vendredi 12 février 2010

Théorème, de Pier Paolo Pasolini (Italie, 1969)

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Note :
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Pasolini nous livre là un « Théorème » bien difficile à résoudre, mais intensément hypnotique… Tout commence par l’arrivée d’un homme aussi beau que mystérieux dans une famille de bourgeois oisifs.
Chacun s’ennuyait profondément jusque-là (Pasolini procède à une critique forte de la bourgeoisie en montrant leur inutilité la plus absolue) et va découvrir de nouvelles sensations, et surtout le
sens de la vie, au contact de ce nouvel élément mâle, incarné par Terence Stamp. Tout va passer par le corps entre lui et les différents membres de la famille : le père, la mère, le fils et la
fille. Quand ce n’est pas sexuel, le contact se fait au moins par le toucher, ne serait-ce que des jambes dans le cas du père, comme si le « visiteur » était en train de le guérir, comme par magie…
ou par miracle ! Sulfureusement charnel, le film décrit les rapports sexuels explicites entre l’homme et la mère ou entre l’homme et le fils. Audacieux et fatalement censuré à l’époque de la sortie
de « Théorème ». Surtout que la dimension mystique et religieuse est brandie avec ostentation. Même si Pasolini se revendiquait athée, il ne procède pourtant à rien d’hérétique dans son film : il
semble au contraire illustrer le mystère de l’incarnation de Dieu sur la Terre, par l’intermédiaire du corps du Christ Jésus… Et si cette incarnation passe essentiellement par la chair et les sens
les plus physiques et animaux, n’est-ce pas justement une analyse des plus fines et des plus vraisemblables que l’on peut donner de la descente du divin parmi les hommes ? A travers son personnage
de néo-Christ, le cinéaste ne fait rien de plus que représenter une citation biblique : « Et le verbe s’est fait chair… »

Rien n’ira plus cependant lorsque l’homme quittera la famille, soudainement livrée à elle-même et à un vide encore plus absolu qu’auparavant ! Car, comme le remarque la jeune fille, comment ne pas
se sentir encore plus vide une fois que l’on a connu le plein ? Chaque personnage va se réfugier alors dans une forme de transcendance, qui n’est peut-être rien d’autre qu’une folie intérieure : la
mère va rentrer en transe comatique (et terminera suspendue dans les airs au-dessus d’un toit !), le fils va se lancer dans la peinture… L’art, justement, comme un acte salvateur ! Avec ce long
métrage, Pasolini ne fait d’ailleurs rien d’autre que cela : de l’art ! Et « Théorème » peut être vu comme une lente et étrange rêverie poétique, une dérive en quête de sens, fatalement vaine pour
les hommes de peu de foi…






























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4 commentaires:

  1. Alors là... ton article m'héberlue...
    D'une part, je ne partage aucune de tes réserves et ce film est pour moi un pur éclair de génie...
    D'autre part... je ne vois VRAIMENT pas ce que la foi a à voir là dedans...

    Je vois plus ce personnage comme un ange noir que comme une figure christique.
    J'ai justement retrouvé le DVD hier et je pensais me le revoir car je ne l'ai plus revu depuis 20 ans...
    J'essayerais donc de comprendre ce que tu entends par là...
    Mais j'espère que tu lui re-donnera une chance dans 10 ou 20 ans !!!

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  2. J'ai un rapport très ambivalent avec ce film. Vu pendant mes études (encore un), j'ai été à la fois profondément ennuyée et plutôt fascinée par cette histoire. Encore maintenant, des années après,
    je ne saurais dire si je l'ai aimé ou pas.
    Mais je te rejoins pour le côté mystique. Je l'avais aussi perçu comme ça, et du côté "clair" de la force soit dit en passant.

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  3. Si je peux me permettre, vous commettez une petite erreur : il y a aussi la domestique dans cette famille, qui a un rôle très important. Après le départ de l'inconnu, la mère se jette à corps
    perdu dans des relations avec des hommes rencontrés dans la rue, et c'est la domestique qui se retrouve suspendue au-dessus d'un bâtiment, après avoir guéri miraculeusement un enfant, et celle-ci
    ne "finit" pas dans cette position aérienne puisqu'elle demandera à une autre femme de la presque enterrer dans le fossé d'un chantier, où les larmes de sa compassion pour le monde formeront une
    petite mare...

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  4. mais permettez-vous, surtout pour corriger mes conneries... je dis sûrement souvent n'importe quoi, mais les gens n'y voit d'habitude que du feu ! :)


    merci pour les précisions !

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