samedi 20 novembre 2010

My Joy (Mon bonheur), de Sergey Loznitsa (Russie, Ukraine, Allemagne, 2010)



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Note :
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Bon, c’est vrai, contrairement à son titre optimiste, « My Joy » n’est pas un film très joyeux… On y suit l’odyssée tragique de Georgy, un pauvre gars, au départ plutôt bon bougre, qui finira
pourtant par passer du côté obscur de l’humanité, vaincu par la noirceur du monde qui l’entoure et surtout l’enserre ou l’étouffe, devrait-on dire. Au début du long métrage, Georgy est un routier
sans histoire et plutôt conciliant, étant même prêt à aider son prochain malgré l’ingratitude de tous ceux qu’il rencontre sur sa route : il ne bronche pas devant la bêtise de deux agents de
police cruels qui veulent se faire mousser (pathétique et arbitraire vengeance des « sans grade » dans un système qui les écrasent), il essaie d’aider une (trop) jeune prostituée qui finit par
l’envoyer balader, et il se fait frapper et dépouiller par ceux à qui il propose de partager un repas… Noir c’est noir, et le cinéaste semble constamment asséner au spectateur qu’il n’y a
vraiment plus d’espoir : quand on croit que la situation ne peut pas être pire, le récit nous prouve qu’en fait si, tout peut être toujours pire ! Dans la seconde partie du film, Georgy est
devenu un quasi clochard mal rasé et visiblement fou, incapable de parler peut-être à cause du coup qu’il a reçu sur la tête… La fin du film l’amènera à commettre un acte de violence atroce et
gratuite, le faisant ainsi définitivement rejoindre les ténèbres que l’on croyait l’apanage des autres personnages : le dernier plan, le laissant marcher sur la route et doucement s’enfoncer dans
l’obscurité, est tout bonnement sublime !

A plusieurs reprises, le film nous fait perdre de vue son personnage principal, pour mieux nous entraîner dans un enchevêtrement de récits et de personnages des plus fascinants. « My Joy » trouve
là sa force et son identité propre, à travers cette écriture formelle à la fois déstabilisante et audacieuse… Sans compter que les récits dans lesquels le cinéaste nous embarquent décrivent avec
une vigueur sans concession un monde à l’agonie : ce monde de l’Est, éternellement pauvre et dépossédé, corrompu et violent, où l’on ne cesse de donner ou de recevoir des coups, gagné
inéluctablement par un égoïsme et un cynisme qui enveloppe et détruit tout sur son passage, n’est d’ailleurs peut-être que le symbole du monde des hommes dans sa globalité. Il ne semble plus y
avoir la moindre échappatoire à cette description pleine de fatalité et de désespérance de l’humanité, si ce n’est la mort, à laquelle il convient encore de penser avant même de mourir, en
achetant par exemple son cercueil de son vivant, pour qu’il soit au plus bas prix ou avant que celui qui peut le fabriquer ne meurt lui-même… La tonalité âpre et glaçante du film pourra en
refroidir plus d’un, mais « My Joy » demeure admirable dans ce style unique et envoûtant qu’il parvient à mettre en œuvre sous nos yeux incrédules : un mélange de beauté crasse et de grâce
corrompue !































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