dimanche 30 septembre 2012

[Critique] Antiviral, de Brandon Cronenberg



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(Canada, 2012)



Sortie le 13 février 2013



Le Jour du Saigneur # 85




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Dans la famille Cronenberg, on connaissait déjà bien David, le père, avec ses œuvres zarbis et organiques si particulières… Eh bien il faudra désormais compter avec Brandon, le fils, avec ses
œuvres zarbis et organiques si particulières… Il est d’ailleurs étonnant que la progéniture du réalisateur de « La mouche » se jette avec autant d’évidence sur les traces de son paternel, tant cet «
Antiviral » rappelle en de nombreux points les premières œuvres cronenberguiennes, de « Chromosome 3 » à « Vidéodrome », depuis « Scanners » et voire même jusqu’à « eXistenZ » !

Pour son premier long métrage, Brandon propose ainsi une œuvre déconcertante, à la froideur clinique et à l’atmosphère aussi glacée que les films de jeunesse de David… On retrouve d’ailleurs dans
« Antiviral » cette même sensation que l’on éprouve généralement devant les images de jour du saigneurCronenberg père, partagé entre le rejet et la
fascination, entre le dégoût et l’attraction irrésistible… C’est que le fils mêle avec la même aisance le pulsionnel et le cérébral, la machine et la chair, dans une forme de fusion impossible
entre l’esprit et la matière… La mise en scène, lente et quasi-mathématiques, nous emporte avec elle et malgré nous dans un bad-trip hypnotique pas forcément agréable, mais duquel on ne
ressortira pas indemne, pour le meilleur (sur l’écran du cinéma) et le pire (à l’intérieur de nous-même).

Il est troublant alors de ne pas savoir exactement ce que l’on a pensé du film aussitôt les lumières rallumées, mais c’est bien là la force de ce cinéma si particulier et que l’on croyait
jusque-là inimitable (bon, du père au fils, on peut penser que c’est une simple histoire de gênes après tout…) : c’est le genre de fiction à proliférer en nous, à nous mettre mal à l’aise, à nous
donner un sentiment d’« inquiétante étrangeté », à nous hanter et à nous questionner jusqu’à ce que l’on cède pour admettre qu’il nous a (dé)montré quelque chose… n’est-ce pas justement là que se
trouve tout l’intérêt du cinéma même : « montrer » ?

Mais si Brandon C. s’inspire beaucoup de David C. sur un plan formel, on sent qu’il a néanmoins quelque chose d’autre à dire et qu’il le fait avec fracas et vigueur, pour nous parler avec
modernité de son monde à lui, celui dans lequel il a grandi et qui n’est déjà plus celui que nous décrivait par métaphore son père il y a déjà plus de trente ans… Car sa vision d’un futur
déshumanisé et obsédé par la célébrité n’est pas une aberration et pourrait très bien être une projection plausible des dérives actuelles de notre société ! Dans son monde, le personnage
principal (interprété par Caleb Landry Jones, jeune acteur au physique ingrat et au jeu fascinant) travaille ainsi pour une société qui propose à ses clients de se faire contaminer par un virus
contracté par leur star préférée, une façon finalement absolue et hyper intime de communier avec son idole, en allant jusqu’à partager ses germes ! Une vision terrifiante et a priori absurde,
mais pas si bête en y réfléchissant un instant, tant les comportements actuels de certains fans frôlent parfois la folie pure… Dans le monde d’« Antiviral », des restaurants proposent même des «
steaks de célébrités », morceaux de chair recréés à partir des cellules vivantes de ces dernières : la passion jusqu’à la dévoration, recherche ultime dans une société malade et monstrueuse,
devenue anthropophage et cannibale ! Des représentations glaçantes et passionnantes de nos peurs les plus enfouies, que le père de ce jeune réalisateur prometteur n’aurait certainement pas
reniées…



Perspective :



- Antiviral à l'Etrange Festival 2012































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samedi 29 septembre 2012

[Critique] Johnny s’en va-t-en guerre, de Dalton Trumbo



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(Etats-Unis, 1971)




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Unique film de Dalton Trumbo, « Johnny s’en va-t-en guerre » est en réalité l’adaptation d’un roman du même auteur. Oeuvre antimilitariste forte, son impact fut décuplé par les périodes durant
lesquelles le livre et le long métrage sortirent : si le texte fut publié au tout début de la seconde guerre mondiale, le film fut couronné du Grand Prix du Jury au Festival de Cannes en 1971,
soit en pleine guerre du Vietnam dans laquelle s’embourbaient les Etats-Unis… Dès lors, l’œuvre de Trumbo fut considérée très vite et très justement comme une dénonciation universelle de
l’horreur et de l’absurdité de toutes les guerres !

