jeudi 2 septembre 2010

Le soldat Dieu, de Koji Wakamatsu (Japon, 2010)


soldat dieu



 



Note :
star.gif

star.gif



 



Sortie nationale le 1er décembre 2010



 



« Le soldat Dieu », c’est Kyuzo Kurokawa, qui revient de la guerre sino-japonaise de 1940 atrocement mutilé, sans bras ni jambes, en véritable « homme tronc » ! Sur un pareil sujet, forcément
très fort et insoutenable, on connaissait déjà le « Johnny s’en va-t-en en guerre » de Dalton Trumbo, brillant pamphlet sur l’atrocité de la guerre. Si les deux films sont profondément imprégnés
d’anti-militarisme, la perspective sur l’horreur qu’ils décrivent diffère cependant, puisque là où Trumbo avait choisi de tout filmer en caméra subjective, en adoptant le point de vue du soldat,
Wakamatsu propose quant à lui de s’intéresser aux réactions de l’entourage et de la famille du soldat, en insistant pour beaucoup sur le personnage de la femme de Kyuzo…

On assiste ainsi au retour dans son foyer de cet homme qui a fait la guerre et qui en est revenu « broyé », dans tous les sens du terme : dépourvu de tous ses membres, il est désormais condamné à
être assisté en tout…C’est Shigeko, sa femme, qui se charge alors de pourvoir à tous ses besoins : boire, manger, pisser… voire même faire l’amour, Kyuzo ne cessant de réclamer. Il passe alors
son temps à dormir et à manger, pour ainsi dire à ne rien faire, devenu parfaitement inutile pour la société et une charge de plus en plus lourde à porter pour sa famille... Le traitement assez
frontal et sans concession de la situation rend le tout plutôt atroce, martelant haut et fort une lourde critique de l’instinct guerrier de l’homme en général, mais aussi de l’impérialisme de la
société japonaise… On sent vraiment une réelle critique de toute la propagande diffusée par un gouvernement qui sacrifie tout pour la guerre et qui parvient surtout à le faire accepter par ses
habitants, assez fous et aveuglés pour demeurer fiers de leur nation, même lorsque celle-ci les affame ! Les soldats reviennent morts ou mutilés des champs de bataille, ceux qui ne font pas la
guerre sont considérés comme des sous-hommes, mais peu importe, car c’est pour la grandeur du pays ! Le cas de Kyuzo est en outre très révélateur, car celui-ci a commis des atrocités pendant la
guerre, comme le viol d’une jeune femme : il est pourtant célébré en héros par son peuple ! Etrange paradoxe, mais c’est exactement cela, la folie de la guerre…

A travers le personnage de Shigeko, qui semble littéralement porter le film (l’actrice Shinobu Terajima a obtenu un prix d’interprétation au Festival de Berlin !), on observe pourtant peu à peu
l’aveuglement nationale se fendiller… Au retour de son mari, déjà, sa  première réaction (pourtant très humaine) est de le rejeter : elle fuit, refusant de croire que c’est encore lui devant
elle… Puis elle essaie d’assumer dignement son rôle de femme de « soldat dieu », dont elle doit être très fière pour tout ce qu’il a apporté à son pays ! Et peu à peu, on sent qu’elle décide de
ne pas demeurer soumise à cette situation, insufflant au film un étonnant élan féministe… Ainsi, son désir de se venger d’un mari, qui avant la guerre la battait ou lui reprochait de ne pas lui
donner d’enfants, va peu à peu germer dans son esprit et se révéler d’abord dans de petites humiliations qu’elle lui fait subir, puis dans des excès de plus en plus grand, finissant même par le
rudoyer violemment. Il faut voir comme elle décide de l’exhiber auprès des autres villageois, traînant son « soldat dieu » dans une charrette, bardé de toutes ses décorations de l’armée, afin que
tout le monde puisse l’admirer… Il y a là quelque chose de très fort et une façon presque perverse de se moquer d’une nation tout en exécutant ce qu’elle demande, mais dans l’excès !

La fin du film marque une libération : on semble célébrer la guerre dans la joie, même si le Japon a perdu, et le suicide du soldat libère à la fois celui-ci et la pauvre Shigeko… La mise en
scène de l’ensemble du film est magistrale : même dans les scènes simples du quotidien, Koji Wakamatsu parvient à insuffler une violence inouïe à ses images, notamment dans la teneur
psychologique des personnages et les tensions qui effleurent entre eux… Quant aux flash back de la guerre, ils sont aussi fulgurants qu’ils sont courts : le réalisateur se permet dans ces
moments-là quelques audaces formelles assez incroyables, n’hésitant pas à enflammer la pellicule !































  • Plus










Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire