mercredi 12 janvier 2011

After Hours, de Martin Scorsese (Etats-Unis, 1985)



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Note :
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Surtout, ne manquez sous aucun prétexte le plan d’ouverture d’« After Hours » : il s’agit d’un mouvement de caméra en accéléré et quasi subliminal sur de nombreux bureaux où travaille Paul
Hackett, le héros de cette histoire, sur lequel vient finalement se poser le cadre, enfin stabilisé. Rien que ce plan, aussi étrange que furtif, semble à l’image entière du film, que l’on a un
peu l’impression de traverser comme un rêve… Enfin, plutôt un cauchemar, si l’on se met à la place du personnage, qui va vivre après sa sortie du boulot ce jour-là une nuit aussi improbable
qu’agitée !

Après avoir rencontré une jeune femme dans un café, il va la rappeler un peu plus tard chez l’amie « artiste » où elle habite. Celle-ci va alors l’inviter à passer, alors qu’il est déjà presque
minuit : on sent donc que Paul n’a pas envie de finir la nuit seul dans son lit… Sauf que tout va commencer à aller de travers en empruntant un taxi complètement fou, dont la course trop rapide
va lui en faire perdre son unique billet de 20 dollars, que l’on verra s’envoler par la fenêtre pour retomber plus loin sur le trottoir. Chez la jeune femme, il est d’abord accueilli par
l’artiste complètement allumée, puis par sa « proie », sauf que celle-ci se met à dérailler tout autant… Cherchant à fuir, dans l’impossibilité de prendre le métro dont le prix du billet vient
tout juste de doubler (!), il se retrouve dans un rade, avec une serveuse ne pensant qu’à démissionner et un patron impulsif. Les évènements s’enchaînent ainsi dans un déferlement infernal, où
tout semble lié et imbriqué comme les couloirs d’un labyrinthe démoniaque, et Paul va bientôt revenir chez la première femme, qu’il va retrouver morte sur son lit, avant d’être accusé de vols et
poursuivi par une milice des rues accompagnée d’un camion à glaces ! Le délire est total et l’humour corrosif !

La mise en scène virtuose de Scorsese virevolte avec délectation dans ce désordre infini, qui ressemble à une descente aux Enfers débridée, au comble de l’irréalité… Il est d’ailleurs
particulièrement amusant de remarquer la présence du cinéaste dans le film, dans un habile caméo où on le voit braquer des projecteurs sur la piste d’une boîte de nuit où se passe l’action, comme
pour signifier sa position de maître absolu sur son œuvre !

L’atmosphère onirique du film laisse à penser que Paul est véritablement plongé dans un rêve duquel il tarde à se réveiller. Tout a l’air tellement « énorme », tout prend des allures de faux
semblants et un « tic tac » récurrent entre les séquences revient comme un gimmick rassurant pour rappeler qu’un réveil, pas très loin, ne va pas tarder à sonner pour sortir enfin le personnage
de son inconfort. Le film est en outre construit en boucle et finit par revenir à son exact point de départ, soit un autre « enfer », bureaucratique cette fois-ci, mais malheureusement bien réel.
Le réveil a sonné, la nuit est terminée, et Paul doit retourner travailler…

Une autre interprétation possible au film serait de considérer Paul par rapport à son métier, soit celui d’informaticien. Il serait alors la victime d’une sorte de « bug » à l’échelle de sa
propre vie jusque là trop ordonnée. Son nom même, « Hackett », pourrait alors être rapproché du mot « hacked », un « craquage » ou piratage informatique… Dès qu’il voudrait sortir des sentiers de
sa propre existence ultra « mécanique » (genre « métro boulot dodo ») – il souhaite en l’occurrence ici assouvir un désir de chair suite à une rencontre impromptue –, son microprocesseur /
cerveau ne comprendrait plus et se mettrait à défaillir… Une belle métaphore de la vie moderne ?

Une grande partie du plaisir que l’on prend à la vision d’« After Hours » (car il convient de ne pas tout mettre sur le seul talent de Scorsese) vient enfin de la présence d’une multitude
d’acteurs formidables, qui viennent nous rappeler par ailleurs l’univers du cinéma 80’s. Griffin Dunne, jeune bellâtre propret (et finalement peu vu au cinéma), excelle à jouer le mec « smart »
et innocent sur lequel le malheur s’acharne et qui s’efforce pourtant de toujours demeurer poli et courtois avec tous les fous qu’il croise sur sa route… La présence de Rosanna Arquette ou Linda
Fiorentino, pour ne citer qu’elles, finit de rendre le tout absolument délicieux. Un film formidable, en somme, qui m’avait en plus donné la première fois où je l’avais vu l’envie de lire le
superbe « Tropique du Cancer » d’Henry Miller…



 



Mise en perspective :



- New York, New York, de Martin Scorsese (Etats-Unis, 1977)



- Les infiltrés, de Martin Scorsese (Etats-Unis, 2006)



- Shutter Island, de Martin Scorsese (Etats-Unis, 2010)































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8 commentaires:

  1. Et oui, c'était l'époque où Scorsese était un grand réalisateur... Il faudrait que je le revoie.

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  2. Fait gaffe avec les spoilers quand même, ce serait bien de prévenir. Là du coup, tu m'as spoilé la fin...


     


    J'essaierais de le voir quand même.

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  3. C'était surtout l'époque où Scorsese se faisait tailler en pièce par la critique et ou ce film était très mal considéré. Je l'ai personnellement adoré tout de suite et je ne me lasse pas de le
    revoir...


    Ceci étant dit, même si Scorsese n'est pas forcément un cinéaste que je vénère, loin de là... On peut difficilement dire que ses derniers films soient moins réussi que ce After Hours... Les
    infiltrés et Shutter Island sont de vraies leçons de mise en scène.


    "c'était mieux avant" ? pas si sur... on en reparle dans 20 ans...

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  4. Ce film là avait reçu un très mauvais accueil... Mais c'est arrivé souvent à Scorsese... Aviator, A tombeau ouvert (que j'adore !), Les nerfs à vif, Kundun, Gangs of New-York et, dans une moindre
    mesure, le génial Les Infiltrés considéré - à tort - comme un Scorsese mineur... et - à tort également - comme inférieur au film dont il est le remake...

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  5. Bonjour, "petit" film de Scorsese que j'avais vu avec plaisir à l'époque. Scénario sympa en plus. Griffin Dunne était bien (dommage que l'on ne le voit plus). Bonne journée.

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  6. J'ai du le revoir l'année dernière et la sauce ne prend pas tout à fait sur moi ; je le considère comme un film mineur de Scorsese, bien que loin d'être désagréable !

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  7. After Hours fait partie de ces œuvres que je ne pourrais facilement pas oublier. On a droit à un scénario intelligent et à une histoire originale. De plus, le duo Dunne – Arquette
    est époustouflant.

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  8. tout à fait d'accord ! :)

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