Le plus grand choc, à la vue de « Johnny s’en va-t-en guerre », c’est l’intensité psychologique qui en émane. Le film nous raconte le calvaire de Johnny, un jeune homme engagé volontaire durant
la première guerre mondiale, qui reviendra du front littéralement en charpie, puisque pourvu uniquement d’une tête et d’un tronc, et parfaitement incapable de bouger ou de communiquer… Son
cerveau étant considéré comme mort, les médecins l’utilisent alors comme cobaye pour « faire évoluer la médecine », comme ils le prétendent. Sauf que nous, spectateur, allons être témoin à
travers une voix off des pensées intérieures de Johnny, qui vit encore consciemment malgré son état ! On l’écoutera ainsi évoquer la douleur physique et la souffrance intérieure qu’il ressent,
les souvenirs de sa vie passée et son désir de mourir désormais…

Le film est un immense électrochoc pour qui voudra bien en faire l’expérience ! Si le réalisateur évite toute image sensationnelle (il ne filme à aucun moment du sang ou le corps mutilé, se
contentant de nous montrer les parties encore « vivantes » de Johnny), il se concentre sur le tourment intérieur du personnage, qui cherche désespérément à communiquer avec le monde extérieur et
auquel seule une infirmière bienveillante apporte encore un peu d’apaisement et d’humanité… Esthétiquement, le film sait trouver une forme à la fois sobre et pertinente : l’essentiel consiste à
établir un contraste entre des images en noir et blanc pour montrer le présent horrible de Johnny mutilé dans une chambre d’hôpital et des images en couleurs pour l’évocation de souvenirs
bienheureux ou de diverses rêveries du personnage.

Mais outre son antimilitarisme, « Johnny s’en va-t-en guerre » sait aussi montrer l’essentiel de la vie humaine et ce que recherche tout un chacun : une vie simple et si possible comblée par
l’affection des autres… Les émois de Johnny l’amène à la terrible conclusion qu’il ne voudrait pas que sa famille ou sa petite amie le voient ainsi désormais et que la meilleure chose à faire
dans sa situation, c’est d’en finir avec la vie, qui ne vaut alors plus la peine d’être vécue… En filigrane, on pourrait ainsi presque lire dans cette œuvre intense et inoubliable une évocation
des interrogations actuelles sur le suicide assisté : la vie vaut-elle toujours la peine d’être vécue coûte que coûte, ou certaines situations extrêmes et désespérées mériteraient-elles
l’euthanasie ? Malgré son âge, cette œuvre dure mais nécessaire semble réussir le défi de demeurer dans une perpétuelle modernité !































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jeudi 27 septembre 2012

[Critique] Les amants du Pont-Neuf, de Leos Carax



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(France, 1988-1991)




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Si le film commence comme un documentaire sociétal parmi les défavorisés (avec des images impressionnantes de véritables SDF auxquels se mêle l’acteur Denis Lavant, captées dans un centre
d’accueil à Nanterre), Leos Carax opte cependant très vite pour une toute autre dimension avec « Les amants du Pont-Neuf », en s’intéressant bien plus volontiers à l’histoire d’amour fou entre un
clochard acrobate et cracheur de feu et une jeune vagabonde en train de perdre la vue… Car en tant que « poète de la ville », s’il dénonce politiquement la misère du monde, le cinéaste le fait
toujours avec un indécrottable lyrisme, que certains qualifièrent de « naïf », mais qui se révèle avant tout profondément humain aux yeux des gens de cœur…

En dépit de son injuste échec commercial, en partie lié à son budget pharaonique pour cause de tournage catastrophique étalé sur près de quatre ans (des dépassements de budget à foison, la
blessure de l’acteur principal, un décor qui s’effondre… pas moins de trois producteurs se sont épuisés sur le film !), « Les amants du Pont-Neuf » demeure pourtant un film merveilleux et
intense, constamment émaillé de fulgurances sublimes et enthousiastes ! La mise en scène de Carax n’a rien de conventionnel et son scénario ne suit jamais des rails traditionnels : à l’instar des
cinéastes de la Nouvelle vague, il revendique une liberté de tous les instants et de tous les plans, offrant aux spectateurs une fougue et une maestria acharnées…

