mardi 4 mai 2010

Life during wartime, de Todd Solondz (Etats-Unis, 2010)



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Note :
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« Life during wartime » est un joli titre pour un film, qui est aussi le titre d’une très jolie chanson, qui se réfère d’ailleurs directement à une réplique d’un personnage du film, assurant que
même en Amérique, on est toujours « en temps de guerre »… Dans la bouche d’une sorte de folle névrosée, ça peut faire sourire, pourtant, même si la guerre n’a pas lieu à coups de canons ou de
mitraillettes sous leurs tropiques, on peut aisément deviner les guerres intérieures que se livrent tous les individus mis en scène, tous traînant douloureusement leur mal être et leur difficulté
à exister…

Les histoires que nous conte le nouveau film de Todd Solondz sont très clairement atroces : une mère et trois filles complètement déphasées ou dépressives, aux prises avec des hommes abominables…
L’un est un pervers sexuel alcoolique ; l’autre est un pédophile ; l’une est hantée par le fantôme d’un ancien amant éconduit qui s’est suicidé ; l’autre parle à ses très jeunes enfants comme à
des adultes… Une petite fille qui grandit sous Lithium (ou avec des demi-Prozac, quand le Lithium vient à manquer…), un petit garçon qui a peur de se faire « enfoncer des choses » par un autre
homme, comme son papa, le fameux pédophile… Un jeune homme qui grandit tant bien que mal avec en mémoire les abus sexuels de son père, toujours le même… On pourrait ainsi poursuivre le catalogue
des horreurs qui parcoure le film. Solondz s’aventure dans le registre de la cruauté, en employant par exemple l’acteur Paul Reubens (inquiété pendant un temps pour atteinte à la pudeur et
pédophilie) dans un film aussi connoté, ou en faisant interpréter à Charlotte Rampling une femme qui « a été » mais qui n’est plus qu’une « épave » avec qui l’on couche contre un paiement en
retour…

Mais toute cette noirceur et ce désespoir qui plombent la vie de tous les personnages de « Life during wartime » sont contrebalancés par un traitement profondément ironique, quand il n’est pas
cynique ou nihiliste, qui rend la plupart des scènes assez hilarantes. Bien sûr, cet humour-là, en partie dans la vaine du fameux « humour juif », ne sera pas du goût de tout le monde, car il
pose un regard très brutal et finalement réaliste (malgré les exagérations volontaires, histoire de « grossir le trait ») sur la condition humaine et nos petites névroses quotidiennes… Mais
l’expérience peut quoi qu’il en soit s’avérer d’une drôlerie insoupçonnée pour qui sait regarder d’un œil suffisamment distancié.

A la base, le film devait s’appeler « Forgiveness », et puis Solondz s’est ravisé, de peur sans doute de donner à son film une interprétation trop unilatérale… Car en effet, en plus d’être une
chronique grinçante et caustique sur la société et sur la famille américaine, en plus de montrer des êtres complètement dégénérés et anormaux en quête touchante d’une normalité impossible, « Life
during wartime » pose aussi la question du « forget and forgive », comme le dit l’une des sœurs, en d’autres termes la question du pardon. Au gré des situations, les individus s’interrogent,
essaient de « pardonner et d’oublier » ce qui parfois relève de l’impardonnable ou de l’ineffaçable… La vérité est peut-être effleurée du bout des doigts lorsqu’un personnage que l’on pensait
demeuré ou mutique se met à prononcer des mots totalement inattendus, comme par miracle : si l’on peut pardonner et oublier, si l’on peut pardonner sans oublier, ne doit-on pas parfois oublier
sans pardonner ? Peut-être parce que lorsque quelqu’un a commis l’insupportable, qu’il est impossible de pardonner, la seule façon de s’en sortir reste l’oubli ou le refoulé… Quand le père
pédophile revient vers son fils aîné désormais adolescent, pour vérifier qu’il n’est pas devenu comme lui, des détails étonnants passent sous nos yeux : l’affiche d’un soleil dans l’entrée de la
chambre du jeune étudiant est cachée par une porte que referme le père derrière lui, porte sur laquelle sont affichées des planètes pleines de cratères ! Cachant ainsi la « lumière » à son fils,
le père pénètre à nouveau l’espace vital du fils et le condamne à la condition d’astre mort… En entrant, le père mange des bonbons qui traînent sur le bureau du fils, les mêmes bonbons dont il se
servait pour l’attirer à lui lorsqu’il était enfant. La présence des ces friandises nous laisse alors sur une incertitude : le fils est-il en train de prendre la voie du père ? Ou ces bonbons
sont-ils une simple présence du refoulé dans son univers quotidien ? Une façon de ne pas tout à fait « oublier » ?

Mais tout l’intérêt de « Life during wartime » réside aussi dans sa forme étonnante. En quelques plans, Solondz sait installer une atmosphère, et en quelques détails, il sait montrer les choses
sans les raconter verbalement… Des mouvements de caméra précis, des plans fixes exemplaires : le cinéaste film une sorte de banlieue pavillonnaire factice, aux décors de sitcom en carton-pâte…
Cette vision presque « sucrée » (comme les friandises qui précèdent un acte pédophile et incestueux…) fonctionne ainsi en opposition parfaite aux thèmes du film, à la noirceur exacerbée, comme un
dernier pied de nez astucieusement décalé d’un artiste à son public…



 



Mise en perspective :



- A serious man, de Joel et Ethan Coen (Etats-Unis, 2010)































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5 commentaires:

  1. Très belle plume pour cet article.

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  2. J'adore Todd Solondz et jusqu'à présent il ne m'a jamais déçu.

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  3. pas vu mais ça a l'air vraiment très bien: j'en prends bonne note !

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  4. cher Phil, ce film m'a déprimé. Pffff... j'ai passé une sale après-midi, ca oui! Enfin.... c'est un très bon film, le thème du "forgive and forget" est puissant, mais alors, si j'avais su !!

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  5. tu veux dire que tu n'étais pas tordu de rire comme moi ?

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