samedi 5 octobre 2013

[Critique] La vie domestique, d’Isabelle Czajka



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La vie domestique



d’Isabelle Czajka



(France, 2013)



Sortie le 2 octobre 2013




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Emmanuelle Devos est une fois de plus fabuleuse dans le rôle que lui a proposé Isabelle Czajka dans « La vie domestique ». Son incarnation d’une « desperate housewives » contemporaine, tout en
finesse sociologique et psychologique, se révèle d’une acuité impressionnante de justesse ! Elle cristallise à elle seule l’ampleur et l’intelligence du projet de la cinéaste, qui passe par une
critique sociale précise et presque clinique d’une vie moderne tout en paradoxe et en hypocrisie… Au gré de petites scènes ou de petites phrases apparemment banales et sans gravité, la cinéaste
parvient à dire beaucoup sur le délitement de la société moderne. Ici une conversation de femmes au foyer sur la misère du tiers monde tout en savourant le confort de leurs vies bourgeoises, là
une maîtresse de maison qui pleure plus pour sa housse de canapé souillée que pour la mort de sa grand-mère… c’est une critique forte du matérialisme que propose « La vie domestique », tout en
jouant avec nous et nos paradoxes, transformant nos cas de consciences quotidiens en sketchs comiques assez pathétiques. Car l’humour est bien présent dans le film, même s’il est souvent jaune et
grinçant… A l’image de ces couples bourgeois qui s’achètent une conscience en croyant faire le bien : le mari qui a fait le choix de travailler dans une école publique pour « aider », la femme
qui propose un « atelier de littérature » auprès de jeunes lycéennes de bac pro en difficulté…

"Ce n’est pas la vie amoureuse, ce n’est pas la vie conjugale, ce n’est pas la vie familiale, c’est la vie domestique, c’est à dire comment justement les femmes finalement endossent de façon
insidieuse, sournoise, sans qu’on les y oblige forcément, toutes ces petites choses du quotidien, ces choses qui sont à faire. Les femmes deviennent alors leur propre bourreau." Cette « vie
domestique » que décrit Isabelle Czajka est bien le cœur de son long métrage… Elle est peut-être incarnée très précisément lorsque l’une des femmes au foyer explique qu’elle trouve ça moins
épuisant de tout faire toute seule que d’essayer de demander des choses à son mari… Un enfant qui traite avec légèreté sa mère de « boniche », un mari qui estime avoir fait sa part en donnant le
bain à un enfant sur deux alors que la femme prépare seule le dîner, un invité qui déclare à la maîtresse de maison à propos du repas qu’il est « simple mais très bon »… toute ces petites
saynètes qui défilent sous nos yeux en disent bien plus long que tous les longs discours sur la place véritable des femmes dans la civilisation. Car contrairement aux apparences, qui veulent
laisser croire que l’égalité des sexes est en marche, le film nous présente tout le mépris insidieux dont les hommes font preuve à l’égard des femmes, qui doivent en faire toujours plus qu’eux
pour être éternellement moins bien considérées…

Remplir la grande vacuité de l’existence par l’agitation de la vie quotidienne qui nous fait oublier notre propre inconséquence, voilà ce que montre à la perfection « La vie domestique », avec
une discrétion et une modestie vraiment agréable… Voulant d’abord adapter « La promenade au phare » de Virginia Woolf, la cinéaste s’est rabattue sur le roman « Arlington Park » de Rachel Cusk
pour mettre en scène cette atmosphère de vie quotidienne qu’elle recherchait… Mais la conscience et les sensations « à la Woolf » demeure constamment présente dans son long métrage, notamment à
travers le merveilleux personnage interprété par Emmanuelle Devos, permettant de rendre si proches et attachants ces individus, d’autant plus que le récit se déroule sur une seule journée, en
hommage à « Mrs Dalloway » de l’auteure féministe anglaise…



Perspective :



- D’amour et d’eau fraîche, d’Isabelle Czajka































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3 commentaires:

  1. J'ai adoré, j'en parlerai d'ailleurs certainement demain.


    Le truc surtout des petites piques sexistes mais aussi dans le couple, cette méchanceté présentée comme légère et humoristique quand chaque remarque piquante montre les problèmes sous-jacents
    qu'on essaie d'oublier ou de cacher. L'enfer domestique, voilà ce que ce film montre pour moi, je suis sortie de la salle en étant réellement heureuse d'être célibataire.

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  2. Complètement d'accord avec toi Phil ! Un film qui sonne très juste. J'ai été super touché là où certains y ont vu du vide.

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  3. mais qui a bien pu y voir du vide ? pff...

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