Ses deux acteurs amoureux (à l’écran comme à la ville, du moins pendant une partie du tournage…) se donnent au film corps et âme : Juliette Binoche et Denis Lavant incarnent les plus beaux amants
du cinéma, filmés avec une grâce et une innocence épatantes ! Il existe d’ailleurs comme un paradoxe entre leur condition de clochards et la grandeur de la mise en scène de leur amour, qui est
très certainement la plupart du temps le révélateur de leur propre folie intérieure… folie amoureuse ou folie tout court, tout se mélange et on finit par ne plus pouvoir vraiment discerner la
réalité du fantasme. On demeure simplement impressionné par la reconstitution du Pont-Neuf, alors en travaux, presque sur le point de s’effondrer, et par tout ce que les personnages vivent autour
de lui : ambiance nocturne foraine, courses endiablées, couloirs de métro enflammés… jusqu’à ce point d’hallucinations paroxystique où Juliette Binoche fait du ski nautique sous les ponts de la
Seine dans un déluge de feux d’artifices tout autour d’elle… Inoubliable et à la juste démesure du génie de Carax !

L’exaltation des sentiments passe en outre par des symboles forts : l’amour permet à Alex (le personnage de Denis Lavant) d’arrêter de prendre la drogue qu’un autre clochard lui fournit en
ampoules pour dormir… Plus tard, il commettra l’irréparable – la mort d’un homme – pour ne pas être séparé de la belle Michèle, qu’il veut tout à lui et dont l’aveuglement en cours l’arrange,
tant il la rend entièrement dépendante de lui… Au sens propre comme au sens figuré, l’aveuglement amoureux est filmé comme jamais, jusqu’à ce superbe dénouement, où les amants se retrouvent enfin
sur le Pont-Neuf sous la neige, rouvert à la circulation, à la sortie de prison d’Alex : la folie amoureuse les reprend, les laissant se jeter du pont dans la Seine, se faisant ensuite repêcher
par une péniche sur laquelle on court en riant et avec laquelle on navigue jusqu’au Havre, peut-être… pour trouver un « havre » de paix et réaliser enfin un amour plus serein ?



Perspectives :



- Mauvais sang, de Leos Carax



- Holy Motors, de Leos Carax































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mercredi 26 septembre 2012

[Jeu] Le Ciné-rébus # 22


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Réponse : Liberté Oléron



(lit - bêêê - r - thé - eau - lait - rond)



Trouvé par Romainst !



Jouez et gagnez plein de cadeaux avec Phil Siné : guettez la publication des jeux sur le blog, soyez le premier à donner la bonne réponse en commentaire et accumulez un maximum
de points afin de choisir le lot que vous convoitez parmi la liste mentionnée un peu plus bas…



Règle du « Ciné-Rébus » : Déchiffrez le titre d’un film dans le rébus ci-dessus et gagnez un point si vous parvenez à être le premier à donner la bonne réponse en commentaire !



A partir de 3 points cumulés, vous pourrez choisir un cadeau parmi les suivants :
- 1 badge collector « I [love] Phil Siné » (3 points)
- 1 badge collector « I [star] Phil Siné » (3 points)
- 1 lot des 2 badges collector (4 points)
- DVD « The calling » de Richard Caesar (4 points)
- DVD « L’étrange créature du lac noir » de Jack Arnold
(accompagné du documentaire "Retour sur le lac noir") (5 points)
- DVD « Flandres » de Bruno Dumont (dans une superbe édition collector digipack
double-DVD, débordante de bonus passionnants !) (5 points)
- DVD  "Karaté Dog", de Bob Clark (5 points)
- DVD « Tropical Malady », d’Apichatpong Weerasethakul (5
points)
- 1 TV écran plasma 100 cm (1000 points)
- 1 voyage pour 2 personnes à Hollywood (1300 points)
- DVD « Sugarland Express » de Steven Spielberg (6 points)
- DVD « Le candidat » de Niels Arestrup (5 points)
- ! Nouveau ! DVD "Killing Sharks" de Pat Corbitt et Gary J. Tunnicliffe (5
points)



Scores actuels :
Romainst : 11 points
Titoune : 4 points
Foxart : 4 points
Cachou : 4 points



π : 3 points
Docratix : 2 points
MaxLaMenace_89 : 2 points
Papa Tango Charlie : 2 points
Bruce Kraft : 1 point
Niko (de CinéManga) : 1 point
Squizzz : 1 point
FredMJG : 1 point
Marc Shift : 1 point
Cinédingue : 1 point



Maitre Savalle : 1 point



 



Bonne chance à toutes et à tous !































