vendredi 20 mai 2011

[Critique] Le gamin au vélo, de Jean-Pierre et Luc Dardenne



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festival cannes 2011



Le gamin au vélo, de Jean-Pierre et Luc Dardenne (France, Belgique, Italie, 2011)



Sortie le 18 mai 2011



Note :
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Grand Prix au Festival de Cannes 2011




Le cinéma des frères Dardenne impose toujours un peu les mêmes figures, autour desquelles il tisse des histoires en apparence simples et banales, et qui parviennent pourtant toujours à nous
prendre aux tripes et au cœur… Dans « Le gamin au vélo », on fait la connaissance de Cyril, 12 ans, qui comme beaucoup des personnages des Dardenne doit vivre et subir une filiation lourdement
problématique : une mère inexistante et un père fuyant et irresponsable, qui le rejette et s’est d’ailleurs débarrassé de lui en le plaçant dans un foyer… On le voit courir inlassablement après
un vélo, seul lien qui lui reste encore au père et qu’on ne cesse de lui reprendre… On comprend très vite sa faille à ce garçon, ce besoin d’amour débordant qu’il ne peut ni combler ni même
expliquer ! Un manque d’affection qui le condamne à s’endurcir et qui l’emporte peu à peu sur une mauvaise pente imminente… Le contexte social et le portrait sombre de l’humanité est décidément
toujours bien à l’œuvre dans ce cinéma sans concession !

Heureusement, le jeune Cyril va rencontrer Samantha par le plus grand des hasards. Et comme le hasard fait bien les choses, cette coiffeuse de la cité va très vite s’attacher à lui et accepter
dans un premier temps de le prendre chez elle les week-end. Elle va tacher du mieux qu’elle peut de comprendre Cyril, de le respecter en dépit de ses problèmes, et de lui apporter surtout la
chaleur humaine qu’il réclame sans le dire… « C’est chaud » énoncera-t-il sèchement en parlant de la respiration de Samantha sur son épaule : sans expliciter le bien-être que cela lui procure, on
sent cependant que c’est là un moment agréable… Les échanges entre le garçon et cette jeune femme ont l’air d’une simplicité désarmante, mais ils sont en réalité filmés avec une subtilité infinie
et ce que l’on voit à l’écran est souvent le résultat d’un vrai travail d’orfèvre et de nombreuses répétitions…

Ce que les réalisateurs belges parviennent à faire de leurs acteurs est d’ailleurs tout bonnement éclatant et lumineux ! Le jeune débutant Thomas Doret possède un naturel convainquant et une
gouaille expressive, qui n’est pas sans rappeler Jean-Pierre Léaud en Antoine Doisnel dans « Les 400 coups »… On retrouve en outre quelques habitués du cinéma des frères Dardenne : Jérémie
Renier, en père encore plus défaillant que dans « L’enfant », ou encore Olivier Gourmet, dont la présence clin d’œil devrait ravir ses fans. Mais la surprise vient probablement avant tout de
Cécile de France, première star au sein de l’âpreté habituelle de leur cinéma : elle est parfaite dans le rôle entre force et sensibilité de Samantha, prête à sacrifier son couple pour sauver cet
enfant difficile qu’elle ne connaît pas… Un dévouement et un attachement presque mystérieux et inespéré, qui offre au personnage une aura et une grandeur noble et profondément humaine !

Contrastant avec la noirceur et la fermeté traditionnellement de mise chez les auteurs de l’insoluble « Rosetta », ces derniers se lâchent d’ailleurs carrément d’un point de vue émotionnel avec «
Le gamin au vélo ». Sans parler non plus d’optimisme béat, on peut cependant observer une étonnante progression vers la lumière dans leur mise en scène et leurs choix artistiques… Pour la
première fois, le film a été tourné en plein été et quasiment intégralement de jour. On observe aussi une forme de « laisser aller » dans l’utilisation de certains « artifices » de réalisation :
dans un « cinéma du réel » où un plan correspond généralement à une séquence entière, on surprend ainsi ici et là la présence d’un contrechamps ou d’un léger découpage… Mais le plus surprenant
s’avère peut-être l’utilisation totalement inédite d’une musique extradiégétique, unique mais ponctuant le film à pas moins de quatre reprises ! "Il nous a semblé que, à certains moments, la
musique pouvait agir comme une sorte de caresse apaisante pour Cyril", avouent les cinéastes : on assiste alors à la naissance d’une forte émotion, d’une douceur, d’une connivence, qui nous met
finalement en empathie totale avec ces personnages superbes et attachants…































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13 commentaires:

  1. Cette approche moins singulière de leur cinéma ne m'a pas du tout dérangé. La direction d'acteur et cette mise en scène discrète me séduit tout à fait. Et rien que pour Cécile de France, je dis
    oui ! :D

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  2. même si l'aspect lumineux et découpé du film offrent un côté un peu moins puissant que leurs précédents films, j'avoue que les Dardenne arrivent encore et toujours à toucher au coeur, à viser
    juste. une troisième palme serait peut-être abusif (ça serait unique et je pense que d'autres auteurs la mérite plus)

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  3. Je n'ai absolument pas accorché. Je n'éprouvais aucune empathie pour les personnages, que je trouve caricaturaux. Cécile de France joue bien mais cette figure lumineuse éxagérément
    aimante ne m'a absolument pas convaincu.

