jeudi 1 septembre 2011

[Carte blanche] Les blancs ne savent pas sauter, de Ron Shelton (vu par le libraire)


Comme il le dit sur son site pour se présenter, l’auteur du blog « les libraires se cachent pour mourir » est un « libraire qui se
livre » (mouarf !) Et quel libraire ! Au gré de billets trépidants et palpitants (oui, oui, les deux à la fois !), il nous conte ses mésaventures de libraire, dans sa librairie de mangas et de
bandes dessinées… Il porte toujours un regard délicieusement décalé et humoristique sur son travail et surtout sur ses clients, dont il se moque gentiment (ou parfois pas) pour notre plus grand
plaisir… Il peut en profiter aussi pour s’enthousiasmer à propos de ses dernières lectures. Sa plume fougueuse et pleine de vie rend son blog rudement chouette : tentez le coup, vous verrez
vous-mêmes qu’on y revient et qu’on en redemande ! Pour sa carte blanche estivale chez Phil Siné, il a décidé de dire la vérité : même si la liste de ses films préférés en « jette » en société,
il préfère pourtant se jeter à la maison sur le DVD de son « plaisir coupable » à lui, « Les blancs ne savent pas sauter » !



carte blancheblancs_ne_savent_pas_sauter.jpg



Les blancs ne savent pas sauter, de Ron Shelton (Etats-Unis, 1992)



Carte blanche du libraire qui se cache



Blog : Les libraires se cachent pour mourir



Parfois, quand certains sont assez intrépides pour m’inviter à des cocktails habillés, il arrive que l’on parle cinéma. C’est plutôt logique, les conversations entre plus ou moins inconnus
tournent toujours autour des mêmes choses, et une fois qu’on a parlé de son boulot, de sa bonne affaire immobilière et de la couleur des chaussettes de sa gonzesse, eh bien il reste généralement
des petits fours et du champagne et il faut donc meubler autant que possible.

Ça n’aura échappé à personne que la mode est aux séries, c’est donc un passage obligé, mais ça ne permet pas de briller en société vu que tout le monde regarde les mêmes choses au même moment en
faisant les mêmes remarques. Sur le cinéma, en revanche, on peut un peu plus se la raconter. Au risque de passer pour un gros snob élitiste, mais c’est pas bien grave, le snob élitiste est
capable de tout assumer, y compris les regards remplis de jalousie passive des ploucs de salon qui ne voient pas où est le problème dans le fait que « Taxi 2 » fait plus de 10 M d’entrées, c’est
bon, c’est du divertissement, le problème avec toi c’est que tu sais pas t’amuser (ben voyons), c’est comme avec les César, dès que c’est une comédie et que c’est populaire, on vote pas pour,
c’est dégueulasse etc. etc. Dans ces cocktails, donc, quand on me demande quel est mon film préféré, j’alterne selon mon humeur entre « Citizen Kane » (c’est du N&B, c’est (pas le meilleur)
Orson Welles, c’est Rosebud, tout le monde en a entendu parler sans jamais l’avoir vu, ça en jette), « Persona » (c’est Bergman, c’est épuré (c’est le moins qu’on puisse dire), c’est la puissance
de tout plein de choses austèrement fascinantes, ça en jette) ou « Stalker » (c’est
Russe, c’est exotiquement austère, c’est de la SF, c’est lent (mais lent), bref ça en jette). Tout ça c’est une posture. Oh je les aime sincèrement, ces films, mais quand je suis tranquillement
en survêtement le dimanche soir après avoir passé une rude journée à ne rien faire, je ne me précipite pas sur ces Dvds pour me vider la tête de tout ce vide. Non, pour ça il y en a d’autres. Et
celui que j’ai le plus vu, qui fait tomber mon masque d’élitiste prout prout qui en jette en permanence, celui que je connais encore plus que par cœur, celui que je n’emmènerais pas sur une île
déserte parce que bon, faut pas déconner, rien ne vaut un bon livre, ce film, donc, autour duquel je tourne depuis tout à l’heure tellement il est sacré et que j’ose à peine le nommer, c’est «
Les blancs ne savent pas sauter ».

Je laisse tous ceux qui n’ont pas baigné dans le sillon de Jordan, Magic & George Eddy faire une recherche sommaire sur Internet pour mieux s’imprégner de certaines images de ce chef d’œuvre
de Ron Shelton (oui, c’est lui qui a fait « Bull Durham » (de nouveau, je vous laisse chercher)).

Sorti en 1992 et enregistré par mes soins en 1993, je l’ai vu, revu, rerevu, rererevu ,re(x17)vu jusqu’à saturation, saturation que j’attends encore d’atteindre près de 20 ans après. Alors,
comment se fait-ce que ce film est aussi formidable ?

Il ne l’est pas.

C’est là que sa beauté réside. Il y a bien un poil d’érotisme bienvenu en la personne (des seins) de Rosie Perez, un léger suspens lié à ce grand n’importe quoi de participation à Jeopardy, de
l’amitié, de la trahison, un débat passionné autour de Jimmy Hendrix et du port de la casquette et des gros méchants qui veulent récupérer leur argent. Woody Harrelson est Paul Newman, Wesley
Snipes est Tom Cruise et Ron Shelton n’est pas Scorcese, mais on s’en fiche. On s’en fiche parce que y’a tout plein de matchs de basket, sur les playgrounds, avec des tournois, des passes
improbables, de l’humour, ça chambre de partout, on vibre, on compte le nombre de pas (les règles du basket ne sont pas toujours super respectées), on essaie d’oublier tant bien que mal que le
père Wesley ne sait pas jouer, à la base, et surtout on rêve et s’identifie. Enfin pour peu qu’on soit un jeune blanc mâle incapable de dunker (enfin ‘faire un tir en ricochet’ si j’en crois les
sous-titres) mais qui est super fort quand même.

Pour peu qu’on ait un peu de temps à perdre devant un film même pas en noir et blanc, qui n’impressionne personne, qui en jette à peine, mais qui est terriblement attachant dans ses imperfections
très peu camouflées. D’ailleurs j’y retourne, c’est moins une perte de temps que tous ces cocktails pompeux.



 



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blanches estivales 2011































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