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mardi 25 septembre 2012

[P.S. # 01] Captive / Dirty Dancing / Quelques heures de printemps



dirty dancing
Parce qu’il n’y a pas que « Camille redouble » et « Killer Joe » dans la vie, voici enfin une rubrique où je pourrai vous parler d’autres films,
sur lesquels l’envie (ou le temps) de m’étendre n’était pas aussi évidente… Pourquoi « P.S. », me demanderez-vous ? Eh bien P.S. parce que « Phil Siné », j’ai envie de dire, mais P.S. aussi parce
que « Post Scriptum », tout simplement… C’est un peu les « Post Scriptum » de « Phil Siné », finalement : les films sur lesquels il fallait vous dire un truc, sans pour autant tergiverser pendant
39 lignes ! Rien à voir, donc, avec Paulo Sorrentino, Petit Suisse, Play Station… et encore moins avec le Parti Socialiste.

Il ne vous aura pas échappé cette semaine que le film culte de toute une génération de jeunes filles en fleur et de garçons sensibles était ressorti en salles. Le succès de « Dirty Dancing » à la fin des années 80 surprit véritablement tout le monde et consacra même
le bellâtre Patrick Swayze (eh oui, encore un « P.S. » !) Mais si cette romance musicale et sirupeuse paraît a priori fort idiote, c’est plus fort que nous, on ne peut pas s’en passer ! Même à
Télérama (n°3271) ils n’en peuvent plus : « Derrière la façade kitsch ou la nostalgie des années 1980, se cache un universel récit d’initiation. Mais si : « Dirty Dancing » (ou, selon le titre
évocateur choisi au Québec, « Danse lascive ») raconte rien de moins que l’éveil du corps à la sexualité ».

Côté cinéma français, Stéphane Brizé déçoit, voire énerve carrément (pour ne pas dire qu’il nous les « brize » ?), avec ses « Quelques heures de printemps »… Si le film commence pas mal, en
devenant même presque drôle à travers la situation ridicule de ce quadra obligé de revenir vivre chez sa mère à sa sortie de prison, il se poursuit avec lourdeur sur la maladie puis la mort
assistée de la mère… Quel ennui ! Et quel manque d’ambition ! Sans compter que le ridicule ne tue pas, paraît-il… même si le film se termine pourtant par la mort d’un des deux personnages
principaux ! (Enfin, je dis ça…)

Bon, et puis si « Captive » n’est pas aussi captivant que cela et que son
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cinéaste, Brillante « Ma. » Mendoza, n’est pas aussi «
brillante » que ça non plus, un film avec Isabelle Huppert n’est de toute façon jamais une perte de temps… La voir hurler à verse, les traits tirés et le teint blafard, c’est déjà impressionnant…
mais cette caméra qui ne s’arrête jamais de bouger, comme si elle cherchait tout le temps à tout montrer malgré l’impossibilité de l’entreprise, si elle peut se révéler un peu pénible sur la
durée, elle parvient néanmoins à capter des scènes et des émotions absolument incroyables et paradoxales sur la vie d’otages auprès de leurs ravisseurs, sur plus d’un an et en pleine forêt…
Bluffant !

P.S. : Dans le numéro 3 de la revue SoFilm (septembre 2012), des révélations incroyables sur « la vraie vie des rats de cinémathèque », avec pas moins de
deux pleines pages sur « Plastic Man », un cinéphage fou que tout cinéphile parisien a forcément croisé un jour ou l’autre, dont on apprend à peu près tout, comme par exemple qu’il s’appelle
Jean-Paul… ça, par exemple !































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lundi 24 septembre 2012

[Critique] Mauvais sang, de Leos Carax



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(France, 1986)




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Après « Boy meets girl » réalisé deux ans plus tôt, qui imprimait déjà sur pellicule la marque d’un grand cinéaste, « Mauvais sang » finit de jeter les prémices d’une carrière que l’on devinait
alors foudroyante, celle d’un nouveau génie du septième art, capable de le renouveler et de le transformer en profondeur, malheureusement détruite en plein envol avec le projet suivant des «
Amants du Pont-Neuf », qui fit définitivement plonger Leos Carax dans la case des « cinéastes maudits »… Regrets éternels, surtout lorsque l’on (re)découvre « Mauvais sang » aujourd’hui : on
(re)tombe immédiatement sous le charme de sa grâce, de sa beauté, de sa personnalité unique, de sa poésie frénétique et de son magnétisme si puissant !

