dimanche 8 janvier 2012

[Critique] La mouche, de David Cronenberg


jour du saigneur



La mouche, de David Cronenberg



(Canada, Etats-Unis, 1986)



Note :
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Remake de « La mouche noire » réalisé en 1958, « La mouche » en propose une relecture nettement plus scientifique et horrifique… Demeurant encore aujourd’hui l’un des films les plus célèbres et
populaires de David Cronenberg, il est toujours étonnant de constater que c’est à travers ce film d’horreur aux effets gore parfois répugnants que
mouche
le cinéaste est parvenu à réaliser un pur film d’auteur, réunissant
avec une brillante exhaustivité toutes les thématiques fondatrices de son œuvre passée et à venir… Avec une fascinante modernité (le film demeure encore aujourd’hui d’une efficacité visuelle
inattendue), « La mouche » nous plonge dans un huis-clos glaçant, dont le réalisateur parvient à exploiter tous les effets dramatiques avec une intelligence et une virtuosité purement admirable
!

Cette histoire d’un scientifique sur le point d’inventer la « téléportation » à distance (alors même que le film se déroule paradoxalement presque intégralement dans un seul lieu) permet
effectivement à Cronenberg d’exploiter ses propres obsessions jusqu’à des recoins insoupçonnés. D’abord parce qu’en faisant voyager des corps vivants entre ces « pods » reliés par une technologie
froide symbole de l’évolution humaine, il décrit cette assimilation entre la chair et la matière qui le fascine tant et qui a toujours aboutit dans son cinéma à des visions absolument
abominables, forme pour lui de l’avenir – pessimiste – de l’homme… Tout commence ainsi innocemment avec une puce informatique qui se plante par accident dans la chair du scientifique, pour se
terminer par cette fusion atroce du même homme avec un morceau du pod lui-même… Quand la machine et la chair ne font plus qu’un, le paroxysme de la folie humaine est alors atteint !

Mais c’est aussi à travers la fusion génétique de plusieurs organismes vivants que le film trouve son intensité dramatique. Lorsque l’homme de science Seth Brundle (excellent Jeff Goldblum dans
le rôle de sa vie !) teste sa technologie sur lui-même, une mouche se loge malencontreusement dans le pod qu’il occupe, et plutôt que de restituer séparément les deux organismes dans l’autre pod,
l’ordinateur choisit plutôt de les fusionner, condamnant alors le personnage à une lente transformation de son corps d’homme en insecte géant…

Si cette dernière thématique rappelle celle de « La métamorphose » de Franz Kafka, c’est avec surprise du côté de « La belle et la bête » que Cronenberg finit par orienter son film… Car contre
toute attente, le récit de « La mouche », bien souvent cité comme référence en matière de film d’horreur, se révèle aussi celui d’un grand mélodrame amoureux ! D’abord à travers son traitement de
l’idée de la chair et de l’organique : c’est en faisant l’expérience physique de l’amour que Seth, jusque-là encore puceau et solitaire, parviendra à comprendre le processus de la vie et
permettra à sa machine de faire voyager des êtres vivants, et plus seulement des objets comme c’était le cas alors… Cette expérience, il la doit à une journaliste (Geena "Thelma et Louise" Davis), avec qui il va vivre une vraie relation amoureuse en
parallèle de ses expérimentations scientifiques. Mais là où « La belle et la bête » montre un monstre s’humaniser au contact d’une belle et généreuse jeune femme, « La mouche » procède exactement
à une situation inverse : le corps désirable et athlétique de Seth se transforme en horrible corps d’insecte, ce qui rend paradoxalement la journaliste plus attachée à lui, touchée certainement
par son terrible sort… Une étreinte entre elle et la créature confère au film une intensité dramatique bien plus émouvante que leur histoire d’amour naissante et parfaitement « traditionnelle » à
laquelle on assistait au début du film. Cependant, c’est en devenant « bête » que Seth se met à ressentir des instincts purement animaux et comprend qu’il met en danger la vie de celle qu’il
aime… dont il doit alors se séparer : « La mouche » se révèle alors contre toute attente comme un drame bouleversant, à faire pleurer dans les chaumières !



Autres films de David Cronenberg :



- Chromosome 3 (1979)



- A Dangerous Method (2011)



- Scanners (1981)































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4 commentaires:

  1. Tu es allé le voir en version restaurée au Grand Action ? J'y suis allé il y a 15 jours, c'était beau à voir !

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  2. Ah ! Moi j'étais un peu en retard, je ne l'ai vu que le 27 décembre ^_^

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  3. Quel claque ce film. Et en effet - perso je ne m'y attendais pas du tout à l'époque - le final est littéralement boulversant. Nous faire pleurer face à une mouche humaine en bouillie toute
    dégeulasse, j'applaudis Cronenberg des deux mains.

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  4. c'est clair que la scène est super forte, à la fois touchante et dégeulasse... fallait le faire ! :)

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