mardi 28 septembre 2010

Les amours imaginaires, de Xavier Dolan (Québec, 2010)


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Note :
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Le deuxième film de Xavier Dolan, "Les amours imaginaires", dans les salles le 29 septembre 2010



(Re)lisez la critique de Phil Siné en cliquant ici



 



Voici la note d'intention du réalisateur à propos de son film :




À l’origine, je ne devais pas tourner ce film. Je revenais d’un road trip en compagnie de deux amis, Niels et Monia. Le voyage avait été particulièrement riche en péripéties, et de déserts arides
en pittoresques obèses, notre huis clos intensif avait fait germer l’idée d’un projet inspiré de notre triumvirat. C’est au cours de cette même odyssée kerouakienne que j’appris l’annulation du
film que je devais tourner en octobre (reporté pour cause d’argent et de temps, étonnement). Bien que victorieux de ma survie, je rentrai donc au pays bredouille.

La perspective de ne rien faire pendant un an m’horrifiait, et l’automne montréalais étant fécond en tournages de films, j’étais taraudé par d’incessants panneaux annonçant je-ne-sais-plus-quels
plateaux de cinéma. Persuadé de mon éventuelle mort substantifique, effrayé par le concept de la stagnation créative, je me mis en tête d’écrire quelque chose dans l’urgence. Or, début septembre,
je pris le train pour le Festival de Toronto. Devant le défilé irisé du Lac Ontario, je sortis mon ordinateur et écrivis le scénario des Amours Imaginaires. Je le peaufinai pendant le Festival et
sur la route du retour. Revenu à Montréal, j’avais entre les mains mon deuxième long-métrage. Ne restait plus qu’à trouver 600 000 $ pour le tourner. Bagatelle !

Marchant dans les traces que mes pas avaient laissées à l’époque de J’ai tué ma mère, je recommençai la ronde du jeune cinéaste famélique, suppliant vainement ladres potentats et faux mécènes de
donner corps au rêve, encore une fois. Je pensais naïvement que la gloire estivale qui m’auréolait ouvrirait à la volée quelques portes closes. Sachant que la vague se casserait un jour ou
l’autre, que le succès peut-être évanescent expirerait au terme de la saison, je voulais profiter du momentum pour recueillir les aumônes. Mais personne ne répondait à l’appel. Les quelques
hommes d’affaires approchés procrastinaient, harponnés par leur frénésie mégalomane, étrangers aux moeurs du cinéma. Le feuillage des arbres brunissait à vue d’oeil, et j’avais besoin de couleurs
chatoyantes. L’automne fuyait. Impatient, je sortis les quelque derniers maravédis qu’il me restait et donnai le feu vert pour démarrer la machine, convaincu, par une force intrinsèque insensée,
que l’argent viendrait tôt ou tard.

Et belote, rebelote ! Un an presque jour pour jour après le début du tournage de J’ai tué ma mère, extirpés du lit à des heures aurorales, et sous la dictature néronienne du bon gel agreste, nous
buvions un café infâme dans une forêt de Lotbinière, et je criais «Action !», au septième ciel, ravi. Le soir, de retour au dortoir - nous logions dans une ancienne habitation curiale
post-moderne reconvertie en gîte - je songeai à notre première journée, sentant bien que ce film, au final, n’aurait rien à voir avec J’ai tué ma mère. Mais je ne m’interdisais pas encore
radicalement, à ce moment-là, un mandat émotif, dense et écorché comme à mes débuts. Je n’avais pas encore décidé que ce film ne serait la suite de rien, ni la victime d’une comparaison
infériorisante. Je n’avais pas l’intention nette et définie d’une foncière différence ou d’un nouveau départ. Et pourtant, comme par magie, comme si l’inconscient collectif du plateau avait voulu
m’éviter l’écueil de la redondance, Les amours imaginaires se distingua de lui-même de fil en aiguille, imposant sa voix, son âme et sa couleur propres. Quant à l’argent, des investisseurs du
secteur privé (que j’avais rencontrés par l’entremise d’un ange-gardien) sortirent de l’ombre peu après le début du tournage, et sauvèrent notre mise. Ils nous donnèrent tout, et furent
littéralement les héros du film.

Aujourd’hui, avec le recul, étonné par tous ces concours de circonstances et surtout par la façon dont tous les éléments de l’univers se sont alignés pour que cette oeuvre existe à un moment
précis, je réalise qu’aucun autre film mieux que Les amours imaginaires n’aurait pu être mon deuxième film. Dans ce bonheur indicible de l’oeuvre complétée, je songe déjà à l’art en attente, à la
suite, à l’avenir.

Xavier Dolan



 



Mise en perspective :



- J’ai tué ma mère, de Xavier Dolan (Québec, 2009)



- Les amours imaginaires, de Xavier Dolan (Canada,
2010)
































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6 commentaires:

  1. Ce type me fait hurler de rire ! c'est un vrai poème sa profession de foi :p

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  2. Je me doutais que tu aurais aimé....coquin va!!!

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  3. c'est à l'image de ses films : bourré d'affetéries formelles pour masquer un vrai manque de fond et de substance

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  4. Que d'emballement ! J'y suis allée hein, totalement influencée par toi et bon oui c'est intéressant, et là où je te rejoins c'est que c'est drôle, j'ai éclaté de rire plus d'une fois
    et j'avais d'ailleurs un peu l'impression d'être la seule, comme si ça coinçait un peu tout le monde. C'est vrai que c'est un peu déroutant, mais diablement efficace, à la fois léger et
    très fort (les scènes finales de désillusion sont d'une cruauté...) Et ce Nicolas mais quelle tête à claque ! Et alors quand j'ai vu Louis Garrel à la fin, là encore ok c'est drôle mais
    j'espère que c'est de l'autodérision. S'arrêter là dessus c'est vrai que c'est bien vu, comme si tout ça n'était qu'un jeu...

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  5. Le film parle de cécité amoureuse, je pense qu'on l'a tous bien compris, et de toute la superficialité liée à cet attachement. Mais mettre en scène, ce n'est pas seulement recycler
    ad vitam eternam des ralentis élégiaques et des plans de micro-trottoirs (systématiquement recadrés) ! On peut traiter de l'ennui sans être ennuyeux. Son film manque de substance, et ne
    tient pas 40 minutes. Pasolini avait traité cette forme de folie aveugle de façon plus pertinente avec Théorême. Les qualificatifs de "jeune prodige" m'ecorchent : oui Les amours
    imaginaires
    sont baignés d'un flow agréable, oui c'est plastiquement raffiné, mais non, désolé, ça n'en fait pas un réalisateur de talent. Attendons le prochain pour voir !

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  6. Saluons le casting, l'amie jouée par l'incroyable Monia Chokris qui a pour moi tout d'une très très grande. C'est d'ailleurs les femmes qui sortent du lot dans ce film les seconds rôles n'étant
    pas en reste. Il y a juste Nicolas joué par Niels Schneider qui déçoit en bel éphèbe mais qui manque de talent dans le jeu pur, semble pas à l'aise et reste trop "inerte". Le point fort de Dolan
    reste la mise en scène avec des plans (Dolan en gros plan qui verse une larme sur l'épaule de son amant) et des scènes de grandes beautés (les ralentis sur le couple d'amis Dolan-Chokris) mais
    les dialogues sont aussi impressionnants de par leur intelligence et leur poésie, le tout ne manquant pas ni d'humour ni de mélancolie. Juste un petit bémol pour le montagenotamment avec les
    scénettes pleines d'humour mais pas vraiment incluses dans l'histoire. Néanmoins on frôle incontestablement le chef d'oeuvre. 3/4

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