vendredi 16 septembre 2011

[Sortie DVD] Tomboy, de Céline Sciamma



tomboy.jpg



Tomboy, de Céline Sciamma (France, 2011)



Sortie DVD le 21 septembre 2011 chez Pyramide Vidéo



Note :
star.gif

star.gif

star.gif



Sans contrefaçon




Le nom « Tomboy » désigne en anglais un « garçon manqué ». C’est le cas de Laure, cheveux courts et vêtue comme un petit garçon, qui déclare se prénommer Michael aux autres enfants du quartier où
elle vient d’emménager avec sa famille… C’est l’été, le temps de l’insouciance, et Laure trouve ainsi l’opportunité rêvée de vivre son fantasme de transgression des genres. Heureux celui qui ira
voir le film de Céline Sciamma vierge de toute information sur l’intrigue, la révélation sur son sexe effectif tardant un peu au début, laissant supposer au spectateur qu’il se trouve bel et bien
devant l’histoire d’un « vrai petit garçon »… Cette surprise et ce trouble de la découverte demeure néanmoins en partie gâché par la façon dont « Tomboy » est « vendu » : son synopsis et la bande
annonce contiennent d’emblée le secret. Mais difficile de parler du film sans l’évoquer, en vérité, tant il est le cœur même de son sujet ! N’empêche que cet effet de style impose une vraie idée
de cinéma, cet art de manipuler son spectateur, et laisse très clairement apparaître la jeune cinéaste comme une figure à suivre dans le paysage filmique contemporain !

Passé les scènes de jeux et de vie entre les enfants, dont la capacité à faire sourire ou à émouvoir devrait attendrir la plupart des papas et des mamans présents dans la salle, il faut
reconnaître que ce que laisse Céline Sciamma apparaître à l’écran est tout simplement impressionnant. Elle filme les jeunes acteurs, dont on sait combien la direction est souvent rendue bien
difficile et casse-gueule, avec une justesse et une acuité proprement admirable ! Véritable cinéaste de l’observation, elle parvient à baigner l’écran d’une vérité confondante : non pas pour
livrer un cinéma proche du documentaire, mais bel et bien pour tendre vers un cinéma du réel, touchant avec une grâce sensible la notion de vrai et les profondeurs de l’âme… Tout en suivant
continuellement le fil de sa fiction, sans jamais laisser s’installer l’ennui, elle parvient à nous plonger littéralement dans le monde de l’enfance, à la fois à hauteur du regard d’un enfant,
mais aussi, et surtout, AVEC les yeux d’un enfant ! Ce qui en soi fait déjà de « Tomboy » un film remarquable et merveilleux…

Seulement le film ne s’arrête pas là et se permet d’explorer un grand et vaste sujet, qui plus est avec une finesse et une intelligence inespérée : celui de la question du genre et de
l’opposition masculin / féminin dans notre civilisation. Déjà dans son premier film (« Naissance des pieuvres » en 2007), la cinéaste interrogeait le désir sexuel marginal à travers les corps de
jeunes adolescentes attirées par les filles. Cette question semble ainsi s’imposer au cœur de son cinéma et l’ambiguïté du corps de Laure / Michael, mais aussi de ses désirs et de ses sentiments,
s’immisce en plein dans « Tomboy ». Exactement comme la cinéaste, l’enfant entre deux sexes observe attentivement et méticuleusement les autres, pour mieux les imiter ensuite… Puisque Laure veut
« être » Michael, alors il lui suffira peut-être de cracher ou de se battre comme un garçon pour que cela puisse être. Le film pose extrêmement bien la question à la face du spectateur (qu’est-ce
qu’être un garçon ou une fille ?), pour mieux lui prouver que tout ne passe finalement que dans les attitudes et les comportements… N’est-ce pas notre culture, et non nos attributs sexuels, qui
déterminent au fond notre rapport au monde en temps qu’homme ou en temps que femme ? C’est ce que tend à prouver brillamment la réalisatrice ! Elle démontre assez cruellement que tout nous
renvoie à un déterminisme du corps et que notre identité est alors condamnée par la société, la « civilité », à suivre cette directive physique et primitive : la séquence assez dure où le groupe
d’enfants exige de voir le véritable sexe de Laure après qu’ils aient appris qu’elle n’était pas ce Michael qu’elle prétendait être se révèle à cet égard exemplaire… L’évolution humaine n’est
ainsi toujours pas venue à bout de cette donnée éminemment bestiale : on naît nu et la seule chose que les autres voient en nous au moment de notre naissance est notre sexe… Le fameux « c’est une
fille » ou « c’est un garçon », qui semble la préoccupation majeure des jeunes parents. La première chose que les autres verront en nous par la suite et tout au long de notre vie sera encore
notre appartenance à un sexe défini, mâle ou femelle, nous renvoyant sans concession vers notre nature purement animale et reproductive. « Tomboy » nous prouve pourtant qu’il peut être si simple
de changer le regard des gens sur ce point : mais le trouble que l’on génère alors n’est par supportable par les autres, qui exigent inévitablement un retour de l’ordre et de la convention…
Heureusement pour Laure, l’enfance est pleine de ressources et permet de se réinventer malgré tout, loin des jugements bornés de leurs aînés : c’est le sens possible de l’ultime scène du film,
qui reprend l’une des toutes premières, celle de la rencontre entre Laure et son amie Lisa, comme si tout recommençait à zéro, mais cette fois-ci le mensonge en moins… La première fois en garçon,
la seconde comme une fille, mais Lisa semble toujours prête à l’aimer, quel que puisse être son sexe : voilà ce que devrait être très exactement la modernité des relations humaines !



 



Bonus DVD :



Dans un entretien de 18 minutes, la réalisatrice Céline Sciamma explicite sa démarche sur « Tomboy », un second long métrage qu’elle souhaitait filmer dans l’urgence : 3 semaines d’écriture, 3
semaines de casting et 3 autres de tournages ont donné au film une intensité unique et une belle spontanéité. Alors qu’elle évoque la « fabrication » de « Tomboy » avec une intelligente
cohérence, on la voit sur le tournage en train de diriger les enfants, dans un mélange de conviction et de complicité… Un supplément DVD éclairant !
Signalons en outre que le DVD comprend un sous-titrage pour les sourds et malentendants, élément suffisamment rare pour être salué.































  • Plus










2 commentaires: