lundi 16 janvier 2012

[Critique] Crave, de Charles de Lauzirika



crave
(Etats-Unis, 2011)



Le Jour du Saigneur # 95




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Premier film de son réalisateur, « Crave » explore avec un vrai plaisir la voie de la folie, celle de son « héros », qui navigue constamment entre fantasmes et réalité… Aiden est un type banal et
sans intérêt, qui passe son temps à photographier des scènes de crimes urbaines auxquels un ami flic veut bien lui donner accès… Etre pleutre et pusillanime, il se fantasme en héros adulé de
tous, qui règle leurs comptes à tous ces connards que l’on croise quotidiennement en ville : jeunes en bande qui harcèlent une jeune fille dans le métro, petit malfrat qui fait un casse dans une
épicerie… ou parfois plus simplement un type qui déblatère un monologue inintéressant et horripilant qu’on voudrait bien faire taire ou une vieille qui nous pousse avec son caddie à la caisse du
supermarché. Le film réussit brillamment à mettre en scène le décalage savoureux entre ce que le héros rêve de faire dans chacune de ces situations, puis ce qu’il fait vraiment, c’est à dire à
peu près rien…

« Crave » possède un humour formidable, notamment dans cette dichotomie, symptomatique finalement de la dualité et du caractère skyzophrène du jour du saigneurpersonnage principal. Les applaudissements qu’il reçoit après ses actes de bravoures fantasmés sont savoureux, et les débordements gores qu’il
imagine demeurent joyeusement cathartiques (exploser la tête d’un type assommant à la masse, découper l’ex de sa petite copine à la tronçonneuse…) Mais lorsque la réalité se remet fatalement en
place, la tristesse de la désillusion reprend le dessus, rendant finalement le long métrage profondément émouvant. Au-delà du portrait désespéré d’une solitude amère et d’un immense besoin
d’amour inassouvi (après tout, n’est-ce pas à cela qu’aspire fondamentalement Aiden ?), on finit d’ailleurs par s’attacher au héros, malgré ses mauvaises pensées (mais qui ne les a jamais eu, au
fond ?) ou malgré les actes atroces et immoraux qu’il finit par commettre… Etrange paradoxe, qui nous rend nous-mêmes skyzophrènes et complices de sa réalité altérée !

Dans sa description de ce personnage rendu fou par la désespérance et la noirceur de la ville, mais d’une folie justifiée par des intentions en partie recevables, le film de Charles de Lauzirika
rejoint finalement un autre film mythique : « Taxi Driver » de Martin Scorsese, auquel il semble régulièrement faire référence, autant dans l’esthétique de la ville que dans les monologues
intérieurs d’Aiden (hilarant, d’ailleurs, lorsque des mots affreux qu’il croyait seulement penser lui échappe par inadvertance devant les autres)… Ici, une forme d’humour noir prend bien sûr le
dessus, mais le trouble que l’on éprouve devant le héros rejoint celui que l’on pouvait avoir à l’égard de Travis (Robert DeNiro), le chauffeur de taxi aux propos inacceptables et aux actions
violentes, mais qui agissait finalement pour protéger une forme d’innocence, incarnée alors par la débutante Jodie Foster. A la fois déstabilisant et réjouissant, « Crave » demeure néanmoins
ancré dans le film de genre, avec en lui de vraies audaces visuelles et narratives !



Crave au PIFFF 2012































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