mercredi 21 mars 2012

[Critique] Twixt, de Francis Ford Coppola



twixt.jpg
(Etats-Unis, 2011)



Sortie le 11 avril 2012




star.gif

star.gif


"Pour moi, un petit budget est une libération. Dans l’industrie cinématographique actuelle, tant de gens ont leur mot à dire qu’il serait laborieux de se mettre d’accord sur une histoire aussi
étrange et personnelle que celle de Twixt", explique Francis Ford Coppola pour montrer combien changer d’économie de production lui a permis de gagner en indépendance et en créativité au cours de
ces dernières années… Après « L’homme sans âge » et le sublime « Tetro », le cinéaste propose ainsi une nouvelle œuvre parfaitement hors
norme avec « Twixt », dont le titre semble une parodie de « Twilight » (ça commence un peu pareil et ça parle de vampires kitsch et
gothiques…) Mais bon, faut dire qu’il évoque aussi le nom d’une célèbre double barre chocolatée, qui forme comme deux doigts réputés couper la faim, et là ça n’a strictement plus rien à voir…
Plus vraisemblablement, « Twixt » pourrait faire allusion au jeu de société du même nom, peu connu sous nos tropiques, qui est un jeu de combinatoire abstrait assez simple mais qui multiplie les
possibilités : une façon pour Coppola de nous plonger au cœur d’un film littéralement en train de se faire, évoquant le principe même de la création comme un enchaînement de hasards et
d’opportunités…

De son propre aveu, le cinéaste a construit son film en partant d’un étrange rêve qu’il a fait lui-même et qu’il met en scène à travers le personnage incarné par Val Kilmer : cet écrivain raté
(condamné à répéter infiniment les mêmes histoires) fait ainsi lui-même un rêve, qui va d’ailleurs lui inspirer le sujet de son prochain roman, qu’il a tant de mal à écrire… C’est bien sûr le
difficile accouchement de l’œuvre, l’angoisse de la page blanche de l’écrivain ou du scénariste, que Coppola aborde avec « Twixt » ! Et cet étrange récit, partagé entre rêve et réalité et des
esthétiques finalement très contrastées, devient très vite fascinant à suivre au fur et à mesure qu’il se déroule à l’écran, justement parce qu’il nous mène de hasards en surprises, d’absurdités
presque bouffonnes en instants de grâce poétique… C’est un objet à la fois perturbant et passionnant que le réalisateur propose à son spectateur à travers « Twixt » : une forme d’expérience
nouvelle et unique, qui, à défaut d’être parfaite, attise tout du moins la curiosité et l’enthousiasme !

L’univers abordé par le film stimule en outre joliment l’imaginaire, particulièrement les séquences oniriques, presque irréelles, dans des monochromes bleu nuit d’où émerge ici et là quelques
couleurs plus vives… Avec une économie de mise en scène (sa caméra bouge relativement peu), Coppola nous emmène ainsi au bout de la nuit, pour un voyage au pays des rêves et du fantasme, peuplé
par une jeune fille fantomatique (Elle Fanning), des enfants morts, un shérif un peu taré (Bruce Dern), un jeune poète vampiro-gothique (Alden Ehrenreich) et même Edgar Allan Poe (Ben Chaplin) ! Si les contrastes de photographie entre les
différentes séquences ne sont pas des plus subtiles et si le film prend assez régulièrement des allures de série B parfaitement fauchée, sa force est justement d’assumer pleinement les grands
écarts qu’il opère et les ruptures de tonalité qu’il ose entre humour décalé ou scènes d’épouvante pures… Le grand Coppola semble alors en recherche constante dans « Twixt » et c’est peut-être
justement là son sujet le plus passionnant : à la recherche de son scénario, de ses personnages… mais également à la recherche de formes nouvelles, comme à travers cette utilisation très
particulière – et parcimonieuse – de la 3D, laissant le spectateur enfiler les fameuses lunettes qu’au cours de deux séquences seulement, d’une durée totale de projection en relief n’excédant
probablement pas les quinze minutes. Un contraste technique entre 2D et 3D revendiqué par le cinéaste, afin de donner une plus grande importance aux seules séquences les plus à même de se prêter
à une projection stéréoscopique… Décidément, le réalisateur du « Parrain » et d’« Apocalypse now » n’a pas encore fini de nous surprendre !



 



Autres films de Francis Ford Coppola :



- Conversation secrète (1974)



- Tetro (2009)































  • Plus










7 commentaires:

  1. Très curieux de découvrir ce retour de Coppola dans le fantastique, et ta critique me donne d'autant plus envie !

    RépondreSupprimer
  2. Un très beau film, en effet. J'aurais même tendance à le classer vers le "sublime" dans ta catagéorie d'étoiles

    RépondreSupprimer
  3. Ca fait plaisir ce retour de Coppola surtout que la plupart des critiques est bonne !


    Ca donne envie !

    RépondreSupprimer
  4. J'ai particulièrement apprécié le côté assumé tous les décalages (effectivement), il est clair que Coppola s'est fait plaisir et, dans un sens, si on accepte ce choix le film est un plaisir... Le
    seul vrai bémol (qui peut être de taille) c'est que Coppola offre un scénario alambiqué nourri de trop d'inspirations différentes... 2/4

    RépondreSupprimer
  5. Etrange objet en effet, entre émouvante confession intime et comédie pour orthodontiste (comme on peut le lire dans Telerama !). Un mélange d'attraction/répulsion pas si éloigné de l'idée qu'on
    se ferait d'un "film vampire", avec un très troublant goût de "reviens-y"...

    RépondreSupprimer
  6. exactement. En ce qui me concerne, plus j'y pense, plus il me plaît ce film. Je pense qu'il gagne à vieillir un peu (et de la part d'un cinéaste viticulteur ce n'est pas très étonnant).

    RépondreSupprimer
  7. oui je pense en outre que le film risque aussi de gagner à être revu...

    RépondreSupprimer