lundi 23 septembre 2013

[Critique] Ma vie avec Liberace, de Steven Soderbergh



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Ma vie avec
Liberace



de Steven Soderbergh



(Etats-Unis, 2013)



Sortie le 18 septembre 2013




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Jugé trop « gay » pour être diffusé sur les écrans de cinéma aux Etats-Unis, c’est sur le petit écran que « Ma vie avec Liberace » a pu être vu là-bas, via la chaîne à péage HBO… Il a fort
heureusement l’honneur des salles obscures sous nos latitudes, d’autant qu’il s’agit peut-être – si l’on en croit ses déclarations – du dernier film réalisé par Steven Soderbergh ! Si ce
réalisateur possède certes une carrière en dents de scie, alternant films mineurs et chef-d’œuvres, force est pourtant de constater avec cet ultime opus qu’il n’a visiblement pas encore tout dit
et qu’il garde une vigueur encore bien visible, faisant bien sûr déjà regretter sa décision…

Le premier intérêt de « Ma vie avec Liberace » est de remettre sur le devant de la scène le personnage « pivot » du film : ce « Liberace », un artiste aussi talentueux qu’exubérant, pianiste hors
pair au style que l’on pourra aisément qualifier de « pompier » ! De ses shows à l’intérieur de sa demeure, en passant par ses tenues vestimentaires indescriptibles, c’est un vrai festival de
strass, de kitsch outré et de paillettes éclatantes… Liberace, véritable star des années 50 à 70, est en quelque sorte l’ancêtre et la source d’inspiration de toutes les Madonna ou de tous les
Michael Jackson qui ont suivi ! Rien que pour avoir un aperçu de ce personnage haut en couleurs, d’ailleurs étonnamment peu connu en France, le film de Soderbergh vaut son pesant de diamants…

Mais derrière la vie de cette icône hors norme, on découvre une certaine réalité d’époque, celle de l’hypocrisie qui se cache derrière le verni : en tant qu’artiste, même la plus « folle » des
stars masculines devait taire et cacher à tout prix son homosexualité… et jusqu’aux années 80, où Liberace finit par mourir de cette maladie honteuse et stigmatisante qu’est le SIDA, chose qu’il
fallait absolument dissimuler aux médias… En gros – et c’est là l’étrange paradoxe que filme le cinéaste –, Liberace pouvait avoir l’air gay aux yeux de tous, mais surtout ne jamais le dire !
C’est ce que montre la scène dans laquelle un couple d’homosexuels qualifie Liberace de « folle tordue » à la table juste derrière la mère du pianiste lors de l’un de ses spectacles : la tête
outrée de la mère oscille entre le déni et l’incrédulité…

« Ma vie avec Liberace » fait d’ailleurs le choix intéressant de se focaliser sur l’histoire d’amour emblématique entre Liberace, alors âgé de presque 60 ans, et le jeune Scott Thorson, qu’on lui
présente un peu par hasard. Mais à défaut de véritable histoire d’amour, on assiste plutôt à une union constamment ambiguë, dans laquelle les motivations de chaque parti demeurent relativement
étrange… Si le désir purement libidineux de chair fraîche de Liberace se révèle bien visible lorsqu’il rencontre Scott, l’acceptation de Scott de « travailler » pour Liberace est montrée de façon
troublante : le jeune homme saisit-il simplement une opportunité plutôt rémunératrice et confortable ? Eprouve-t-il des sentiments sincères à l’égard de la star ? Les choses tournent encore plus
étrangement, voire dérangent, lorsque Scott accepte de se faire retoucher le visage avec la chirurgie esthétique afin de ressembler à Liberace et se faire adopter par lui… Quelle affection existe
véritablement entre les deux hommes : Scott trouve-t-il en Liberace le réconfort du père qu’il n’a jamais eu ? Liberace aime-t-il Scott parce qu’il croit voir un autre lui-même, plus jeune, à
travers les traits qu’il lui a redessiné ? Le culte du moi et de l’égotisme caractérise peut-être le mieux cette mystérieuse « attraction / répulsion » qui lie les deux personnages, par ailleurs
extraordinairement interprétés par Michael Douglas et Matt Damon, tous deux presque méconnaissables sous les visages en constante mutation de leurs rôles… Un film aussi passionnant que fascinant
!



Autres films de Steven Soderbergh :



Contagion (2011)



Magic Mike (2012)































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3 commentaires:

  1. Et bien ta critique m'a permis de comprendre ce qui m'avait échappé dans cette étrange relation entre les deux protagonistes principaux et de voir d'un oeil neuf ce film que j'avais attendu avec
    impatience pour ne finalement pas l'apprécier plus que ça sur le moment... mais c'était avant de te lire, merci ! Côté personnages secondaires sinon, petit kiff perso pour la présence de Scott
    Bakula au casting :)

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  2. J'ai moi aussi passé un très bon moment dans l'univers follement kitsch du King of Bling!
    Les prestations de Matt Damon et plus encore de Michael Douglas m'ont franchement bluffé. Je me demande si ce dernier pourra prétendre à une nomination (méritée) à l'Oscar vu le boycott
    du film par les salles américaines... What a shame!
    Dans l'idéal, j'aurais quand même supprimé quelques longueurs pour montrer davantage de scènes de show (la gloire que connut Liberace doit au moins autant à son talent qu'à la mise en scène
    baroquissime de ses spectacles ponctués d'interventions comiques) et que soit davantage appuyée l'hypocrisie ambiante de l'époque que tu évoques (le procès contre les tabloïds, le mariage de
    façade, la contre-expertise de l'autopsie ne sont que très brièvement mentionnés dans le film), on y aurait sans doute gagné en émotion...
    Mais néanmoins, je le répète, on passe un très bon moment à la découverte de ce personnage incroyable et de son histoire d'amour pleine de contradictions!

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  3. Oups, pardon d'avoir tardé à te répondre... Non, je n'ai pas revu le film après avoir lu ta critique car il n'y avait pas besoin, d'autant que je partageais sinon complètement l'avis de Mister
    Loup (oh, exactement ce que je m'étais dit aussi devant le film!) et donc ses quelques réserves, très bien exprimées ci-dessus. Avec ces éléments en plus (et la grosse moustache du personnage de
    Scott Bakula en moins ;), j'aurais pu me laisser tenter par une 2e proj...

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