samedi 28 septembre 2013

[Critique] Blue Jasmine, de Woody Allen



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Blue Jasmine



de Woody Allen



(Etats-Unis, 2013)



Sortie le 25 septembre 2013




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Après ses détours touristiques – et futiles ? – par les grandes capitales européennes (« Minuit à Paris », « To Rome with LOL »), on craignait un peu de voir s’enfoncer la carrière de
Woody Allen dans la sénilité béate… mais non ! Voilà qu’il revient avec un long métrage à la hauteur du cynisme hilarant de « Vous allez rencontrer un bel et sombre
inconnu
», sa dernière vraie réussite en date… Car « Blue Jasmine » commence dans une atmosphère d’humour tranquille, certes un peu caustique (on reste chez Woody, tout de même), pour mieux
se poursuivre, au gré notamment de flash-back clés sur la vie de l’héroïne, dans une noirceur grinçante, où le rire devient jaune, voire carrément noir !

Soit Jasmine, dont la part schizophrénique se manifeste dès son prénom, qui n’est pas celui de son état civil, mais un qu’elle s’est choisi, comme si une seule identité ne pouvait lui suffire…
Soit Jasmine, donc, une femme qui voit sa vie s’effondrer : son mari – un escroc de la finance – s’est suicidé en prison après l’avoir laissée sur la paille et son fils a fui sans laisser
d’adresse… La voilà qui quitte le faste et le luxe dans lequel elle vivait à New York pour s’installer à San Francisco chez sa sœur (qui ne l’est pas vraiment – elles ont été adopté – ajoutant
encore aux jeux permanent des faux-semblants qui inondent le film). Ruinée, évoluant désormais dans un environnement modeste et populaire, Jasmine est condamnée à tout recommencer… mais en
est-elle capable ? et est-ce seulement possible ? Woody Allen insiste sur le contraste saisissant entre sa vie d’avant et cette nouvelle vie qui commence pour elle, une vie où ses anciens
comportements jurent forcément, créant ce décalage drolatique qui amuse tant au début du film…

Mais l’amertume et le sinistre de la vie ne vont pas tarder à tout emporter dans un film cruellement drôle, qui épingle les hypocrisies et les mensonges que l’on fait à soi-même, ne serait-ce que
pour continuer à vivre… Entre l’impossibilité d’oublier l’effondrement de sa vie d’avant – duquel elle est en grande partie responsable – et la fragilité de ce qu’elle construit dans sa nouvelle
vie – avec pour base de toujours masquer sa vérité intérieure aux autres, autant dire que Jasmine a peu de chance de s’en sortir… Non seulement elle ne fait pas les bons choix, mais la malchance
ou les mauvaises rencontres font que rien ne va : elle est confrontée à l’éternelle perversité des hommes (les avances libidineuses du dentiste pour lequel elle a daigné « s’abaisser » au rang de
secrétaire) et surtout à son passé, indélébile (les reproches de l’ex-mari de sa sœur, croisé au mauvais moment avec la bonne personne…)

Pour incarner les gouffres et les béances dans lesquels nous plongent constamment la vie, sans jamais nous en sortir vraiment, l’actrice Cate Blanchett se révèle parfaite, manifestant un
incroyable talent pour jouer cet entre-deux constant, son personnage étant partagé entre une dureté d’apparence et une fragilité intérieure… Constamment sur la brèche, souvent à deux doigts de
sombrer dans la folie (quand elle se souvient de ses séances de yoga pour respirer profondément afin de se recentrer ou quand elle se met à parler au premier venu dans la rue, voire toute seule
sur un banc…), Jasmine est le symbole de la schizophrénie qui caractérise l’humanité d’aujourd’hui, pour laquelle la folie se révèle peut-être l’issue la plus simple et la plus « raisonnable » à
l’absurdité de la vie…



Autres films de Woody Allen :



Hollywood Ending (2002)



Minuit à Paris (2011)



Tout le monde dit « I love you » (1996)



Vous allez rencontrer un bel et
sombre inconnu (2010)































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5 commentaires:

  1. Bonne chronique, Phil, et je suis plutôt d'accord avec toi. Même si je trouve que tu en dis un peu beaucoup sur les tenants et aboutissants du personnage. Je partage ton avis sur le film, même si
    je pense mieux le noter. Cate Blanchett est quand même une grande parmi les grandes. Je l'aime de plus en plus... et ce n'est pas rien compte tenu qu'au départ, je l'aimais déjà beaucoup...

    Un p'tit mot aussi pour te remercier de ta réponse l'autre jour et de ton passage chez moi. Je vais, je crois, prendre l'habitude de te citer quand c'est possible.

    Bon week-end ! :)

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  2. Excellent cru, Allen signe un très bon film avec un duo d'actrices sublimes (n'oublions pas Sally Hawkins !). Un film plus dramatique et pessimiste qu'à son habitude mais ça serait presque
    salvateur !... 3/4

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  3. Repasser souvent, j'y compte bien, Phil !
    Et je continuerai de te citer à l'occase.

    Je trouve amusant le fait que tu me répondes le jour où "Blue Jasmine" est présenté sur mon propre blog. Si j'étais superstitieux, j'y verrais un signe de connivence

    Au plaisir, donc, de te relire ici... ou chez moi.

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  4. Papa tango Charlie28 octobre 2013 à 04:13

    Mon premier Woody allen au cinéma .... Et même mon tout premier Woody allen tout court. Quelle bonne surprise alors que je pensais ses films toujours hermétiques: je vais essayer les plus
    accessibles! Sinon le personnage de jasmine étant incroyablement fascinant.

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  5. Un conte cruel...à l'image du monde d'aujourd'hui! Cate est saisissante de naturel et de vérité.

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