lundi 5 juillet 2010

Les amours imaginaires, de Xavier Dolan (Canada, 2010)



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Note :
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Sortie nationale le 29 septembre 2010



 



A l’image de « J’ai tué ma mère », son premier film coup de poing, « Les amours imaginaires » possèdent tous les stigmates de l’extrême jeunesse de son réalisateur. C’est à la fois fou et
fougueux, plein de souffle et d’excès, stimulant et revigorant, plein d’audaces et de tentatives formelles en tout genre, à l’image de ces œuvres dont on ressent viscéralement toute l’urgence qui
en émane… Ca pourrait être arrogant ou prétentieux, surtout de la part d’un jeune homme de 21 ans, mais c’est surtout bluffant de maîtrise et admirablement talentueux ! Xavier Dolan passe le cap
du deuxième long métrage et y confirme toute l’ampleur de son génie…

Ces « amours imaginaires » dont nous parlent Xavier Dolan pourront tenir en peu de mots : il s’agit de deux amis, Marie et Francis, qui tombent amoureux du même garçon, Nicolas, et qui cherchent
tous les deux à le conquérir à leur façon, insinuant entre eux les méfaits de la rivalité… Derrière une intrigue a priori des plus ténues, Dolan traite pourtant avec beaucoup de justesse
l’alchimie du désir et la confusion de l’amour. Face caméra, des personnages extérieurs au récit viennent régulièrement ponctuer le film pour nous parler de leurs propres expériences amoureuses,
souvent avec beaucoup d’humour, et pourtant toujours avec une bien belle acuité ! L’intrigue sait aussi souvent jouer habilement sur les clichés : si d’habitude il est courant de voir deux hommes
en venir aux mains pour remporter le cœur d’une dame, on assiste ici à une lutte plutôt pitoyable d’un garçon et d’une fille devant celui qu’ils convoitent… Le plus pertinent, peut-être, c’est
que ce semblant de ménage à trois ne s’avèrera finalement bâti que sur de belles illusions, celles de deux amoureux éconduits : Nicolas s’étonnera qu’il ait pu le croire homosexuel lorsque
Francis lui déclarera sa flamme… Quant à Marie, Nicolas lui laisse vaguement entendre qu’il la croyait lesbienne… Ironie de l’amour, par ailleurs superbement illustrée tout au long d’un film
duquel on tombe sans peine amoureux !

Formellement, le film de Xavier Dolan est en effet de toutes les audaces ! Le jeune cinéaste privilégie une mise en scène arty et protéiforme des plus séduisante, qui use souvent de citations
multiples et rend par là même de superbes hommages… On pense à Godard, à Truffaut et à toutes ces années « nouvelle vague » qui semble inonder la plupart des plans des « Amours imaginaires » :
cadrage, éclairage, mouvements d’une caméra éprise de liberté... Mais plutôt qu’un copier-coller sans âme d’une façon très « vintage » de faire du cinéma, Dolan y insuffle un décalage souvent
jubilatoire, qui donne à son film sa propre modernité et son mordant tout contemporain ! On reconnaît par endroits du Wong Kar-wai (avec ses excès de ralentis), mais là encore, l’ironie semble
l’emporter : l’instant des rencontres des deux amis avec l’objet de leur amour est parfois dilaté jusqu’à l’exagération, montrant des personnages un brin trop apprêtés, simulant l’extase des
retrouvailles avec une conviction hyper appuyée, au fond plus ridicules que vraiment classes… L’image d’un Christophe Honoré québécois nous vient enfin à l’esprit, ce qui ne peut finalement que
nous réjouir pour l’avenir de sa carrière ! Dolan est un habile réalisateur, qui réussit des scènes fulgurantes, à l’image de ces jeunes corps filmés morceaux par morceaux comme des statues de
dieux grecs (façon « La belle personne » ?), lors de séquences d’amours charnelles magnifiquement éclairées de rouge ou de jaune, à la fois tendres et tristes, sensuelles et mélancoliques… le
tout sur de la musique classique et solennelle, rien que ça ! La musique, justement, qui possède elle aussi un aspect plutôt « vintage », mais surtout très très gay : Dalida, Indochine, France
Gall… Que du bonheur, en sommes !