Démarrant comme un film noir un peu glaçant, « Mauvais sang » raconte le parcours de deux vieux gangsters, Marc et Hans, qui décident d’engager le jeune Alex (dit « Langue pendue »), fils d’un de
leur ami venant de décéder, pour lui proposer un « coup » risqué mais important. Aussi mystérieux que cela puisse paraître, ils veulent dérober la formule tenue secrète dans un laboratoire ultra
protégé, qui permettrait de venir à bout d’une nouvelle maladie émergente, le STPO, qui tuerait les amants qui « font l’amour sans amour »… Si l’on pense évidemment au SIDA, qui venait justement
d’être nommé ainsi dans le monde, il ne faut cependant pas voir le moindre côté réac à cette façon d’envisager ses victimes comme des copulateurs sans âme, mais y voir bien plus certainement les
fortes tendances romantiques du cinéaste ayant fait du cinématographe un art subtil de la captation du sentiment amoureux !

Car bien plus que cette histoire de gangsters, c’est la relation qui se tisse entre Alex et la belle Anna, qui est la jeune maîtresse de Marc, qui intéresse en priorité Carax… Le cinéaste filme
entre eux la naissance de l’amour avec un état de grâce absolu et foudroyant, au gré de séquences poétiques, dramatiques ou même humoristiques à se damner ! Les capacités de feu follet
saltimbanque de Denis Lavant dans la peau d’Alex sont un atout imparable pour le film : sa course folle dans les rues la nuit, comme un pantin désarticulé, au gré d’un travelling en plan séquence
sur une chanson de David Bowie, demeure un morceau de bravoure cinématographique autant qu’un moment de magie inoubliable… Les scènes où Alex s’improvise magicien devant le regard ravi d’Anna
sont elles aussi savoureuse. Quant à Anna justement, incarnée par la sublime débutante Juliette Binoche, son charme opère à tous les plans !

La mise en scène de Carax gagne avec « Mauvais sang » en maîtrise et en perfectionnisme… On y retrouve l’essence même du cinéma, à travers une jouissance audiovisuelle de tous les instants :
évocations du film noir, nombreux hommages aux fantômes du passé, des films burlesques muets à la nouvelle vague (on pense à Godard et à son « Pierrot le fou » pour sa façon de faire digresser
son récit en permanence), en passant par la poésie d’un Cocteau… mais ces références et ces citations ne sont pas posées à plat juste parce que ça fait beau, elles sont la substance vitale du
film et son ciment, ce qui lui permet aussi de s’ériger et de se construire, dans le but ultime de bouleverser encore et toujours l’art cinématographique en lui offrant de nouvelles formes, de
nouvelles matières… et de nouvelles audaces ! C’est un coup de génie, certes, mais surtout un grand film qui n’a pas fini de nous remplir d’émotions, fortes et sincères, même plus de 25 ans après
sa création…



Perspective :



- Holy Motors, de Leos Carax































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dimanche 23 septembre 2012

[Critique] Maniac, de Franck Khalfoun


maniac(Etats-Unis, 2012)



Sortie le 26 décembre 2012



Le Jour du Saigneur # 84




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En 1980, William Lustig signait un film crade et glauque au possible, qui fit une telle sensation qu’il en devint immédiatement culte dans le domaine de l’horreur : le bien nommé « Maniac » !
N’ayant moi-même pas vu l’œuvre originale, difficile alors d’en proposer ici une comparaison détaillée avec ce remake signé Franck Khalfoun. Il paraît néanmoins que s’attaquer à un pareil
classique relevait du pari bien risqué… Le résultat me semble pourtant a priori tout à fait honnête et encourageant.

Il faut dire que ce « Maniac 2012 » procède à un léger changement de direction par rapport au film initial. Il en conserve certes le pitch (un jeune homme légèrement psychopathe qui tue des
jeunes femmes pour les scalper afin de compléter sa chouette collection de chevelures), mais il en propose visiblement une représentation plus léchée, tant dans l’écriture du scénario (le script
de la version de 1980 semblait apparemment bien primitif) que dans une mise en scène plutôt stylisée… Mais le changement le plus évident demeure son parti pris de tourner le film en caméra
subjective, soit de nous faire voir jour du saigneurles choses à travers le regard même du tueur…
délire et audacieux, certes, mais tout de même très gonflé !

