mercredi 12 juin 2013

[Critique] Ainsi squattent-ils, de Marie Maffre



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(France,
2013)



Sortie le 5 juin 2013




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« Ainsi squattent-ils » s’impose comme une expérience saisissante. Le documentaire de Marie Maffre propose en effet une immersion réaliste et non-édulcorée dans le quotidien du collectif « Jeudi noir », en lutte contre le mal logement en France… Pendant plus de deux ans, la réalisatrice les a suivi dans leurs actions fortes, mais aussi
dans la vie de leur groupe : depuis leur installation dans un hôtel particulier abandonné depuis 40 ans de la luxueuse place de Vosges (transformé en squat pendant un an) jusqu’à la prise ratée
d’un autre immeuble inoccupé, on suit les aléas d’une jeunesse combative et déterminée, qui laisse finalement plein d’espoir pour l’avenir…

Entre les scènes choc de leurs expulsions par les CRS (les seules images que proposent en principe les médias), le film se révèle vraiment précieux dans sa façon de montrer sans fards leur
organisation au jour le jour… Une vie de bohème, d’étudiants à la rue, de « galériens du logement », qui finissent par trouver leur compte dans une vie plus simple et plus solidaire. Les
problèmes qu’une vie en collectivité pose ne sont pas évacués (l’éternel souci du ménage, notamment), et cette façon qu’a le documentaire d’élargir son sujet, ou tout du moins de le raccrocher à
d’autres thématiques voisines, s’avère tout simplement passionnant et instructif. On appréciera en outre la joie de vivre qui semble globalement émaner d’une telle expérience humaine : la parodie d’une chanson de Carla Bruni (« C’est quelqu’un qui m’a dit / Qu’ils squattaient encore… ») montre une belle et
joyeuse unité de groupe
et la bienveillance du regard des gens qui rencontrent le collectif en dit long sur ce qu’il serait possible de faire en ce monde, avec un peu plus de volonté et un
peu moins d’égoïsme…

Si « Ainsi squattent-ils » n’est pas toujours extrêmement pédagogique ou explicatif (peu de renseignements sur les origines de « Jeudi noir » par exemple, donnant l’impression que le film
s’adresse déjà à des gens informés sur le sujet), il demeure clairement un outil précieux pour questionner les dérives de notre société, aussi bien sur la crise du logement, les loyers trop
chers, que sur les inégalités, l’injustice, la notion de propriété… Tourné en plein marasme sarkoziste, le documentaire montre bien les problématiques d’un combat inégalitaire : celui d’un David
contre Goliath, d’un petit collectif qui essaie de lutter en vain contre la puissance d’un Etat policier, au service de riches entités invisibles en délogeant de pauvres individus désespérés et
épuisés… Pourtant l’illégalité est exercée des deux côtés de la barrière, puisque les jeunes squatteurs ne cherchent qu’à attirer l’attention sur le fait que la loi sur le Droit au Logement n’est
pas appliquée comme elle le devrait ! Le film pose au fond une vraie question citoyenne : pour qui travaille ceux qui nous gouvernent ? Et surtout comment lutter contre les dérives d’un système
qui met des gens à la rue, signant ainsi leur arrêt de mort pour l’hiver suivant ? Comment lutter face à un mur ? Quelle est la marge de manœuvre exacte d’un collectif citoyen ? Il alerte la
population, certes, mais que se passe-t-il ensuite ? Marie Maffre rappelle pourtant combien la population semble elle-même bien plus du côté de « Jeudi noir » que des intérêts économiques des
grandes sociétés ou des trop riches multipropriétaires, malgré l’aspect clairement partisan de son film : « Je sais que je me situe de leur côté. Mais sincèrement, place des Vosges, les réactions
négatives des voisins étaient rares.» Et si le sursaut citoyen était pour maintenant ?



Perspective :



- Le site internet du film































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