N’oublions pas enfin de mentionner l’immense potentiel comique des « Amours imaginaires » ! Le film a tout pour accéder au statut de comédie culte, avec une salve de répliques piquantes et bien
envoyées, un humour dévastateur, au potentiel accru par une langue canadienne toute fleurie et imagée… Mentionnons enfin la qualité de l’interprétation, à commencer bien sûr par celle du
réalisateur-scénariste-monteur-producteur Xavier Dolan, qui joue aussi le rôle de Francis : un artiste total et pleinement accompli ! L’actrice Monia Chokri est également très bien dans ses
postures de fille faussement sophistiquée, et Niels Schneider, la cible de tous les désirs, évoque étonnamment Louis Garrel, dans ses postures nonchalantes et ses petites grimaces en coin…
D’ailleurs, le film s’achève sur un sublime clin d’œil de Louis Garrel, nouvelle cible amoureuse commune pour les deux amis (éternel recommencement de l’amour !), qui semble parfaitement à sa
place ici, et très exactement adapté à cet univers là !



 



Site officiel du film



 



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Xavier en plein travail...































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6 commentaires:

  1. (prière d'insérer la complainte habituelle)


     


    Je suis contente de voir qu'il tient la route après son premier film, qui fut un superbe coup de poing pour moi! (il est d'office dans mon top 15, que je n'ai toujours pas fait parce que je n'ai
    toujours pas revu "The Pillow Book" et "Total Eclipse")(je pense que je vais me fier à mon souvenir de ces films, ainsi que de "Happy Together")(c'est mal docteur?).

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  2. Wow ! Une note pareille, c'est forcément tentant.

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  3. non mais j'en ai entendu parler chez toi déjà !

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  4. Tiens, j'avais pas remarqué que Nicolas pensait que Marie était lesbienne...


    Sinon je suis d'accord avec toi sur tous les points, sauf sur la comparaison avec le cinéma de Christophe Honoré: les deux cinéastes font de nombreuses références aux films de la Nouvelle Vague,
    mais le cinéma de Dolan me semble plus sincère et plus personel que celui d'Honoré.

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  5. Ce que je vais dire s'applique en fait surtout à Dans Paris et aux Chansons d'amour: j'aime bien les idées que défendent ces films et citer les films de la Nouvelle Vague me semble judicieux pour
    des films revendiquant une certaine liberté.


    Ce qui me dérange, c'est que je trouve les citations lourdes, et ces deux films me semblent terriblement artificiels au final. J'ai toujours eu trouvé le cinéma d'Honoré prétentieux (sauf Non ma
    fille tu n'iras pas danser), c'est pour ça que je trouve celui de Dolan plus sincère. On ne retrouve pas dans ses films ce côté "Regardez moi filmer/ Regardez comme je connais mes classiques" qui
    est omniprésent chez Honoré.

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  6. D'abord saluons le casting, l'amie jouée par l'incroyable Monia Chokris qui a pour moi tout d'une très très grande. C'est d'ailleurs les femmes qui sortent du lot dans ce film les seconds rôles
    n'étant pas en reste. Il y a juste Nicolas joué par Niels Schneider qui déçoit en bel éphèbe mais qui manque de talent dans le jeu pur, reste trop "inerte". Le point fort de Dolan reste la mise
    en scène avec des plans (Dolan en gros plan qui verse une larme sur l'épaule de son amant) et des scènes de grandes beautés (les ralentis sur le couple d'amis Dolan-Chokris) mais les dialogues
    sont aussi impressionnants de par leur intelligence et leur poésie, le tout ne manquant pas ni d'humour ni de mélancolie. Juste un bémol sur les scénettes pleines d'humour des témoignages et
    portraits qui sont splendides, toutes, mais qui ne sont pas vraiement incluses dans l'histoire. Néanmoins on frôle incontestablement le chef d'oeuvre. 3/4

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