samedi 21 janvier 2012

[Critique] 4h44 Dernier jour sur Terre, d’Abel Ferrara



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(Etats-Unis, France, Suisse, 2011)



Sortie le 19 décembre 2012




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Tôt le matin, à 4h44 très précisément, toute forme de vie sera détruite sur la Terre… L’humanité est prévenue et Abel Ferrara livre sa vision de la fin du monde, en filmant ces dernières heures
avant que tout ne s’achève… Pour cela, il fait précisément le choix contraire de tous les films apocalyptiques que l’on a pu déjà voir au gré de l’histoire du cinéma, entre film catastrophe avec
héros increvable façon « 2012 » et film de survie en milieu zombie façon « 28 jours
plus tard ». Plus dans la veine d’un Lars Von Trier avec « Melancholia », il saisit la
voie de l’apocalypse intime, en préférant s’isoler dans les derniers moments de vie d’un couple un peu bobo, comme il y en a tant dans les grandes villes du monde entier…

Rien de spectaculaire, donc, dans son « 4h44 Dernier jour sur Terre », mais une superbe mélancolie qui coule sur les corps et saisit les visages… Il y a comme une logique touchante dans le
comportement des personnages que l’on suit à l’écran : c’est avec une délicate simplicité qu’ils passent leurs derniers instants de vie, résignés à mourir… Appeler ses proches une dernière fois
pour leur dire adieu, faire l’amour avec la plus infinie tendresse comme si c’était la dernière fois (et c’est d’ailleurs la dernière fois !), peindre une dernière toile quand on est artiste… Par
ce geste, l’héroïne montre la nécessité de l’acte créateur, qui se fait souvent malgré soi et même, dans ce cas, si aucun public ne sera là pour admirer le résultat final… sinon nous, spectateur,
hypnotisé par le regard immense d’Abel Ferrara, qui n’en finit pas d’ouvrir l’œil et d’embrasser les destins, montrant avec intelligence tout un panel d’émotions et de réactions, souvent
saisissant !

Une fille déambule dans les rues en suppliant pathétiquement qu’elle ne veut pas mourir, un homme saute du haut d’un immeuble sous les yeux du héros, comme pour rester maître de son destin en
devançant la mort de toute façon inéluctable… Un jeune vietnamien vient livrer contre toute attente la commande alimentaire du couple à domicile : continue-t-il à travailler parce qu’il ne
maîtrise pas la langue et qu’il n’a pas compris la situation ? Moment troublant lorsque le héros lui permet de contacter sa famille sur son Skype, où l’image finit par se figer et le jeune homme
par s’incliner sur l’ordinateur… La toute puissance des images, de la technologie moderne, semble ici exaltée par la mise en scène de Ferrara : les écrans sont partout dans l’appartement des
héros, qui demeure d’ailleurs quasiment l’unique décor du film, profondément structuré en huis clos, tel un repli de l’humanité sur elle-même… Cette fin du monde deviendrait-elle alors une
métaphore dans l’esprit du cinéaste ? Pas si sûr tant il revient aux fondamentaux de l’homme face à la mort imminente : retrouver le contact profond avec l’autre et entretenir la flamme de
l’amour, plus que jamais ! La dernière image demeure joliment romantique, si peu familière avec l’univers si torturé du réalisateur…



Perspective :



- California, d'Abel Ferrara (vu par Nicole Brenez)



- Des films pour la fin du monde...































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3 commentaires:

  1. Je ne sais toujours pas ce que j'en ai pensé, de ce film... Pas les mêmes choses que toi de toute évidence et ça rend ta critique passionnante du coup! Je ne connais pas Ferrara mais j'ai quand
    même eu l'impression qu'il y avait aussi plein de petits messages ironiques en sous-texte tout au long du film, non ? Comme dans la scène que tu cites où le jeune homme embrasse un ordi dont on
    voit alors très bien la marque, par exemple... ;)

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  2. Assez d'accord avec cette critique. Ferrara propose une nouvelle façon d’aborder la fin du monde, à des années lumières des catastrophes spectaculaires du 2012 de Roland Emmerich ou de la beauté
    inquiétante du Melancholia de Lars von Trier. Ici, l’heure précise est connue d’avance, rien n’est plus à faire. Et les personnages piétinent et balbutient, incapables de trouver comment occuper
    ces derniers instants. Ma critique : http://tedsifflera3fois.com/2013/01/12/4h44-dernier-jour-sur-terre-critique/

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  3. oui ça change un peu... une vision plus réaliste, plus humaine de la fin du monde...

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