dimanche 14 février 2010

Gorge profonde, de Gerard Damiano (Etats-Unis, 1972)

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Note :
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Considérant manquer cruellement de « cul-culture » en matière de cinéma pornographique (en particulier hétérosexuel), je me suis dit pourquoi ne pas me rendre à l’absurde séance de samedi soir, proposant la projection de « Gorge profonde », considéré comme le second film porno sorti en salle aux Etats-Unis et ayant
considérablement défrayé la chronique en son temps. C’est effectivement un long métrage « historique », dont la carrière est largement bien plus intéressante que son contenu… Le film, complètement
fauché, a coûté 25000 dollars et en aurait rapporté quelques 600 millions ! Son audience eut une telle portée qu’il marqua profondément l’évolution des mœurs de la prude société américaine et
déclencha forcément la colère des ligues de vertu bien pensantes. Pour l’anecdote, il eut également un impact dans la politique de l’époque, puisqu’il donna même son nom au fameux informateur dans
le scandale du Watergate : « Deep throat »… Tout cela aurait pu être amusant et sans conséquence hier soir, si le film n’avait pas été présenté par John B. Root, pornographe hélas idolâtré et
surtout homme immonde et à la misogynie sans borne, n’hésitant pas à se moquer de la pauvre Linda Lovelace, l’héroïne du film, qui eut une existence bien triste et qui fut clairement exploitée pour
les besoins de « Gorge profonde ». Elle subit paraît-il un entraînement atroce pour maîtriser le principe de la « gorge profonde », cette forme de fellation consistant à avaler intégralement
l’organe mâle, si possible sans se faire vomir… Sur le tournage, l’« actrice » (enfin, vous comprenez ce que je veux dire…) aurait été forcée à exécuter certaines scènes et elle n’hésitera pas à
témoigner bien plus tard (avant de périr dans un affreux accident de voiture) : « À chaque fois que quelqu'un regarde Gorge Profonde, il me voit en train d'être violée. C'est un crime qui est en
train de se dérouler dans ce film ; j'avais un revolver sur la tempe, tout le temps ». Sachant cela, imaginez maintenant le John B. Root en question nous en parler comme d’une pauvre fille
mythomane qui servit de prétexte à toutes ces connasses de féministes pour mettre en accusation l’industrie du film pornographique comme une exploitation pure et simple de la femme. Le plus triste,
sans doute, c’est qu’il fut accueilli dans un tonnerre d’applaudissements par une assistance composée d’hommes, mais aussi de nombreuses femmes ! Quand l’absurde séance parisienne fait un hors sujet complet et devient une soirée douteuse et vomitive, c’est bien triste quand même…

Toutes ces réserves étant posées, on peut maintenant parler du film… Admettons d’abord qu’il est absolument médiocre et d’un ennui abyssale. Côté excitation, je ne pourrai pas trop témoigner (ça
m’a vraiment laissé ni chaud ni froid, si ce n’est la plupart du temps carrément dégoûté…), bien que j’admets que c’est finalement le but fondamental de ce genre de longs métrages… heureusement un
peu court quand même, une petite heure, mais qui suffit amplement ! M’enfin voir un mec boire du coca depuis un verre enfoncé dans la vulve d’une pauvre fille, je ne suis pas sûr que ça excite
beaucoup de monde… Du sexe frontal, donc, filmé sans imagination et de façon purement mécanique, avec des « acteurs » médiocres (qui n’en sont d’ailleurs pas, sans quoi ils simuleraient !), ce qui
est, n’en déplaise au soi-disant « génial » John B. Root, « roi du porno contemporain », le sort de la plupart de la production de ce type de cinéma… « Gorge profonde » se démarque cependant par sa
distance avec ce qu’il est en train de nous montrer, ce qui en fait d’ailleurs son unique intérêt « artistique ». On rit donc un peu à la projection du film, ne serait-ce qu’à cause de l’absurdité
assumée de son histoire : une fille ne parvient pas à avoir d’orgasme (même lorsque 12 gars lui passent dessus) et un médecin finit par lui dire que c’est parce que son clitoris est au fond de sa
gorge… Il lui apprendra alors à pratiquer la « gorge profonde » pour jouir, lui déballant son propre matériel pour s’entraîner, bien entendu… Les dialogues de la VF sont eux aussi assez marrants et
d’une préciosité complètement décalée. L’utilisation de la musique et de certains bruitages est ahurissante et avouons-le assez savoureuse : des tubes dégoulinants d’amour retentissent notamment
aux moments les plus opportuns… Soulignons enfin l’illustration drôlissime de l’orgasme, lorsque la jeune fille parvient enfin à l’atteindre, avec coups de cloches, feux d’artifice (d’artifesse ?)
et décollage de navette spatiale… wouhou ! On est dans le délire intégral, et heureusement, puisque sans ça on s’ennuierait ferme à la vue de ce film plutôt désespérant signé par l’inconnu Gerard
Damiano, qui deviendra par la suite un réalisateur culte dans le milieu de la « mafia » pornographique américaine…

