mardi 11 janvier 2011

Somewhere, de Sofia Coppola (Etats-Unis, 2011)



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Note :
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« Somewhere » semble construit comme une boucle temporelle des plus fascinantes. La figure du cercle, ou de la spirale, semble au cœur même de la mise en scène. Le film s’ouvre d’ailleurs sur un
plan fixe d’une partie de circuit automobile où passe et repasse la voiture de l’acteur Johnny Marco, le personnage principal, condamné alors à tourner en rond. Quand sa fille apparaît, c’est
pour qu’il l’emmène s’entraîner à la patinoire, où elle tourne elle aussi sans but dans un espace clos sur lui-même. Une façon comme une autre d’hypnotiser le spectateur, mais une façon surtout
de montrer l’ennui avec une force concrète et palpable…

Chacun semble ainsi enfermé dans sa bulle. Même les jumelles strip-teaseuses que Johnny fait venir dans sa chambre d’hôtel sont condamnées à tourner indéfiniment autour de leur barre métallique,
sans jamais pouvoir le rejoindre… soit parce qu’il confond leurs prénoms, soit parce qu’il s’endort ! Tellement ennuyé par le vide de sa propre existence, le personnage est en effet capable de
s’endormir au cours de ses ébats amoureux avec la première venue… L’ennui, c’est bien ça le sujet principal de « Somewhere » : Sofia Coppola, à travers sa mise en scène minimaliste et éthérée,
parvient à nous le montrer mieux que personne ! Mais il ne faut pas se tromper sur son compte : si elle excelle à décrire la vacuité de l’existence, tout spécialement celle de ses personnages des
hautes sphères qui découvrent que même la richesse ou les biens matériels ne sont pas synonymes de bonheur ou de bien-être, son geste cinématographique n’a rien de vain. Il propose au contraire
une beauté, une grâce et une philosophie profonde et touchante ! Avec une simplicité désarmante, elle nous fait partager la mélancolie ontologique des hommes, condamnés à errer dans ce « quelque
part », qui n’est rien d’autre que leur propre espace de solitude… une espèce de « nulle part ».

Si la relation de Johnny avec sa fille est éminemment émouvante, notamment à travers cette inversion des rôles constantes où l’on ne sait plus vraiment qui est le parent et qui est l’enfant, elle
n’est ressentie pourtant (et fatalement ?) que dans sa finitude. Les « bulles » de solitude de chacun se croisent pour un temps, mais elles devront finir par se séparer à nouveau. Sans compter
que même « ensemble », chacun reste dans sa propre détresse : parfois, des regards échangés remplacent les mots ou empêchent de dire ce que l’autre, au fond, ne veut pas entendre… Alors, les
larmes finissent par couler, mais l’autre peut-il faire autre chose que consoler ? Ou s’excuser, mais si possible lorsque l’autre n’est plus capable de l’entendre ?

Stephen Dorff sait créer une intimité désarmante avec le spectateur. On éprouve très vite une empathie totale pour son personnage, et ses pleurs lors de son retour à la solitude finiront par nous
bouleverser… Il y a une véritable fascination à le voir évoluer dans le vide d’un bout à l’autre du film : il nous fait ressentir ces éternités de solitude que nous vivons tous, à l’abri des
regards, dans nos petits espaces clos dans lesquels personnes n’est là pour nous répondre…

NB : A noter la petite apparition clin d’œil d’Alden Ehrenreich, le jeune frère de « Tetro » dans le film de Coppola père, dans le rôle d’un jeune acteur
débutant.



 



Mise en perspective :



- Lost in translation, de Sofia Coppola (Etats-Unis, Japon, 2004)































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14 commentaires:

  1. Trop drôle : tu emploies le mot "bulle" comme j'avais prévu que le feraient les "esthètes pugnaces" dans ma parodie de critique : http://chris666.blogs.allocine.fr/chris666-290103-somewhere.htm


    Ouarf ouarf. Pour ma part la mélancolie ontologique m'a complètement échappé.

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  2. Je suis un peu mitigé sur ce film. Si l'ennui est voulu, elle a finit par me gagner et par m'emmerder. Et bon, suivre de ces personnages où justement il ne se passe rien est à contre-coup. Comme
    s'intéresser à des évènements chiants. Autant suivre un gars dans la rue...

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  3. Hum oui...on est pas beaucoup à avoir aimé...

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  4. Revoir le film une deuxième fois permet d'en apprécier la valeur, passé la déception. Mais c'est vrai que Coppola fille loupe quelques marches ici, après trois très jolis films.

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  5. On comprend que Sofia Coppola y a mis tout ce qu'elle avait, un film treès personnel c'est certain. Mais dans le fond et le contenu c'est un vide sidéral ! Pouffe blonde ferrari et Wii sport
    voilà les 3 seuls ingrédients du film c'est court... Même le lien père-fille est superficiel, jamais approfondie. Après 3 chef d'oeuvres (3x4 étoiles pour moi) avec ce dernier film c'est la bulle
    de l'ennui profond - 0/4

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  6. franchement, Johnny Marco. Elle ne le dit pas Sofia, mais c'est un acteur porno spécialisé dans le café non?

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  7. Ce mécanisme de tourner en rond que tu décris d'ailleurs très bien ne m'a pas vraiment touché. Je suis resté hermétique à cet univers, sachant que Sofia Coppola nous avait déjà raconté
    ce genre d'histoire. Au bout d'un certain temps ça me lasse et j'aimerais bien qu'elle utilise son talent à autre chose. (Et moi aussi le passage du Masque m'a bien amusé).

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  8. Ouais ben moi j'ai surtout repéré Del Toro que Johnny Marco croise dans l'ascenseur...


    Et pourquoi ça ne m'arrive jamais à moi quand je le prends ?


    Chié

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  9. Ah c'était donc le gars de Tétro le jeune acteur qui me disait quelque chose. Film pourrave sinon, on l'a déglingué sur ASBAF http://www.asbaf.fr/2011/01/somewhere-lost-in-emmerdement.html

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  10. Nan c'est pas posse. Aucune de nous deux ne veut s'appeler Pinky ou Cindy ou Porky :D

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  11. Il y a tout de même une différence flagrante entre les sessions de pole dance et la sassion de patinage artistique : la mobilité de la caméra, qui fait toute la différence.
    Je me demande bien ce que peuvent signifier les petits clins d'oeil à Tetro...


    Bon, sinon, j'ai beaucoup aimé aussi et apparement, cela fait de nous une minorité.

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  12. tres beau film! comme tous ces autres d'ailleurs. c'est pop / mélancolique / joliment girly (celui-ci un peu moins que les autres peut etre). J'ai très envie de prendre stephen dorff dans
    mes bras et de lui faire un gros bisou pour le consoler.

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  13. Je rejoins à retardement la minorité des fans de "Somewhere". Il m'a semblé que cette fois Miss Coppola parvenait à la quintessence de sa thématique sur la vacuité des interstices de l'existence,
    ces temps de déconnexion où, lorsque on est mis face à soi-même, ce qui apparaît peut faire peur (cf la scène du masque en latex). Et tant pis si elle a un peu de mal à conclure son film, tous
    les moments de flottement mélancoliques qui précèdent sont pour moi parmi les plus chouettes qu'elle ait filmé.

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