mardi 21 mai 2013

[Critique] Le passé, d’Asghar Farhadi



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(France, 2013)



Sortie le 17 mai 2013




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Malgré un tournage délocalisé en France, à Paris, Asghar Farhadi poursuit pourtant assez fidèlement avec « Le passé » une œuvre qu’il avait jusqu’alors tournée dans son pays, en Iran… Comme dans
« Une séparation », son précédent long métrage, il est d’ailleurs ici question de
divorce : celui d’Ahmad, venu d’Iran pour officialiser sa séparation avec Marie, qui vit désormais une relation avec un autre, dont la femme est pourtant dans le coma suite à une tentative de
suicide. Si le scénario se révèle brillamment élaboré, chacun de ses personnages est aussi remarquablement bien écrit, et surtout incarné avec une grâce et une aisance admirable de la part de
comédiens superbes : Bérénice Bejo et Tahar Rahim, bien sûr, mais aussi Ali Mosaffa, ce visiteur étranger, ou même Pauline Burlet, interprétant la fille aînée de Marie…

Le cinéaste use de ressorts dramatiques qui ont déjà fait la force de ses films précédents. Il excelle notamment à filmer la complexité des rapports entre les êtres, et surtout leurs difficultés
à s’exprimer ou à se parler vraiment. La festival cannes 2013première scène du film, montrant les futurs
divorcés séparés par une vitre à l’aéroport, apparaît comme un manifeste de l’incommunicabilité qui sourd entre les différents personnages… La façon dont les choses se dévoilent, par petites
touches successives, créant un étrange suspense, demeure également emblématique du style d’Asghar Farhadi : il fait progresser son intrigue par des micro révélations obtenues de la part de chaque
individu et qui permettent de dessiner peu à peu les véritables enjeux de leurs relations. Un peu à la façon d’un Kiarostami avec « Copie conforme », Farhadi réinvente en quelque sorte le «
film à twists », comme pour mieux montrer qu’il n’est pas l’apanage d’un cinéma de simple divertissement. Il se garde pour autant d’asséner des certitudes, se contentant de montrer des êtres
recherchant la vérité, ou du moins tentant de trouver celle qui leur permettra de se projeter dans l’avenir avec le passé qui leur conviendra le mieux…

Et si tous les atermoiements des personnages du « Passé » donnent lieu à de vibrantes séquences remplies de vives émotions, on peut néanmoins demeurer quelque peu gêner par un élément troublant
du film de Farhadi… Car si tout est brillant sur la forme, on peut déceler dans le fond comme un jugement moral assez insidieux sur les valeurs et les mœurs des habitants du monde occidental… Les
personnages vivant en France semblent en effet mener des vies compliquées et perverties par des mœurs dissolues où une femme exige le divorce à son mari et où l’adultère ou le mensonge paraissent
monnaie courante… La présence des jeunes enfants, comme pris en otage au milieu de la tragédie jouée par les adultes, dramatise davantage la corruption à l’œuvre dans nos civilisations,
gangrenant même les symboles de l’innocence. Sans compter que le véritable héros du film, Ahmad, est un iranien de retour en France : il incarne le regard extérieur, mais aussi une espèce de
juge, calme et rempli de sagesse, qui sera d’ailleurs celui qui libère la parole de chacun et permet aux secrets d’être révélés… On espère néanmoins se tromper sur les possibles intentions
cachées du cinéaste qui apparaissent ainsi à travers le scénario, d’autant que « Le passé » est véritablement un très beau film !



Autres films d'Asghar Farhadi :



Les enfants de Belle Ville (2004)



Une séparation (2010)































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6 commentaires:

  1. Bonjour Phil, je n'ai pas encore vu Le Passé. Je ne sais pas pourquoi, j'ai un a priori contre au vu de la BA. Et puis j'avais tellement aimé Une séparation que j'ai peur d'être déçue. Bonne fin
    d'après-midi.

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  2. Très beau et bon film, juste et sincère. Farhadi persiste et signe dans un talent certain... 3/4

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  3. Bel enthousiasme pour un film qui le mérite amplement. Je reviens malgré tout un instant sur la perception de l'étranger au milieu de la famille française. C'est un homme qui fait en effet office
    de sage, qui libère la parole et peut être vu à juste titre comme un juge condescendant, mais je ne crois pas une seconde que Farhadi se pose à travers lui en moraliste. Au contraire, Ahmad,
    malgré ses efforts, est incapable de résoudre les conflits et au contraire les amplifie au point de nous interroger s'il n'y prend pas quelque part un certain plaisir pervers et vengeur (Marie
    lui dit ses quatre vérités à ce sujet).

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  4. Salut, j'ai l'impression qu'au contraire Farhadi est très occidental. Sa vision de l'Iran dans 'Une séparation' m'avait semblé un peu biaisée, je crois me souvenir. Le divorce était largement
    évoqué de manière libérale ...

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  5. Un très bon film très intéréssant. Quelques redondances dans la mise en scène, les cinq dernières minues qui sont en trop mais un très bon film malgré tout.

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  6. Bonjour Phil, je ne sais pas s'il y a un jugement insidieux de la part de Farhadi, toujours est-il que le personnage de Marie avec ses deux enfants et ses presque trois maris (ex ou futur) m'a
    horripilée. Elle n'a pas du tout le beau rôle. Dans Une séparation, par exemple, c'est nettement plus subtil. Simin veut quitter son mari car elle aspire à une certaine liberté. Et puis
    concernant Le passé, le film s'éternise sur la fin. Il y a plein de retournement de situation, on s'en lasse. Bonne après-midi.

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