Si le dispositif permet une immersion efficace dans l’action pour le spectateur, voire carrément de créer un lien d’empathie avec le serial killer, son utilisation se révèle dans ce cas d’autant
plus culottée que l’acteur principal est connu, prenant ainsi le risque de le cacher aux yeux du public, dans la mesure où nous devenons ses yeux ! Au metteur en scène ensuite de trouver les
stratagèmes pour que l’on puisse quand même voir Elijah Wood le plus souvent possible, notamment à l’aide de miroirs où il aime à s’observer, voire parfois à un abandon du point de vue subjectif,
lors par exemple des scènes de meurtres où le tueur semble en pleine jouissance, mais la caméra se détache de son corps tout en restant pourtant un peu lui, comme s’il était finalement en train
de se regarder accomplir ses actes abominables, dans une dialectique éminemment égotiste et narcissique… Il paraît que Joe Spinnel, l’acteur du film d’origine, était un bloc un peu surhumain, ce
qui crée un contraste d’autant plus intéressant avec le choix ici d’un visage lisse et poupin comme celui d’Elijah Wood : la proximité du spectateur avec le tueur fonctionne alors d’autant plus,
aidée en outre par les flash-back sur son enfance atroce, celui-ci nous paraissant alors suffisamment attachant pour que l’on ait pour lui une forme de compassion… voire de compréhension ? Hum,
je m’égare…

Quoiqu’il en soit, si cette nouvelle version de « Maniac » ne marque pas particulièrement les esprits, ni ne fait preuve d’une originalité sans borne (faut pas déconner !), on la saluera pour son
efficacité générale et pour ses scènes de meurtres variées et même parfois… amusantes ! L’une des dernières scènes, avec une voiture qui renverse notre pauvre maniaque pour aller lamentablement
se planter dans un mur un peu plus loin, relève tout de même d’une facture de série B des plus distrayantes…



Perspective :



- Maniac à l'Etrange Festival 2012































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jeudi 20 septembre 2012

[Critique DVD] Louise Wimmer, de Cyril Mennegun



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(France, 2010)



Disponible en double DVD chez Blaq Out




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Louise, 50 ans, s’est séparée de son mari et sa fille a depuis longtemps quitté le foyer parental… Ce qui fait que Louise est toute seule, et qu’elle n’ose dire à personne qu’elle est désormais à
la rue, passant ses nuits dans sa voiture en bout de course et le reste du temps à chercher un endroit où manger ou se laver… Les ménages qu’elle fait chez les gens ou dans un hôtel ne suffisent
plus pour payer le minimum vital !

Bien au-delà du misérabilisme social, « Louise Wimmer », première fiction du documentariste Cyril Mennegun, est un film coup de poing sur le climat de malaise dans la classe populaire française…
Mais son film va bien plus loin, puisqu’il aborde aussi certains rapports sociaux quotidiens de plus en plus dégradés et de moins en moins civilisés entre les gens… Car dans son combat au jour le
jour pour garder une figure descente, Louise devrait encore remercier ou supplier les gens qui l’emploient ou qui lui cherchent un logement… Toujours s’incliner et s’humilier, alors même que l’on
fait tout ce que l’on peut pour s’en sortir… Mais « tout ce que l’on peut » ne suffit pas quand l’étau de la crise se resserre, en s’attaquant d’abord aux personnes les plus précaires !

« Louise Wimmer » émeut, bien sûr, en grande partie grâce à la force dramatique de son actrice principale, Corinne Masiero, qui porte le long métrage avec un jeu tout en contrastes… Elle traverse
un monde en pleine déshumanisation, où c’est désormais chacun pour sa pomme et où les amitiés – ou les amours – ne peuvent alors plus être que superficielles… Cyril Mennegun parvient à élever son
film au-delà du seul docu-fiction malgré la simplicité de son scénario et fait preuve d’un vrai regard cinématographique à travers le parcours de sa courageuse héroïne : le « happy end » final,
qui n’en est pourtant pas vraiment un, parvient notamment à une belle illusion sur la vie, signifiée par le sourire généreux et sincère qui irradie enfin le visage de Louise…



Suppléments présents sur le DVD bonus :



- 2 FILMS DE CYRIL MENNEGUN :
Tahar l’étudiant avec Tahar Rahim (2005, 52 min)
Le Journal de Dominique (2006, 52 min)
- AUTOUR DE LOUISE WIMMER
Entretien avec Cyril Mennegun et Corinne Masiero (23 min)
Entretien avec Cyril Mennegun (28 min)
Clap de fin































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mercredi 19 septembre 2012

[Jeu] Gagnez 10 codes VOD pour voir "Cosmopolis"


cosmopolisGrâce à UniversCiné, Phil Siné vous offre 10 codes VOD pour voir sur internet (en
vous
 connectant depuis la plate-forme d’UniversCiné) l'un des meilleurs films sorti cette année : Cosmopolis de David Cronenberg et avec Robert Pattinson...



