jeudi 27 septembre 2012

[Critique] Les amants du Pont-Neuf, de Leos Carax



amants pont-neuf
(France, 1988-1991)




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Si le film commence comme un documentaire sociétal parmi les défavorisés (avec des images impressionnantes de véritables SDF auxquels se mêle l’acteur Denis Lavant, captées dans un centre
d’accueil à Nanterre), Leos Carax opte cependant très vite pour une toute autre dimension avec « Les amants du Pont-Neuf », en s’intéressant bien plus volontiers à l’histoire d’amour fou entre un
clochard acrobate et cracheur de feu et une jeune vagabonde en train de perdre la vue… Car en tant que « poète de la ville », s’il dénonce politiquement la misère du monde, le cinéaste le fait
toujours avec un indécrottable lyrisme, que certains qualifièrent de « naïf », mais qui se révèle avant tout profondément humain aux yeux des gens de cœur…

En dépit de son injuste échec commercial, en partie lié à son budget pharaonique pour cause de tournage catastrophique étalé sur près de quatre ans (des dépassements de budget à foison, la
blessure de l’acteur principal, un décor qui s’effondre… pas moins de trois producteurs se sont épuisés sur le film !), « Les amants du Pont-Neuf » demeure pourtant un film merveilleux et
intense, constamment émaillé de fulgurances sublimes et enthousiastes ! La mise en scène de Carax n’a rien de conventionnel et son scénario ne suit jamais des rails traditionnels : à l’instar des
cinéastes de la Nouvelle vague, il revendique une liberté de tous les instants et de tous les plans, offrant aux spectateurs une fougue et une maestria acharnées…

Ses deux acteurs amoureux (à l’écran comme à la ville, du moins pendant une partie du tournage…) se donnent au film corps et âme : Juliette Binoche et Denis Lavant incarnent les plus beaux amants
du cinéma, filmés avec une grâce et une innocence épatantes ! Il existe d’ailleurs comme un paradoxe entre leur condition de clochards et la grandeur de la mise en scène de leur amour, qui est
très certainement la plupart du temps le révélateur de leur propre folie intérieure… folie amoureuse ou folie tout court, tout se mélange et on finit par ne plus pouvoir vraiment discerner la
réalité du fantasme. On demeure simplement impressionné par la reconstitution du Pont-Neuf, alors en travaux, presque sur le point de s’effondrer, et par tout ce que les personnages vivent autour
de lui : ambiance nocturne foraine, courses endiablées, couloirs de métro enflammés… jusqu’à ce point d’hallucinations paroxystique où Juliette Binoche fait du ski nautique sous les ponts de la
Seine dans un déluge de feux d’artifices tout autour d’elle… Inoubliable et à la juste démesure du génie de Carax !

L’exaltation des sentiments passe en outre par des symboles forts : l’amour permet à Alex (le personnage de Denis Lavant) d’arrêter de prendre la drogue qu’un autre clochard lui fournit en
ampoules pour dormir… Plus tard, il commettra l’irréparable – la mort d’un homme – pour ne pas être séparé de la belle Michèle, qu’il veut tout à lui et dont l’aveuglement en cours l’arrange,
tant il la rend entièrement dépendante de lui… Au sens propre comme au sens figuré, l’aveuglement amoureux est filmé comme jamais, jusqu’à ce superbe dénouement, où les amants se retrouvent enfin
sur le Pont-Neuf sous la neige, rouvert à la circulation, à la sortie de prison d’Alex : la folie amoureuse les reprend, les laissant se jeter du pont dans la Seine, se faisant ensuite repêcher
par une péniche sur laquelle on court en riant et avec laquelle on navigue jusqu’au Havre, peut-être… pour trouver un « havre » de paix et réaliser enfin un amour plus serein ?



Perspectives :



- Mauvais sang, de Leos Carax



- Holy Motors, de Leos Carax































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