jeudi 29 janvier 2009

Tetro, de Francis Ford Coppola (Etats-Unis-Argentine, 2009)

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Note :
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A 70 ans, Francis Ford Coppola demeure encore aujourd’hui un cinéaste éminemment moderne ! Avec « Tetro », il signe un nouveau chef-d’œuvre (dont on ne le croyait pourtant plus capable depuis bien
longtemps…), dans lequel il fait exploser toute la virtuosité et l’intensité d’un tournage en numérique. En conservant une beauté des plans et du cadre d’un classicisme époustouflant, il parvient
paradoxalement à nous émerveiller d’images parfaitement neuves… Tout au long du film, il offre des cadrages saisissants et sidérants, qu’on ne devrait plus oublier de sitôt ! Maître omnipotent d’un
film sans la moindre faute de goût, il joue d’ailleurs avec le temps et les époques, confondant et brouillant la forme et le récit : si le film se déroule de nos jours, on ne le devine que
discrètement, par l’apparition furtive d’un téléphone portable ou d’un ordinateur, et si le présent est brillamment éclairé dans un sublime noir et blanc contrasté et presque irréel, le passé
explose de couleurs vives et violentes. Faisant ainsi fi de toutes les conventions passées, Coppola illumine son film d’une lumière noire sensible et puissante, qui nous hypnotise littéralement dès
les premiers plans, et même dès ce générique lui aussi entre impression classique et décalage novateur, multipliant les flous et les surimpressions…

Ce nouveau coup de maître (et de maestro, comme son père Carmine Coppola !) mêlant puissance opératique, histoire mythique et mise en scène aux frontières du fantastique, s’ouvre sur l’arrivée du
jeune Bennie chez son frère Angelo, parti en Argentine depuis des années pour rompre avec sa famille… Chaque plan est d’une précision exaltante et d’une grandeur écrasante : Bennie semble prendre
un chemin duquel il ne pourra jamais faire marche arrière, tellement tout a l’air de se refermer sur lui comme un piège… Accueilli avec gentillesse par la femme de son frère, les larmes sur ses
joues dans le noir juste avant qu’il ne s’endorme, parce que son frère n’aura pas voulu sortir de sa chambre pour l’apercevoir, finiront par nous bouleverser. En moins de dix minutes, Coppola
parvient à nous happer irrésistiblement dans un récit qu’on ne quittera à aucun moment durant encore deux heures qui passent à toute vitesse… Avec un talent incroyable pour raconter ses histoires,
le cinéaste nous plonge dans une tragédie familiale lyrique et foisonnante, qui questionne les mythes antiques et modernes, s’imprégnant alors d’un universalisme époustouflant, mais qui sonde
également la profondeur des rapports humains, en particulier les rapports fraternels ou les rapports filiaux entre un fils et son père…

Les rivalités et les règlements de compte en famille sont d’ailleurs bien souvent sublimés dans « Tetro », à travers les multiples représentations qu’y glisse Coppola. La réalité laisse souvent la
place au mythe et à l’art, bien plus enclins à révéler la vérité, semble nous dire en sous-texte le film. Angelo est un écrivain sans œuvre, qui se fait appeler Tetro, pseudonyme diminué de son nom
et de celui de son père Tetrocini, compositeur virtuose et seul génie de la famille, comme il l’assène violemment à son fils. Superbement interprété par Vincent Gallo, Tetro dit à son petit frère «
Ne regarde pas les lumières ». Quand il lui dit cela, Bennie (irradiant Alden Ehrenreich, véritable révélation du film !) est hypnotisé par les phares des voitures meurtrières qui fondent sur lui,
mais on ne peut s’empêcher d’y entendre une allusion aux « feux de la rampe », le jeune homme venant d’être révélé dramaturge en réécrivant l’œuvre inachevée de son frère. Ces lumières du théâtre
sont d’ailleurs tout aussi monstrueuses, à l’origine de rivalités familiales atroces. C’est pourtant bien l’art de la représentation sur scène qui aura le dernier mot, offrant alors toute la
violence et la virtuosité de son absolu pouvoir cathartique. C’est en jouant enfin la pièce que l’aîné avait délaissée dans une malle abandonnée que le grand patriarche, père trop puissant qui
éclipsait tous les autres artistes de la famille, meurt et qu’un autre père, plus surprenant, peut enfin (re)naître… La figure du parricide se joue sur scène pour pouvoir enfin se révéler dans la
réalité !

Tout le film semble ainsi construit sur des jeux de correspondances entres les différents personnages et les récits qui courent, à l’œuvre… Les deux frères semblent chacun le reflet inversé de
l’autre, de part et d’autre d’un miroir (ou d’une psyché ?). Si le jeune Bennie a d’ailleurs besoin d’un miroir pour déchiffrer les fragments manuscrits écrits par son frère, il est également
amusant de constater que le plâtre porté au début du film par Tetro à sa jambe gauche se déplacera ensuite sur la jambe droite de Bennie, suite à un nouvel incident automobile. L’accident évoque en
flash-back la mort de sa mère à Tetro/Angelo, morte dans un accident de la route alors que lui-même la conduisait. Alors que Tetro a ainsi « pris » sa femme à son père, on verra ensuite que le père
s’est vengé en lui prenant à son tour sa petite amie pour en faire sa femme, future mère de Bennie… La tragédie prend alors des accents de fable psychanalytique d’où les pulsions refoulées seront
expulsées par l’art. L’épilogue amène enfin un aveu de tendresse dans tout cet océan de glaciation affective : « On est une famille » dira Angelo pour clore le film, quittant enfin son rôle de
frère qu’il n’a jamais accepté pour endosser celui d’un nouveau père pour Bennie… Magistral !






























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5 commentaires:

  1. Je suis content de lire une critique de ce film qui a l'air d'après ta critique l'air de valoir le coup !

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  2. j'irai sûrement le voir... et bravo pour ce site, les critiques sont intéressantes !

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  3. Pour ce premier week_end de l'année...


    Je viens souhaiter à ton blog ...
    De bon articles...
    Et plein de suprises à son créateur....
    BONNE ANNEE...........................................
    LORENT

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  4. Tiens, ça m'étonnes que je n'ai pas encore laissé de commentaire pour dire tout le bien que je pense de ce film, je vais rectifier ça tout de suite !

    C’est ce qui s’appelle se prendre une leçon de cinéma :  A 70 ans, Monsieur Coppola nous offre un petit bijou de film qui nous rappelle pourquoi on aime le cinéma !
    Une histoire passionnante qui nous tient en haleine d'un bout à l'autre du film, une photographie sublime à chaque plan, réhaussée par le noir et blanc, des acteurs impeccables...

    Merci monsieur Coppola !

    "Francis... t'es trop" : lol ! ( il fallait oser ! ;) )

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  5. ouais bon, la blague, je l'ai faite et refaite à tout le monde, je me suis donc permis de l'exposer en bannière en plus ! c'est typiquement mon genre d'humour... d'autant que c'éTAIT TROP tentant
    !!! :)

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