Pour participer, il vous suffit d'envoyer un e-mail à univers cine3615philsine@free.fr avant le samedi 29 septembre 2012 minuit, en répondant à la question suivante : Quel est
l'auteur du roman "Cosmopolis", duquel le film de Cronenberg est l'adaptation ? Un tirage au sort désignera les 10 heureux gagnants à l'issue du concours.



Bonne chance à toutes et à tous !



[Jeu terminé : bravo aux gagnants !]































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mardi 18 septembre 2012

[Carnets de Festival] L’étrange festival 2012 : épisode 3


etrange festival 2012



Du 6 au 16 septembre, Phil Siné est à l’Etrange festival de Paris : il vous livre
ses découvertes et ses sensations d’un nouveau genre au travers de ces « carnets de festival »…

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Genre]

Antiviral, de Brandon Cronenberg
(Canada, 2012)




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Au sortir de la séance, difficile de bien savoir ce que l’on a pensé d’« Antiviral ». En digne héritier des premiers films de son père David, Brandon Cronenberg livre un film étrange et
inconfortable, mêlant la chair et le cérébral dans des images à la fois hypnotiques et perturbantes… C’est donc à la fois gêné et fasciné que l’on pénètre ce monde futuriste dans lequel les
dérives contemporaines auraient pris des proportions irréversibles. « Antiviral » est une réflexion sur la société de consommation qui s’étendrait aux êtres eux-mêmes et à leur intimité la plus
pathogène… Un film troublant et curieusement intelligent, qui ouvre à son auteur les perspectives d’une carrière prometteuse !

down_terrace.jpg[Focus Ben
Wheatley]

Down Terrace, de Ben Wheatley
(Grande-Bretagne, 2009)




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Deux petits escrocs tout juste sortis de prison cherchent à savoir qui les a dénoncé… Dans le doute, le règlement de compte se transforme en un jeu de massacre ! Débutant comme une comédie
socio-dramatique typiquement britannique, « Down Terrace » se poursuit en film noir parodique, où les cadavres s’amoncellent et les façons de tuer font parfois preuve d’un humour caustique… On
reconnaît ainsi la « patte » Ben Wheatley dès ce premier long métrage, qui n’est certes ni aussi abouti ni aussi maîtrisé que ceux qui suivront (« Kill List » et « Touristes »), mais qui fait déjà preuve d’une belle audace !

excision.jpg[Compétition Nouveau
Genre]

Excision, de Richard Bates Jr.
(Etats-Unis, 2012)




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Il n’y a sans doute qu’à l’Etrange Festival que l’on peut avoir la chance d’assister à une telle séance publique d’excision… et même si une jeune fille semble avoir eu un léger malaise en cours
de projection, sachez que le film de Richard Bates Jr. est en réalité un pur moment de bonheur ! (pour qui a le cœur bien accroché, certes…) Car si le film sait être dérangeant (entre les rêves
érotico-gore de la jeune héroïne et le finale d’une violence en suspension inouïe), il se révèle surtout une pure comédie déjantée, mêlant un regard décalé et marginal sur la société et une
énergie cinégénique foutraque et explosive qui mène parfois à la jouissance pure ! On se retrouve quelque part entre le cinéma de Gregg Araki et de John Waters, qui fait d’ailleurs une apparition remarquée dans
le film, tout comme Malcolm McDowell et l’ex-porn star Traci Lords… Un petit bijou de contre-culture acide et sanglante !

redd_inc.jpg[Compétition Nouveau
Genre]

Redd Inc., de Daniel Krige
(Australie, 2012)




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Gentil « torture porn » ludique à la « Saw », proposant des séquences gore nettement moins
réussies et perverses que son modèle mais néanmoins originales et plutôt sympathiques (tranchages de jambes ou de tête, splendide et visqueuse énucléation à la main…), « Redd Inc. » se pare
également d’un sous-texte sociétale sur le monde du travail, avec son histoire de patron qui retient prisonnier ses employés… La métaphore n’est pas fine, certes, mais elle reste pourtant
suffisamment cathartique pour s’en amuser volontiers… Sans être un film fondamental ou révolutionnaire, « Redd Inc. » appuie un peu là où ça fait mal et l’orchestration des jeux de massacres y
est sadiquement réjouissante !



The End !



