jeudi 9 septembre 2010

Poetry, de Lee Chang-Dong (Corée du Sud, 2010)



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Note :
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Prix du scénario au Festival de Cannes cette année, « Poetry » s’attache à l’itinéraire de Mija, grand-mère courage qui s’occupe seule de son petit-fils délaissé par sa mère et qui doit encore
faire des ménages chez les gens malgré son âge avancé, parce qu’il faut bien gagner de l’argent pour vivre, même lorsque c’est pour vivre dans la pauvreté... Dès les premières images, on la voit
chercher un mot dans le cabinet d’un médecin : un mal la ronge peu à peu, mais elle ne le sait pas encore. Son parcours, ce sera aussi celui de sa maladie qui progresse, un Alzheimer qui lui fait
d’abord oublier certains mots, puis s’en prendra aux verbes, pour la conduire peu à peu aux portes de la disparition…

Les mots et les verbes, c’est ce qui lui manque, justement, pour composer de la poésie. « Poésie », c’est d’ailleurs le titre du film, très joliment trouvé. A côté de son labeur quotidien, dévoué
aux autres, entre un vieil homme dont elle s’occupe à domicile (et qui lui demande parfois un peu trop) et un jeune adolescent taciturne qu’elle a bien du mal à apprivoiser, elle se permet ainsi
le luxe de suivre un cours de poésie, dont le but est de lui faire écrire un poème… Progressivement, on la voit essayer de s’ouvrir au monde, de le regarder autrement, de biais ou d’en bas, de
demeurer en contemplation devant un arbre ou un fruit, de se laisser porter par la beauté du monde, à travers l’art…

Cette échappée poétique dans sa vie s’avérera très vite salutaire et salvateur, car autour d’elle tout va de travers… Son petit fils et ses copains ont abusé sexuellement une jeune fille à
l’école et celle-ci a fini par se suicider, en se jetant d’un pont. Se jeter à l’eau, comme Mija qui se lance et s’élance dans l’écriture d’un texte, dont l’inspiration tarde à venir… mais finira
bel et bien par éclore ! La fin du film est de toute beauté, le poème de la grand-mère s’égrenant vers après vers, d’abord par sa bouche, puis par celle de la jeune fille morte, sur des images de
nature apaisée… La poésie qui pousse sur la pourriture du monde, et qui finit peut-être par le sauver ?

Malgré la noirceur désarmante de l’histoire, la misère sociale environnante ou l’inconscience d’un viol collectif commis par une bande de jeunes gens apparemment « normaux », on retient surtout
une profonde douceur de la vision de « Poetry ». C’est parce qu’en suivant exclusivement la marche lente de Mija (sublime Yoon Jung-hee, grande actrice en Corée), le cinéaste nous laisse partager
son émotion et sa personnalité à elle seule et à personne d’autres ! Et cette émotion, c’est celle d’un personnage que l’on pourrait qualifier de pur et de beau, entièrement désintéressé et prêt
à tout pour réenchanter le monde et lui ajouter ne serait-ce qu’une touche infime de sensibilité et de fantaisie…



 



Mise en perspective :



- Mother, de Joon-ho Bong (Corée du Sud, 2010)































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5 commentaires:

  1. de ce beau film en forme de Haïku, on pourrait le comparer à une pêche. La douceurs de sa peau cache une acidité terrible. Là l'enveloppe de la réalisation (sans musique) dissimule parfaitement
    un sujet qui aurait pu apparaitre comme lourd et insoutenable.

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  2. Un haïku de deux heures vingt interminables, c'est pas vraiment ce que j'appelle la fulgurance de la concision.

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  3. Ca ne m'a pas paru interminable, et ce film a le don de hanter bien longtemps après le générique de fin, de par les implications qu'il engendre. Coup de coeur.

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  4. Presque tous... ;o) Oncle Boonmee suit le même parcours : une majorité de séduits, et un ou deux complètement réfractaires...

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  5. oh noooon !! tu es en train de me dire qu'oncle boonmee ne va pas conserver la 1ere place au prochain classement ?! :'(

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