lundi 6 septembre 2010

Le pont des arts, d’Eugène Green (France, 2004)



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Note :
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Dans « Le pont des arts », Eugène Green projette à la face du monde une œuvre d’un modernisme incroyable et absolu ! Non content de proposer un style bien particulier, il impose surtout une
nouvelle grammaire cinématographique, qui établit un étonnant paradoxe, celui d’être novateur tout en faisant semblant d’être passéiste… Il faut s’attacher en effet pour commencer à sa mise en
scène à la fois précise et jamais vue jusqu’alors : les acteurs déclament leur texte de façon presque figée et monocorde (ce que l’on peut nommer « d’une voix blanche »), le corps fixe et
scrutant souvent tout aussi fixement la caméra… Ils sont filmés frontalement, dans un formalisme volontairement appuyé et apprêté, pour dérouler leurs logorrhées avec beaucoup de préciosité, ne
manquant pas d’établir toutes les liaisons entre les mots, même là où il ne devrait pas y en avoir… Le tout pourrait ainsi sembler ampoulé ou hermétique, bavard et ennuyeux, peut-être même
pénible et d’un tout autre temps ; mais c’est finalement tout le contraire : on pénètre une œuvre nouvelle et stimulante, espiègle et malicieuse, souvent très drôle, et surtout d’une audace
insoupçonnée et d’une folle liberté !

Pour recréer cet univers baroque et ostentatoire, Eugène Green ne lésine devant aucun effet que l’on aurait pu croire anti-cinématographique, qu’il s’agisse de dialogues très théâtralisés ou de
plans parfois longs qui s’attardent sur du vide, mais le tout se révèle toujours passionnant ! Mais il s’aide et s’entoure surtout de comédiens tous aussi formidables les uns que les autres…
Natacha Regnier est la grâce incarnée dans le rôle d’une jeune chanteuse trop fragile ; Adrien Michaux et Alexis Loret sont deux jeunes hommes fascinants et passionnés ; Denis Podalydès est
hilarant de méchanceté dans le rôle d’un prof de chant tellement imbuvable qu’on le nomme « l’innommable » ; Olivier Gourmet est incroyable dans celui d’un metteur en scène hypocrite qui fait
croire qu’il auditionne de jeunes éphèbes pour mieux en abuser…

Il s’agit ainsi d’observer que si le film s’en tenait à sa seule forme, il serait déjà tout à fait passionnant ! Il parvient cependant à aller encore plus loin, en nous servant un fond
particulièrement riche et pertinent… En décrivant des milieux bourgeois au mœurs exagérément maniérés, « Le pont des arts » nous laisse apercevoir des personnages pathétiques, enfermés dans leurs
petites conventions étriquées et leurs certitudes ridicules. Ils ont beau tenir des discours immensément sophistiqués et soutenus, ils n’en demeurent pas moins qu’ils ne parviennent pas à
communiquer vraiment et à atteindre l’intériorité les uns des autres. A trop vouloir parler, les couples se séparent et l’art ne se fait pas, menant une jeune chanteuse à renoncer à la vie en se
jetant du Pont des arts… C’est en se passionnant pour la musique, et donc pour l’art, que Pascal va se mettre en quête de celle qui chante aussi divinement sur le disque qu’on lui a offert, qui
est en réalité Sarah, la fille qui s’est jetée du pont… Mais la rencontre aura lieu malgré tout, sur le fameux pont, rencontre entre un vivant et une morte, dans un moment de grâce et de
philosophie existentielle sublimée, montrant que la plus pure et la plus vraie des rencontres n’est peut-être pas celle qui passe par le langage et par la prosaïque réalité, mais belle et bien
celle qui se révèle par la sensation et par la rêverie, que l’on retrouve dans l’art, notamment…



 



Mise en perspective :



- La religieuse portugaise, d’Eugène Green (France-Portugal,
2009)































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