jeudi 12 septembre 2013

[Critique] Cry Baby, de John Waters



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Cry Baby



de John Waters



(Etats-Unis, 1990)



Passez un été "en chanté" avec Phil Siné !




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Avec « Cry Baby », le cinéaste underground John Waters quittait pour un temps la marginalité de son cinéma déviant habituel pour signer une comédie musicale foutraque et plus « hollywoodienne »,
ou tout du moins plus conforme à un cinéma « mainstream » et « grand public »… Si ses fans ont alors crié à la trahison et à la compromission, le cinéaste s’est pourtant justifié ainsi : « Le
dernier défi qu’il me restait à relever, c’était de réaliser un succès hollywoodien tout en préservant mon sens de l’humour intact, ce que Cry-Baby a réussi sans conteste. » Bien sûr, on sent
bien à la vue de « Cry Baby » que son imaginaire demeure bridé par rapport à ses films précédents, mais il garde néanmoins une bonne part de la personnalité du réalisateur, qui y instille
d’ailleurs assez sournoisement un humour grinçant et des images retorses… Même la présence de Johnny Depp en tête de casting, qui était surtout vue comme une exigence de producteur, marquait là
la volonté de l’acteur d’enfin rompre avec son personnage de bellâtre insipide de la série « 21 Jump Street » et de casser son image de star lisse et propre sur elle !

Dans « Cry Baby », le décalage et la parodie sont de toute façon de rigueur, et Johnny Depp se moque justement de lui-même à travers ce personnage de Wade, surnommé « Cry Baby » à cause de la
petite larme qu’il verse au coin de l’œil quand il pleure (lors d’une séance de vaccination scolaire au début du film !), faux rebelle à quatre sous qui rappelle d’ailleurs le James Dean de « La
fureur de vivre » (le film sera clairement cité lors du duel en bagnoles à la fin). Cet univers de « bandes de jeunes » qui s’affrontent rappelle aussi les comédies musicales légères comme «
Grease » ou plus graves comme « West Side Story »… Sauf que tout
est ici perverti par la vision déjantée et débridée de John Waters ! Le film atteint alors des moments d’humour hilarants, à la folie assumée, notamment dans les affrontements entre les gentils «
fils à papa » bourgeois et les « rebelles » menés par Wade. Waters ose également filmer les jeunes gens toutes langues dehors lorsqu’ils s’embrassent généreusement, dans une scène parodiant avec
perversité les scènes de premiers baisers mielleuses des bluettes adolescentes habituelles… Et puis l’on retrouve aussi des scènes complètement « What The Fuck », quand un rat rigolard se moque
de Wade après lui avoir indiqué une fausse direction pour sortir de prison…

Mais l’humour se transforme aussi souvent en ironie dans « Cry Baby », et finit par s’accompagner d’une critique sociale plus proche de l’esprit du cinéaste… Son « héros » (un peu « anti » sur
les bords) est un orphelin dont le père est mort sur la chaise électrique, comme son tatouage sur la poitrine en atteste (aussi débile que ce soit, il est le fils d’un psychopathe qui se faisait
appeler le « poseur de bombe alphabétique », car ses cibles étaient des lieux commençant par chacune des lettres de l’alphabet…) De façon générale, on retrouve dans « Cry Baby » toute la
tendresse de John Waters pour les marginaux et les parias, pour tous ces gens rejetés par la société à cause de leurs apparences, leurs mœurs ou leurs identités « anormales ». Le cinéaste inclut
d’ailleurs dans le casting certains de ses acteurs fétiches, même si Divine, qui devait rejoindre l’équipe, meurt peu avant le tournage. Elle est remplacée par Kim McGuire dans le rôle de «
Gueule cassée », une fille horriblement laide et au visage déformé, véritable symbole de la vraie beauté selon John Waters. Une scène savoureuse la montre traversant un écran de cinéma qui
projette « L’étrange créature du lac noir » en 3D : les
spectateurs sont alors terrifiés, pensant que la créature est véritablement sortie de l’écran ! Mais l’une des images les plus virulentes mises en scène par « Cry Baby » demeure peut-être cette
représentation des orphelinats, où l’on expose les enfants en vitrines aux « clients » potentiels, comme s’ils venaient y acheter un simple chiot…

Quant à l’aspect de « comédie musicale » du film, autant dire que John Waters s’y donne à cœur joie, faisant revivre un pur esprit rock’n’roll des 50’s. La personnalité « rockeur » de Johnny Depp
fait mouche, avec tout ce côté rebelle et marginal que la musique portait avec elle à l’époque… La présence d’Iggy Pop se révèle quant à elle plutôt symbolique, et les numéros chantés se
savourent comme des vrais moments de plaisirs acidulés… Tout le monde se met alors à chanter et à danser, jusqu’aux prisonniers du bagne où se retrouve Wade. Ceux-ci lui servent alors aussi bien
de chœur que de boîte à rythme, leur travail sur des machines donnant alors lieu assez subtilement à des bruits accompagnant peu à peu la mélodie de la chanson… inventif et super chouette !































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1 commentaire:

  1. Un film culte pour moi, d'ailleurs après l'avoir vu j'ai monté mon propre gang des frocs moulants dans mon quartier et les coincés ont passé de sales quart d'heures :D

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