Car il faut bien y revenir (on insistera jamais assez !) pour conclure : l’industrie du cinéma porno, c’est laid ! « Gorge profonde », comme beaucoup d’autres qui suivront, propose la plupart du
temps une image dégradante de la femme exploitée par l’homme, comme un pur objet de jeu sexuel… Quand on voit la pauvre Linda Lovelace peiner plus qu’il n’est supportable pour ne pas vomir en
pratiquant ses fellations monstrueuses à l’écran, on aimerait tout à coup que le film plonge dans le gore le plus insoutenable et qu’elle finisse par lui à arracher son pénis avec les dents à ce
salaud ! D’ailleurs, je me suis demandé à cet instant là pourquoi j’étais tellement passionné par le cinéma d’horreur, qui prône la violence, et carrément horrifié et révolté par le cinéma
érotico-pornographique, qui est pourtant censé parler d’« amour »… Suis-je un garçon trop sage ou trop coincé ? En réalité, je pense plutôt que le genre pornographique ne présente aucun intérêt
artistique, contrairement à ce que voudraient nous faire croire des personnages aussi obsédés que douteux que cette B. Root des familles… Là où le cinéma gore peut présenter un véritable intérêt en
matière de mise en scène ou de construction dramatique, le film cochon demeure généralement d’une platitude absolue, n’ayant pour finalité que le soulagement de son public de dégénérés frustrés ou
sadiques… Je ne dis pas que le cinéma porno ne peut pas être intéressant cependant, je prétends simplement que dans sa pauvreté actuelle, autant intellectuelle que politique ou financière
(interdictions et taxes à foison !), il ne l’est pas le moins du monde et peut même parfois être dangereux…






























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6 commentaires:

  1. Non, tu n'as pas tout à fait tort, sauf que dans un cas, on ne meurt pas on jouit...
    Je pense par ailleurs concernant la confiance et la performance... je parlerais plutôt de technique... et l'un n'empêche pas l'autre ! lol

    Mais je comprends parfaitement ton point de vue, et pour être tout à fait honnête je le partage plutôt...

    Sauf sur un point, concernant la simulation, les acteurs pornos simulent autant que n'importe quel acteur, je pense, sauf de temps en temps où une alchimie peut se produire, mais ça peut également
    arriver dans un cinéma plus classique.

    Je pense que Despentes avait vraiment l'ambition de mettre la pornographie au coeur du cinéma et qu'elle y est assez bien parvenu. Baise-moi est un film que j'aime beaucoup. J'ai lu qu'elle
    continuait de s'intéresser activement à la question et qu'elle ne desespérait pas de "remettre le couvert"...

    Peut-être finalement que l'espoir viendra des femmes, de ce coté là...

    Si je me souviens bien Benoît sur Laterna Magica avait fait un papier très intéressant sur le cinéma et la pornographie (9 songs, Intimité, Baise-moi, Breillat,etc...)
    Tu devrais trouver ça sur son blog:

    Laterna Magica

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  2. Je l'ai vu il y a TRES longtemps et j'avais trouvé ça con mais rigolo...
    JE suis nettement plus fan cependant de The Devil in Miss Jones ou Derrière la porte verte (hallucinant, celui là!)

    cependant, si tu ne l'as pas vu (j'avoue n'avoir pas ton papier, pas le temps, maintenant, ferait ça cet aprèm...) je ne saurais trop te conseiller l'excellent et passionnant doc Inside Deep Throat
    réalisé il y a quelques années !!!

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  3. quelle idée de voir ce film !
    en tout cas, l'industrie du porno est bien pitoyable !