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  4. Pour le coup on ne partage pas du tout la même opinion du film, Phil ! Je suis aussi sceptique que Neil !

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  5. Extradiégétique... hum... hum... t'en as d'autres des comme ça lol


    En tous cas je partage ton enthousiasme et cette intervention de la musique m'a chaque fois surpris... et c'est un film plein de violence mais aussi plein d'espoir, pour une fois un personnage
    des Dardenne ne court pas droit dans un mur... il y a pour lui une porte ouverte... tiens... je crois que je commence à trouver l'inspiration pour mon propre billet lol

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  6. Bref, ce film est une nouvelle merveille des Dardenne !


     

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  7. Bon bah diégèse ne m'éclaire pas davantage...


     

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  8. Mouai, le manque de crédibilité du "hasard" du début du film, et l'ellipse des premières rencontres entre les protagonistes, font que j'ai été longtemps extérieur à ce couple de personnage. Trop
    rapide, le début empêche de comprendre cet attachement entre eux. Quelques moments d'émotion quand même et une belle séquence de rédemption de l'enfant suite à l'électrochoc de l'agression.

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  9. De mon côté j'y ai totalement cru à ce personnage de Cécile de France, et il n'y a sûrement rien à expliquer, la scène où l'adolescent s'accroche à elle, sans savoir qui elle est, pour fuir les
    éducateurs est une d'une force incroyable. Tout est dit. Et sinon je ne le trouve pas si optimiste que ça ce film, on sent que tout est fragile et le gamin ne fait pas que des bonnes rencontres y
    compris jusqu'à la fin. Comme s'il n'était pas au bout de ses peines, heureusement il y a la bienveillance de Cécile de France. Superbe film très émouvant même si j'aurais bien voulu voir Olivier
    G un peu plus longtemps à l'écran...

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  10. Quand à ceux qui disent que le personnage de Cécile De France est "exagérement aimante"... je me demande bien quelle est leur notion de l'amour... ?


    Par contre, on peut dire que parfois cet amour est ambigu... mais c'est justement ce qui fait la profondeur de ce beau personnage, et son mystère...

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  11. Comment peut-on reprocher à ce film d'être "caricatural" (lu dans les coms ci-avant) alors qu'il s'évertue à s'écarter des stéréotypes au contraire. Et comment reprocher son manque d'explication
    alors qu'on tire à vue sur le moindre scénario trop explicatif. Le film des Dardenne, dans son humble simplicité et limpidité, ne s'encombre d'aucune psychologisation superflue, d'auncun cliché
    facile. Il reste accroché au mouvement, au récit, aux personnages, et c'est en cela qu'il est si unversel.

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  12. Je partage à 200% les avis de Brodeuse et Prince noir... au contraire en une seule scène brutale et surprenante dans la salle d'attente réside tout le mystère autant que l'évidence de ce qui lie
    Samantha à Cyril et que le film évite tout cliché et psychologisme de bazar pour aller droit dans l'os comme d'habitude. Brodeuse, c'est vrai que le film n'est pas si positif, mais disons 
    qu'il l'est davantage que les précédents... Au lieu de courir droit devant pour se heurter chaque fois à un mur, comme Rosetta ou Lorna, le petit Cyril va droit dans le mur et s'y cogne beaucoup
    avant de réaliser qu'une porte lui est ouverte. Le film, en ce sens n'est pas désespéré, même s'il ne prétend jamais que la vie sera un long fleuve tranquille... Samantha n'est sans doute pas au
    bout de ses peines mais son amour semble indéfectible et Cyril n'a sans doute pas fini de courir après sa vie rêvée mais il a de nouveau un cadre et une épaule sur lesquels s'appuyer...


    Et moi, plus le temps passe, plus ce film grandit dans ma tête... comme un arbre...

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  13. Mais c'est horrible ce que TU dis !!! Je n'ai jamais dit ça... Cet amour est ambigu parce qu'il est passionné et mystérieux, on se demande ce qui peut le motiver, à ce point, il le rendre si
    inébranlable... Quelles sont les motivations secrètes du personnage... tout cela reste ambigu, je trouve... mais non, pas dans l'idée que l'enfant "remplace" l'amant... Mais par exemple, il offre
    sans doute une possibilité au personnage de se débarasser d'un amant qui apparait comme adorable, aimant et près à beaucoup de concessions mais qui a lui même une incapacité à saisir la teneur et
    les motivations de cet amour inconditionnel.

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