mais ce sentiment ne durera qu’un instant, puisqu’elle se rendra très vite compte qu’il est comme l’homme
précédent et qu’elle répète encore et encore un même schéma. La scène finale demeure mythique en terme de disparition de l’amour et de désespérance humaine : les deux amants, après un premier
rendez-vous, projettent de se voir le lendemain au même endroit… Sauf que ni lui ni elle ne viendra et Antonioni filme la scène à l’identique, gardant les mêmes plans, mais cette fois-ci sans les
personnages. Des plans de décors géométriques à angles droits et durs, vides, pour dire que l’amour n’est plus et que la solitude a triomphé de l’homme.

Dans la relation que Vittoria entretient avec les hommes, on est en droit de se demander si elle ne se comporte pas avec eux exactement de la façon dont elle leur reproche finalement de se
comporter avec elle, c’est à dire en les considérant comme des objets. C’est là qu’intervient une thématique tout à fait intéressante et résolument moderne dans « L’éclipse » ! La façon qu’il a de
filmer la bourse et tous ces traders qui s’agitent dans tous les sens, qui brassent de l’air plutôt vainement, qui gagnent puis perdent des sommes colossales, sans jamais vraiment savoir d’où vient
ou où va l’argent ainsi crédité ou débité… Tout cela a des échos contemporains hélas indéniables. Antonioni a su capter dès le début des années 60 les désastres d’une société capitaliste, fondée
sur le seul avoir et sur l’accumulation des biens de consommation. Sa caméra s’égare d’ailleurs souvent à filmer les objets qui entourent les personnages, s’attardant sur ces choses inertes bien
plus que sur les personnages, comme si le matérialisme avait pris plus d’importance que tout le reste. Filmant une société malade de possession, il ne dit rien d’autre, en fin de compte, que ce que
l’on continue de constater aujourd’hui : l’accumulation des biens est vaine et n’apporte que la tristesse et la solitude, enfermant les gens dans une logique d’où les véritables sentiments, comme
l’amour, sont désormais exclus…






























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4 commentaires:

  1. J'ai vu un extrait de Blow Up récemment ... Antonioni ça a l'air très beau ... Mais j'ai peur d'être trop hyper active pour pouvoir voir un de ses films d'un coup en entier ...

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  2. C'est dommage, j'ai raté La Chine, un documentaire d'Antonioni sur le régime communiste qui dure 3h45 ... C'est passé le mois dernier au Méliès à
    Pau. Tu l'a vu ?

    Je vois surtout des films au ciné : je n'ai pas de télé et sur l'écran du PC c'est pas terrible. Même quand j'en emprunte à la médiathèque, c'est rare que je les regarde.

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  3. Antonioni réussit à filmer cette vacuité existentielle avec une densité incroyable ! Un film rare !

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  4. oui, on dirait du sofia coppola ! (à moins que ce ne soit l'inverse... ;)

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