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  4. A y est j'ai lu !
    Bon alors c'est sur que B.Root a au moins raison sur un point: celui du mensonge de Lovelace qui a tenté toute sa vie de se racheter une image en mentant tout au moins sur ce film. et aussi parce
    que tout de même, les films de John B.Root sont plutôt globalement moins pourrave que la production X mainstream, pour le peu que j'en ai vu sur le cable...
    Lovelace était parfaitement consentante et même ravie de tourner ce film, à l'époque... elle a été totalement dépassée par le succès du film et la renommée mondial de suceuse pro un peu
    encombrante...
    Elle était parfaitement consentante lors de ce Gorge Profonde et l'on ne peut pas décemment parler de viol à ce moment là...
    Que, par la suite, elle soit devenue de la chair à porno pour la mafia du porno, c'est sur, et c'est là que l'industrie pornographique, en effet agit comme une mafia, et d'ailleurs en étroite
    collaboration avec la VRAIE mafia... Alors, en effet, on peut supposer que Lovelace soit devenue autant une pompe à fric qu'une pompe à bite... et que l'on puisse alors vraiment parler de
    l'exploitation des femmes et de viol concernant Lovelace.
    Mais à l'époque de Gorge Profonde, il n'en était rien, la production en était quasi artisanale, les moyens inexistants, l'ensemble du casting totalement amateur et Damiano avait l'ambition réelle
    et, je crois, sincère, d'amener le Porno a devenir un genre à part entière et de lui permettre, à terme, de devenir une nouvelle fomre d'art, au même titre que le cinéma d'horreur, le polar,
    etc...
    C'est une intention qui me parait tout à fait louable, de nombreux films, depuis, ont montré des scènes très explicites de sexe non simulé et se sont avérés, pour certains, être des films de cinéma
    à part entière, je pense à Romance de Breillat, à Johan de Philippe Vallois, à Antichrist de Lars Von trier, à Baise-moi de Virginie Despentes et Coralie Thrin-thi... évidemment tu m'objecteras que
    ces films ne sont en rien des films porno et tu auras raison. On aurait pourtant pu imaginer, si Gorge Profonde n'avait pas été un tel raz de marée, que se dévellope un vrai cinéma
    pornographique...
    Malheureusement, le pognon, l'industrie et la mafia ont perverti les désirs de gens comme Damiano ou d'Artie & Jim Mitchell...

    mais c'est pour cette raison, cet espoir irréaliste et fou que ces trois films, Deep Throat, Derrière la porte verte et The devil in miss Jones, sont aujourd'hui si cultes... Parce que justement à
    leur petit niveau ils cherchaient à construire un nouveau genre, underground et novateur et qu'ils ont lamentablement échoué malgré leur enthousiasme en cette pleine période de libération sexuelle
    post 68.

    Par contre je comprends très bien que tu détestes ça ! lol

    Et puis j'admets que même si le film est très rigolo, il est aussi très mauvais !
    par contre j'ai un bien meilleur souvenir des 2 autres, mais je doute qu'ils te plaisent davantage... pour les mêmes raisons...
    Ces intentions ont tristement et TRES vite été perverties par le système mafieux...
    Quand à Lovelace, elle avait été engagée sur ce film justement en raison de ses incroyable facultés physiologiques...

    On peut voir ce film comme de la porno-pédagogie... non ?
    Personnellement, Linda Lovelace m'a tout appris ! lol

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  5. Ah bah, mon premier com n'a pas été publié... pas grave, j'y reviens globalement ( et longuement, sorry !) dans le deuxième...

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  6. Je n'ai jamais vu ce film (et n'ai pas l'intention de le voir, soyons sincères), mais on en avait parlé dans le cadre d'un cours sur les genres "paracinématographiques" si l'on peut dire (on y a vu
    le film de famille, les films artistiques, etc., et donc une séance sur le porno qui a amusé autant que gêné les étudiants - parce qu'il y a toujours des extraits à la clé). Je ne savais pas pour
    les conditions de travail de l'actrice mais, contrairement à Foxart, j'ai tendance à la croire si elle parle d'abus. Parce que l'abus n'est d'abord pas facile à reconnaître (c'est humiliant pour la
    victime d'en parler, en général justement à cause des réactions négatives qui suivent son "aveu") et que, désolée, mais bon, je ne pense pas connaître beaucoup de femmes qui prendraient un
    réel plaisir à l'exercice (après tout, quand on connaît le nombre de femmes qui utilisent leur doigts juste pour se faire vomir et quand on voit la
    facilité du procédé, imaginez avec quelque chose de plus "consistant" que deux doigts)(pardon, mais bon, c'est vrai aussi...).
    Je dois dire être assez réfractaire au genre pornographique pour ce qu'il comporte d'abus et d'images fausses. Par contre, je suis tombée par hasard sur un film porno d'art et essais (projection
    surprise les lundis dans mon ancien cinéma, on avait été prévenu que c'était un film érotique mais apparemment ils auraient eu besoin de revoir la définition d'"érotique"...). Bref, c'était "9
    songs" de Michael Winterbottom, qui n'était pas mal en soi mais je trouve le porno vite lassant. Du coup, je ne m'y frotte plus. En tout cas, j'ai entendu dire que le "Baise-Moi" de Virgine
    Despentes et son amie n'était pas bien filmé du tout, et a eu plus de succès pour son côté sulfureux que pour son côté cinématographique.

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