[Critique] Touristes, de Ben Wheatley

(Grande-Bretagne, 2012)

Sortie le 26 décembre 2012

Le Jour du Saigneur # 82

Film présenté à l'Etrange Festival 2012

A peine remis de l’électrochoc « Kill List », sorti au début de l’été, voilà que nous
arrive déjà le troisième film de Ben Wheatley, le nouveau prodige du cinéma britannique… « Touristes » revêt un sujet parfaitement différent, mais le traitement en demeure quant à lui
furieusement novateur et inattendu, empruntant autant au film de genre qu’à un humour piquant 100 % britannique !

Tina est du genre vieille fille qui a toujours vécu chez sa vieille mère acariâtre, qui lui reproche depuis sans doute une éternité d’avoir tué son chien… Alors le jour où Tina rencontre un
garçon, Chris, et que celui-ci lui propose de partir en vacances en camping-car histoire de se changer de son morne quotidien, c’est bel et bien la révolution dans la vie de la plus ou moins jeune « vieille fille » ! Les voilà parti sur les routes, tout sourire aux lèvres,
jusqu’à ce que les problèmes commencent… le rêve était forcément trop beau pour Tina ! Navigant de campings en incontournables sites touristiques, ils se retrouvent régulièrement contrariés par
les comportements désagréables ou inappropriés des autres touristes ou des riverains des coins qu’ils traversent… Du coup, après un accident malheureux qui coûte la vie à l’un de ces « gêneurs »
malotrus, c’est l’engrenage de la violence qui va progressivement ponctuer leur voyage.

Comme dans « Kill List », Ben Wheatley a une façon bien à lui d’amener les choses, de
façon totalement soudaine et fracassante… Les explosions gore sont souvent courtes, mais surviennent d’une façon éminemment sauvage et brutale ! Et les comportements de nos « héros » sont la
plupart du temps imprévisibles et radicalement « autre » de ce que l’on aurait pu attendre d’eux : quand Tina se rend compte enfin des fortes tendances psychopathes de son copain, elle se met par
exemple à jouer son jeu, voire à prendre son relais plutôt que de prendre ses jambes à son cou… il faut dire que ce qui l’attend à la maison – sa vieille mère qui fait tout et n’importe quoi pour
la faire culpabiliser et revenir – n’est pas très folichon… Alors soit : la violence gratuite sera son nouveau credo, histoire de vivre son histoire d’amour jusqu’au bout !

La mise en scène est toujours éminemment étrange et mystérieuse, et possède surtout cette fougue et cette liberté qui rend le cinéma de Wheatley terriblement excitant ! Tout peut arriver à tout
instant, et c’est justement l’inimaginable qui se produit à chaque fois… Mais le plus fort réside aussi dans une forme de psychologisation des personnages, qui nous rend en quelque sorte complice
de ce couple de serial killer improvisé, pour qui on éprouve sinon de l’attachement, tout du moins une forme de compassion… Car si leurs crimes ne sont certes pas joli joli, autant dire que tous
les personnages qu’ils croisent demeurent profondément antipathiques, au point de mériter à nos yeux leur sort souvent abominable… L’humanité se définit comme une sorte de propension à toujours
emmerder l’autre, si l’on en croit la vision du cinéaste, mais c’est bel et bien la forme et le Cinéma (avec un grand C !) qui l’intéresse avant tout, et son film parvient à nous tenir en haleine
et à nous surprendre de tout son long, et cela jusqu’à la dernière seconde, fichtrement efficace… Ben Wheatley est un génie, on vous dit !

Perspectives :

- Kill List, de Ben Wheatley

- L’étrange Festival : 18e édition !