vendredi 3 juin 2011

[Critique] Into eternity, de Michael Madsen



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Into eternity, de Michael Madsen (Italie, Danemark, Suède, Finlande, 2010)



Sortie le 18 mai 2011



Note :
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« Le meilleur film de science-fiction depuis 10 ans », clame fièrement (et ironiquement) l’affiche du film ! Le pire (et le plus drôle), c’est qu’elle n’a pas complètement tort : certes, « Into
eternity » demeure avant tout un documentaire, mais un documentaire qui s’interroge tellement sur l’avenir que son cheminement se transforme bien vite en une grandiose et captivante odyssée
réflexive et métaphysique non pas à travers l’espace, mais à travers « un espace »… Cet espace, il s’agit de « Onkalo » en Finlande : ce mot qui signifie « cachette » désigne d’immenses galeries
souterraines creusées pour accueillir des déchets radioactifs en masse et les stocker pour cent milles ans, une fois que le site sera scellé « définitivement » quelque part au XXIIe siècle ! Une
sorte d’immense poubelle radioactive que l’on lègue généreusement à l’avenir, en somme…

Très didactique, « Into eternity » n’est pourtant jamais complaisant. Très sérieusement, le documentariste interroge des spécialistes du nucléaire ou les responsables du monumental chantier
d’enfouissement. Nul militant écolo ou antinucléaire n’apparaît à l’image et le film n’est en aucun cas un brûlot militant : pourtant, il réussit tout aussi efficacement, si ce n’est plus, à
démontrer l’absurdité de l’acharnement de l’homme contemporain à persévérer dans l’énergie nucléaire… Non seulement c’est une énergie non-renouvelable et « sale », exploitant encore et toujours
une ressource fossile qui s’épuise dangereusement (l’uranium), mais c’est sans doute aussi l’énergie la plus dangereuse qui soit ! En plein « Fukushima mon amour » au Japon (le film arrive quasiment à point nommé dans le débat sur le
nucléaire !), Michael Madsen n’évoque pourtant à aucun moment la possibilité de l’accident que des « experts » arrogants jugent impossible… Il change les perspectives et ouvre le débat sur la
durée : à travers ces déchets (300000 tonnes actuellement à travers le monde !), qui vont demeurer dangereux pour tout organisme vivant durant des dizaines de milliers d’années, il questionne les
garanties que l’on a de les enfouir définitivement… Quel cadeau empoisonné laissons-nous dans le sol aux générations futures ? L’emplacement de ces déchets ne sera-t-il pas oublié au fil des
décennies et des siècles prochains ? Que se passera-t-il si le lieu ne demeure pas étanche ? Alors que l’on est incapable de prévoir la stabilité du monde à un an près, comment peut-on garantir
l’inoffensivité de matières dangereuses durant cent mille ans ? Cent mille ans : la durée exacte qui nous sépare de l’aube de l’humanité, alors que l’homme n’était rien de plus qu’un primate
parmi d’autres…

Très vite, « Into eternity » s’adresse aux gens du futur et se demande comment mettre en garde du danger ces êtres qui ne parleront plus notre langue et qui ne comprendront certainement pas les
restes de notre civilisation… Le film rappelle combien notre monde est inconscient et vaniteux, combien il ignore les responsabilités qu’il a envers son environnement et l’avenir, qu’il soit
proche ou si lointain qu’il en devient insaisissable… Les questions posées, entre métaphysique et humanité, finissent par donner le vertige, à l’image de cette mise en scène fascinante qui nous
plonge au cœur de cette « grotte » du futur en cours de construction : des galeries sans fin qui s’enfoncent dans les entrailles de la Terre, des machines gigantesques que l’on croirait sorties
d’un film de James Cameron et qui creusent sans relâche… afin de construire ce qui sera peut-être le cercueil de l’humanité, au cœur même des ténèbres les plus désolants… Un film captivant et
nécessaire !



 



Mise en perspective :



- Sortir du nucléaire !































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5 commentaires:

  1. Magnifique critique, et tu m'as donné envie de voir ce docu de Madsen (l'acteur ?).


    Je crois que l'on se fout littéralement de nous et ça date pas de Fukushima tout ça. J'avais vu un reportage de Pieces à Conviction qui enquêtait sur ce sujet il y a de cela 1 ans ou 2, et il
    montrait que les industries larguait leurs déchets dans forets en France. Tout simplement inacceptable de persévérer dans cette voie. Comme tu le dit si bien, on nous enterre à petit feu alors
    que l'on nous fait miroiter la jeunesse éternel en bouffant des légumes et des fruits (sans doute contaminés par la dite énergie). Une jolie industrie qui fonctionne au foutage de gueule.

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  2. Belle critique et je dois avouer que je suis vraiment d'accord avec toi. Cette grotte sera vraiment notre "Boîte de Pandore": tout ce qu'il y a de plus mauvais au monde comme héritage. c'est
    triste à dire mais le pire c'est que tout le monde s'en fout....ou presque.


    Tiens v'là ce que j'en pense: http://la-pellicule-brule.com/2011/05/into-eternity-2011-de-michael-madsen-par-bruce-kraft/

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  3. Je suis pas d'accord avec Bruce Kraft. Tout le monde ne s'en fout pas, beaucoup de citoyens sont conscients des dangers du nucleaire (surtout depuis Fukushima). Mais c'est les politiques et les
    financiers s'en foutent totalement. Ne parlons même pas de ses buses de la protection du paysage naturel, qui veulent pas du nuclaire, ni des éoliennes, ni des photovoltaiques. Ce genre de
    personne retardent plus le developpement des energies alternatives qu'il ne les stymulent.

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  4. Je suis d'accord : il faut repenser notre mode de vie. Mais, de l'autre coté, pourquoi devrions nous, citoyen, faire des sacrifices alors que, dérrière, les industries ne suivent pas le
    mouvement. C'est une affaire de financement en partie, mais aussi de philosophie. On peut plus se permettre d'avoir une planete à la fois propre et sans eoliennes qui defigurerais le paysage
    (déjà bien défiguré par les centrales).

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  5. et c'est encore plus une affaire de politique ! mais tant que les politiques seront amis avec les patrons d'entreprises, ça ne pourra pas trop bouger... ;)

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