mardi 6 août 2013

[Critique] L’arbre, le maire et la médiathèque, d’Eric Rohmer



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(France,
1993)




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Tout commence avec l’instituteur (interprété par un Fabrice Luchini toujours aussi savoureux et malicieux), qui explique avec enthousiasme à ses élèves ce que sont les propositions subordonnées
circonstancielles de conditions. Tout le film sera ainsi découpé en sept chapitres, chacun étant justement une de ces propositions introduites par « si », qui sont autant de conditions
déterminantes (ou pas ?) pour la construction de la médiathèque du titre… Cette médiathèque, c’est le projet un peu fou du maire socialiste d’un petit village de Vendée : Saint-Juire. Interprété
par Pascal Greggory, ce novice en politique a réussi à décrocher une subvention du ministère de la culture pour mener à bien cette proposition architecturale qui charme certains villageois autant
qu’elle laisse sceptique son amie écrivain venue de la grande ville (hilarante Arielle Dombasle, entre extase ridiculement forcée et exubérance décalée) ou qu’elle rebute l’instituteur campagnard
et vert, attaché au vieil arbre qui pousse sur le terrain prévu pour accueillir la médiathèque. Pour ce dernier, toujours d’avis un peu tranché et ironique, il faudrait rétablir la peine de mort
pour les architectes !

Quand Rohmer se préoccupe de politique dans son cinéma, ce n’est pas vraiment pour livrer un film engagé ou militant, mais plutôt pour décrire avec une moquerie bienveillante le petit théâtre du
pouvoir et les aléas des ambitions électorales… Il refuse la politique à grand spectacle pour se focaliser sur les jeunes ambitions démesurées mais néanmoins sincères d’un maire débutant au fin
fond de la France profonde. Il en profite pour évoquer le hasard, thème central de son cinéma, en montrant que malgré tous les émois suscités par le projet du maire, malgré les tergiversations et
les conflits entre les habitants, celui-ci finira pas tomber à l’eau tout aussi vite qu’il était advenu… Le cinéaste filme avec une ironie douce et beaucoup d’espièglerie les rapports des
différents pouvoirs, mais à une échelle réduite, en province, où chaque pouvoir est représenté par un personnage : le maire pour le pouvoir politique, l’instituteur pour l’éducation, l’écrivain
pour la culture, la journaliste pour les médias… Les querelles et les chamailleries idéologiques finissent par ressembler aux marivaudages amoureux que Rohmer sait d’habitude si bien mettre en
scène !

Le regard du film sur les choses est souvent incisif et toujours très pertinent : les débats sur l’écologie, le rapprochement des écologistes avec les socialistes, le point de vue de la pure
citadine qui débarque à la campagne pour tomber en pâmoison devant la moindre vache ou la première salade qu’elle croise… On se demande souvent si le film n’a pas été tourné lors des dernières
élections tellement il reste moderne dans son discours. La légèreté demeure cependant maîtresse dans ce grand cirque à paroles multiples : les enfants finissent par avoir le dernier mot et se
montrer plus censés que les adultes (en proposant notamment des espaces verts… à la campagne !) et la morale de toute cette histoire nous est contée en chanson, chacun se mettant à pousser sa
vocalise… Une petite merveille rohmerienne !



Autres films d'Eric Rohmer :



La collectionneuse (1967)



Le rayon vert (1983)































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