Rewind sur l'épisode 1 : Insensibles / The Thompsons / Touristes /
Citadel



Rewind sur l'épisode 2 : Kill List / Iron Sky / Dead Shadows / Maniac































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lundi 17 septembre 2012

[Sortie] Would you have sex with an Arab ? de Yolande Zauberman



would you have sex with an arab
(France, 2010)



Sortie le 12 septembre 2012




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Phil Siné a eu bien du mal à évaluer correctement le film "Would you have sex with an Arab ?" tant sa projection fut perturbante... Il vous raconte cette séance très particulière dans une critique
complètement gonzo à cette adresse
!































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dimanche 16 septembre 2012

[Critique] Citadel, de Ciaran Foy


citadel(Royaume-Uni, Irlande, 2012)



Le Jour du Saigneur # 83



Film présenté à l'Etrange Festival 2012




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Premier film de Ciaran Foy, « Citadel » est un petit bijou d’angoisse et d’adrénaline ! Après avoir assisté impuissant à l’agression de sa femme enceinte, qui coûta la vie à celle-ci tout en
laissant le bébé survivre, le jeune père sombre dans la peur permanente, s’enfermant chez lui la plupart du temps et s’isolant seul avec l’enfant… A travers le calvaire du personnage, c’est en
réalité de sa propre agoraphobie, dont il prétend être guéri, que le cinéaste nous parle. Toute sa mise en scène prend alors des allures de catharsis personnelle, ne laissant presque jamais un
instant de répit, parvenant à faire perdurer d’un bout à l’autre du long métrage ce climat de stress et jour du saigneurd’insécurité, à travers notamment un sentiment d’enfermement constant et la description d’un environnement profondément ténébreux…

S’il est aidé par une gentille infirmière et un prêtre à moitié fou, c’est pourtant bel et bien par lui-même que le héros devra s’en sortir, comme si l’on ne pouvait finalement compter que sur
soi-même pour survivre en ce monde… Pour guérir de sa maladie psychologique, il comprendra bientôt que la seule solution est de se confronter directement à ses peurs les plus fortes. Il faudra
néanmoins qu’on lui enlève le bébé pour qu’il réagisse enfin contre les forces du mal qui semblent alors l’entourer… La grande qualité du scénario est de maintenir une certaine ambiguïté sur les
agresseurs : sont-ils des jeunes de banlieue viscéralement attirés par la violence ou des petites créatures infernales, chacun sera libre de son interprétation… Tout comme de savoir si ce que
l’on voit est la réalité ou un fantasme du réel, reflet de l’intériorité du héros.

Même s’il s’essouffle un peu sur sa fin, le film frappe d’ailleurs très fort grâce à cette incertitude entre le réel et le cauchemar… La tension psychologique peut ainsi monter à son paroxysme,
l’effet de suggestion tourne à fond et l’entrée dans la fameuse « citadelle » (l’immeuble où habitait le héros quand sa femme a été agressée et depuis abandonné aux agresseurs) prend des airs de
parcours mental. En s’endurcissant enfin – en devenant un homme ? –, le jeune père regarde enfin le mal en face, et c’est alors seulement que celui-ci se détourne de lui… Le prêtre avait raison
quand il lui disait que ces petits monstres « sentent la peur », et qu’il suffit de ne plus avoir peur pour ne plus être agressé ! Devenu suffisamment fort pour être un père protecteur – tout le
contraire de l’être pétri de névroses qu’il était au début du film – le jeune homme pourra alors retrouver et sauver son enfant…

Mais si « Citadel » se révèle une grande réussite sur le plan fantastique et horrifique, il ne néglige néanmoins pas une perspective de réalité sociale des plus aboutie… Car la banlieue qu’habite
le personnage principal, sorte de zone de non droit délaissée par les autorités et visiblement l’humanité toute entière, nous apparaît comme une représentation allégorique et excessive des
banlieues populaires, la citadelle prenant alors l’allure de ces horribles barres HLM qui poussent à la haine et à la violence… Il est assez curieux par ailleurs qu’à chaque fois que le
personnage cherche enfin à partir de son quartier pour le fuir, il en est empêché pour de multiples raisons : il rate le dernier bus d’une seconde, la nuit tombe… etc. C’est un peu comme si la
population de ces lieux d’habitation était prisonnière de ceux-ci, condamnée à cette vie-là, avec l’impossibilité physique – et financière ? – de la quitter… Sombre perspective sociétale,
condensée dans un film d’horreur intense !



Perspective :



- Citadel à l'Etrange Festival 2012































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