dimanche 23 juin 2013

[Critique] Baxter, de Jérôme Boivin


baxter.jpg(France, 1988)



Le Jour du Saigneur # 120




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Lorsque l’on regarde l’affiche de « Baxter » (sur laquelle un chien apparemment méchant se détache sur un fond rouge sang) ou que l’on lit son vague et bref synopsis (« Baxter est un chien qui
pense et désire se débarrasser de la compagnie encombrante des hommes »), on pourrait s’attendre à un film d’horreur dans lequel le chien en question zigouille et bouffe tout le monde… sauf que
non ! Adapté d’un obscur roman à insuccès de Ken Greenhall, le film – français, en l’occurrence ! – de Jérôme Boivin se révèle en réalité une œuvre parfaitement OVNI et inhabituelle, qu’il
convient d’ailleurs de saluer en tant que telle, tant sa faculté à bousculer les normes cinématographiques communément admises est des plus intrigante ! La présence au générique de noms encore
anonymes tels que Jacques Audiard (ici scénariste et dialoguiste) ou Yves Angelo (directeur de la photographie) n’y est probablement pas pour rien…

La caractéristique la plus notable et intéressante du film est de faire « parler » le chien mis en scène, ou tout du moins de le faire « penser », puisque les jour_du_saigneur_bis.jpgimages que l’on voit sont régulièrement commentées par sa voix off, qui révèle en réalité son contenu de conscience, un peu à la façon de
ce qu’on pouvait trouver à l’époque du « nouveau roman », ces fameux « flux de conscience » des personnages qui nous emportaient dans une narration éminemment subjective, venant s’opposer à une
objectivité réaliste et terre à terre… Dans « Baxter », la voix off a ceci de passionnant qu’elle va permettre de parler des hommes par le biais des pensées et des émotions du chien : en
observant les humains, il va commenter avec une forme de naïveté souvent drôle certains travers ou certaines absurdités de leur quotidien, et il va surtout apprendre à se méfier d’eux et finir
parfois par les détester au point de vouloir les éliminer… de là à dire qu’il s’agit d’un chien psychopathe, ce serait sans doute bien trop simple !

Car au bout du compte, si le décès de la première propriétaire du chien (une vieille rombière peu engageante qui finit par vouloir transformer Baxter en jeu sexuel, par une allusion de transfert
quasi freudien et subtilement subversif !), si ce décès, donc, laisse planer le doute sur la culpabilité probable de l’animal, on n’a finalement plus grand chose à se mettre sous la dent par la
suite, si ce n’est peut-être une tentative de meurtre d’un bébé (celui du jeune couple au sein duquel Baxter avait pris de nouvelles marques… jusqu’à l’arrivée désastreuse pour lui de l’enfant).
Le dernier propriétaire de Baxter sera finalement celui duquel il se sentira le plus en empathie, bien que c’est à travers lui qu’il trouvera aussi la mort. Il s’agit d’un enfant un peu taciturne
qui semble fasciné par le nazisme et la romance d’Hitler avec Eva Braun… La subversion du film est à son comble, d’autant que d’audacieux parallélismes sont tracés entre le chien et l’enfant, à
base souvent d’instincts primaires et bestiaux : qu’il s’agisse de la pulsion sexuelle (la scène où Baxter se tape une femelle épagneul qu’il méprise au fond de lui est délirante !) ou de la
pulsion de mort (l’enfant dresse Baxter pour attaquer et tuer), la conclusion du film reste mémorable… D’une philosophie et d’une morale à la fois forte et très noire, « Baxter » semble nous dire
que l’animal est sans doute moins pire que l’homme, dans le mesure où la cruauté animale – contrairement à celle de l’homme – est toujours guidée par une nécessité. Quant aux derniers mots du
chien, « N’obéissez jamais », ils raisonnent encore avec fracas dans l’esprit du spectateur longtemps après la séance, tant leur polysémie et leur universalité peut s’appliquer à de nombreuses
choses… de quoi en tirer sans doute une véritable philosophie de vie !































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