samedi 3 janvier 2009

Samson & Delilah, de Warwick Thornton (Australie, 2009)




Note :





« J’étais moi-même un enfant “perdu” d’Alice Springs. Je suis originaire d’une petite tribu aborigène qui ne doit pas compter plus de 150 membres […] A 13 ans, j’étais comme le personnage de
Samson, je sniffais de l’essence, je buvais, je volais, je me bagarrais, je me faisais courser par la police. Autant dire que je ne m’intéressais pas au cinéma, je me fichais de tout, je voulais
juste m’amuser et tromper l’ennui que je dépeins dans le film ». L’histoire de Warwick Thornton, le réalisateur de « Samson et Delilah », est touchante, et son entrée dans le monde du septième art
nous apparaît aussi incroyable qu’improbable ! Quand le cinéma se révèle salvateur, une fois de plus…

Ainsi, ce tout premier film de Thornton, caméra d’or du dernier Festival de Cannes, peut être vu dans une perspective discrètement autobiographique. L’histoire de ces deux enfants livrés à
eux-mêmes dans un milieu hostile qui leur refuse leur enfance, les obligeant à grandir (et peut-être mourir) trop vite, est visiblement marquée par un vécu encore à vif. Le réalisateur n’hésite
d’ailleurs pas à donner à son film une dimension quasi documentaire, proposant alors un témoignage de la vie pauvre et violente des aborigènes australiens…

Malgré quelques maladresses, des passages à vide et un mélange plutôt inégal d’esthétiques fictionnelle et documentaire, « Samson & Delilah » offre de belles images, souvent fortes et
bouleversantes. Des instants à la fulgurance incroyable, parfois : c’est le cas des deux scènes où Delilah disparaît derrière Samson qui marche tel un zombie, au point qu’il ne remarque pas tout de
suite la brutale survenue du malheur dans son dos, la première fois par l’enlèvement de son amie par une bande de voyous, la seconde par son renversement par une automobile… Plans et cadrages
surpuissants, qui dénotent probablement un grand réalisateur en gestation. Le film, à tendance contemplative, suit l’itinéraire misérable des deux enfants forcés de fuir leur village et d’errer
dans un monde sans foi ni loi. Pour oublier la peine ou l’ennui, il reste l’oubli dans la drogue, les enfants sniffant de l’essence et rentrant alors dans un état d’hébétude désespérée. On assiste
à une véritable descente aux enfers et l’on se demande à force de noirceur si son issue nous offrira une once d’espoir… Le cinéaste évoque la misère sans concession, mais sait cependant éviter tout
misérabilisme : lorsque les enfants pleurent, c’est toujours cachés ou hors champs, dans la nuit ou sous une couverture… On profite même du luxe d’une esquisse de sourire sur le visage abîmé de
Samson, alors que celui-ci, à moitié mort, contemple le soleil. Un espoir à trouver dans la grandeur infinie de la nature, peut-être ?






























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