lundi 7 octobre 2013

[Critique] The Saddest Music in the World, de Guy Maddin



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The
Saddest Music in the World



de Guy Maddin



(Canada, 2003)




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Jugé comme le « chef-d’œuvre » de Guy Maddin, « The saddest music in the world » est surtout le film pour lequel il a obtenu le plus gros budget et – lien de conséquence presque évident – celui
qui se révèle le plus « normal » et lisible, capable en somme d’être un peu plus diffusé que ses œuvres habituelles, désespérément confidentielles… Mais même affublé d’un scénario plus ou moins
fluide et linéaire, qui raconte une histoire à peu près compréhensible par le commun des mortels, le long métrage conserve cette aura de mystère propre au cinéma de Maddin : ses audaces
visuelles, son aspect « retro documentaire », ses constantes expérimentations, sa poésie pleine d’étrangeté, sa tonalité mélancolique unique et cotonneuse…

Comme pour la plupart de ses films, la curiosité naît chez Maddin dès le synopsis, toujours loin des conventions du cinéma traditionnel… Ici, quoi de plus décalé et merveilleux (notez le paradoxe
dans le sentiment éprouvé) que ce concours de « la plus triste musique dans le monde », où viennent s’affronter toutes les nations à coups de chansons et d’instruments pour décrocher le prix de
25 000 dollars, véritable panacée en ces temps de crise, celle de la Grande Dépression de 1933… Le cinéaste sait nous intriguer en permanence dans un film où chaque image, chaque situation,
inspire un sentiment d’étrangeté, mêlant habilement un léger malaise et une fascination quasi somnambulique. On assiste notamment à une scène d’amputation absolument délirante par un médecin
ivre, à des rivalités musicales mais aussi amoureuses, ou encore à des bains dans une piscine pleine de bière (tout se passe à Winnipeg, au Canada, ville d’origine du cinéaste, pendant que la
prohibition continue juste de l’autre côté de la frontière, aux Etats-Unis…) On y voit également un personnage écouter ce que lui dit son ver solitaire (sic !), une femme cul-de-jatte affublée de
jambes en verre réputées incassables (et bien sûr remplies de bière elles aussi !) et de merveilleux acteurs prendre des risques magnifiques devant la caméra du réalisateur hors norme, d’Isabella
Rossellini à Maria de Medeiros…

Mais la surprise naît aussi de l’esthétique si particulière que Guy Maddin parvient à insuffler à ses films, incroyablement iconoclastes visuellement, mêlant joliment des techniques d’un autre
temps à des tentatives résolument modernes ! Ainsi, si le superbe noir et blanc du film, émaillé de quelques séquences en couleurs volontairement vieillottes, rend un superbe et vibrant hommage à
des pans entiers du cinéma d’antan, celui des origines, le cinéma muet, voire même un cinéma documentaire rappelant les « actualités » d’époque, des audaces de mise en scène nombreuses et
surprenantes permettent elles de rappeler en permanence la grande modernité du film et son originalité indiscutable… On remarque en outre une volonté constante de flouter les scènes, de gommer le
décor, de rendre l’image presque illisible, comme pour mieux stimuler l’imagination du spectateur, que Guy Maddin ne prend assurément jamais pour un imbécile à qui il faudrait tout expliquer,
contrairement à de trop nombreux réalisateurs qui font du cinéma depuis l’avènement du parlant…































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