jeudi 4 mars 2010

A single man, de Tom Ford (Etats-Unis, 2010)

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Note :
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Peut-on survivre à la mort de son compagnon, quand on l’a aimé durant seize ans et que cet amour aurait pu visiblement continuer encore longtemps ? C’est en substance la question que pose le
premier film de Tom Ford en nous laissant suivre les errances et les errements de son personnage principal, qui n’est plus qu’un fantôme incapable de continuer à vivre depuis le tragique accident
d’automobile de son amant. Depuis l’annonce douloureuse de sa mort par téléphone et le refus de la famille du défunt de le voir à la cérémonie jusqu’à la tentative de suicide, en passant par des
flash-back du bonheur passé, Colin Firth incarne à merveille cet « homme seul » et désespéré… Tout le film est construit comme une balade douce et mélancolique dans son délitement intérieur : le
langage utilisé n’est pas celui de la chronologie ou de l’action, mais plutôt celui de l’éclatement temporel et de la contemplation…

Tom Ford signe ainsi un film hautement esthétique, d’une beauté et d’une grâce visuelle absolument sidérante et fascinante. Il fonde la structuration de ses images sur la variation et la logique
affective… On est dans le registre de la sensation et de l’émotion, et l’on peut dire en cela que « A single man » est un pur plaisir des sens ! La mise en scène semble tendre à mettre chacun de
nos sens en éveil, qu’il s’agisse de l’ouïe, de la vue… ou pourquoi pas, même, de l’odorat ! George (Colin Firth) sent en effet à plusieurs reprises des odeurs précises, qui lui rappellent
d’ailleurs le passé et par là même un sentiment de bien-être, qu’il s’agisse de l’odeur du bois dans sa maison (« leur » maison, lorsqu’il était encore avec Jim), l’odeur d’un Fox-Terrier (Jim en
avait deux) ou l’identification quasiment subliminale du parfum que porte une secrétaire, à l’université où il enseigne… Le film aurait vraiment gagné à être projeté en « odorama », si seulement
les expérimentations de John Waters avaient fait florès.

Côté montage, des plans viennent parfois se glisser presque furtivement dans d’autres, comme autant de réminiscences dans l’esprit du héros. Cette façon de multiplier les cuts et les faux raccords
sur un même plan, démultipliant ainsi à l’infini la scène, nous place d’autre part dans le sentiment de durée ou de répétitions, ou à d’autres moments, notamment lorsque c’est le visage même de
George qui est ainsi coupé et démultiplié, dans l’idée du déchirement, de la peine et de l’éclatement en petits morceaux du cœur du personnage…

Côté image, ensuite, le travail sur la photographie est énorme et remarquable ! Les effets chromatiques multiples sont sublimes et en même temps tout à fait pertinents et signifiants pour rendre
compte, encore une fois, de l’intériorité de George. Les couleurs de l’image semblent ainsi parfois très vives, parfois très ternes, passant souvent de l’un à l’autre au sein d’un même plan ! C’est
flagrant par exemple lors du filmage d’une rose, dont le rouge s’intensifie soudain sous nos yeux ébahis… Ces flottements entre l’intense et le terne sont bien évidemment les reflets des émotions
vécues par le personnage, souvent au contact des personnes qu’il rencontre…

« A single man » explose finalement de sensualité. Une sensualité hyper léchée et rendue avec une poésie merveilleuse… Et ce qui étonne le plus, peut-être, c’est cette capacité qu’a le film d’être
presque en permanence dans le jeu de la tension sexuelle et paradoxalement de ne mettre en scène aucune scène d’amour. C’est la force et l’originalité d’un film construit en cercle impressionnant…
Tout au long du film, George résiste à la tentation charnelle, alors même que le monde ne semble fait que de « ça » : la bouleversante Julianne Moore dans un rôle de femme abandonnée, un garçon sur
un parking (la scène devant l’affiche de « Psychose » d’Hitchcock est d’une beauté renversante !), ou encore ce jeune étudiant qui n’arrête pas de lui tourner autour… incarné par le prometteur
Nicholas Hoult, que l’on avait vu précédemment dans la série britannique déjà très sexuée « Skins ». Mais l’homme incapable d’oublier son défunt mari ne peut se résoudre à le trahir post-mortem…
Seule la mort s’offre alors au veuf triste, et là encore le film sait surprendre dans une séquence complètement décalée, au cours de laquelle George essaie de se suicider, mais ne trouve pas la
bonne position, essaie de préserver les draps qui risqueraient d’être maculés, on l’imagine, par son sang… Et l’humour vient se greffer tout à fait naturellement dans ce film polymorphe et
admirable, qui marque déjà l’empreinte d’un grand cinéaste !






























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11 commentaires:

  1. Excellent c'est pour moi le meilleur film de l'année... pour l'instant !

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  2. super interprétation de l'esthetique du film, phil, t'es trop fort.
    sinon il y a quelque chose qui m'a quand même géné dans ce film, c'est que le personnage joué par Colin Firth ne m'a absolument pas touché. Cela vient-il de mon coeur de pierre ?Car quand même,
    l'histoire, sur le papier a de quoi faire tirer plus d'une larme.  En fait, je trouve que le film trouve son point culminant émotionnel (bouh c'est moche à dire ) lors qu'apparait Julianne
    Moore, qui joue un personnage vraiment vraiment touchant, contrairement aux autres.

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  3. Tu me donne envie surtout que j'ai des places gratos pour le film. A savoir si j'aurais le temps et si les ciné l'auront encore à l'affiche.
    Mais j'ai entendu dire que l'esthetique du film était très bizare (apparement, cela ne ta pas trop dérangé) et qu'elle empeche le spectateur de se plonger dans l'histoire.

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  4. que dire si ce n'est que j'ai ressenti la me chose que toi. un film d'une très grande maitrise, porté par l'esthétique et l'amour .
    Pas mal pour un mec qui en fait est styliste...

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  5. oui c'est drole le plan de la petite fille à la banque, où quelque chose dérange, effectivement, c'est peut etre dû à l'angle du plan et du costume de la fillette. De là à dire qu'on est là face à
    un trouble pédophile, je ne sais pas. ...Par contre ca ne m'a pas du tout marqué pour ce dont tu parles avec le petit garçon.

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  6. En effet je vois que tu es aussi enthousiaste que moi (plus même pour les effets de couleurs qui m'ont moins convaincue). Je te rejoins pour la sensualité incroyable qui se dégage de ce film, j'ai
    rarement vécu ça au cinéma.
    Pour le jeune Hoult, je viens de lire que le réalisateur a voulu lui donner un aspect d'ange gardien (d'où peut-être le fameux pull qui fait tant parler de lui) et c'est vrai que ça se tient comme
    idée.

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  7. Ben je ne sais pas encore. Il a quelque chose, c'est sûr, mais je n'ai pas encore basculé du côté obsessionnel de la force (en même temps, j'étais occupée par Colin Firth aussi).
    Je n'ai pas encore vu Skins, il serait temps, surtout que mes élèves adorent. Je vais essayer de mettre la main dessus. En tout cas, il semble bien prometteur comme acteur (enfin, s'il évite les
    "Twilight"...)

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  8. Excellente critique ! A la fois très joliment écrite et très juste. On y retrouve tout ce qui fait la beauté mélancolique et atemporelle de ce film.

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  9. oh ! thank about it mistter pierre afeu !! :)

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