mercredi 22 février 2012

[Critique] La grande illusion, de Jean Renoir



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La grande illusion, de Jean
Renoir



(France, 1937)



Note :
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Considéré comme le plus grand film de son auteur et l’un des plus grands films du cinéma mondial, « La grande illusion » évoque l’itinéraire de deux officiers français faits prisonniers par les
Allemands durant la première guerre mondiale : dans un premier camp en compagnie de nombreux autres gradés, dans un second qui ressemble à une forteresse imprenable de laquelle, leur dit-on, l’on
ne peut s’échapper, puis enfin sur la route qui les ramènera en France après leur grande évasion… Mais contrairement à un film comme « La grande évasion », justement, dont il fût visiblement
l’une des sources d’inspiration, le film de Renoir se refuse au divertissement à grand spectacle pour se concentrer plus subtilement sur les hommes et les relations qu’ils nouent entre eux au
cours des circonstances exceptionnelles que sont celles du temps de la guerre… Ainsi, nulle trace de scènes d’action ou d’exploits guerriers dans « La Grande illusion », mais bien plutôt un
humanisme à la fois tragique et généreux…

La vision du long métrage surprend à vrai dire à plus d’un titre, ce qui en fait justement un film d’exception ! D’abord, il y a bien sûr cette façon de montrer la guerre, ou plus justement de ne
pas la montrer telle qu’on pourrait l’attendre : en présentant de l’intérieur la vie d’un camp d’officiers (en était-il autrement pour les simples soldats ?), Renoir décrit un univers inattendu,
où une sorte de relâchement presque affectif semble exister entre les prisonniers et leurs geôliers, entre les français et les allemands, qui se mettent même à plaisanter de conserve… Ensuite, le
ton régulièrement humoristique ne manquera pas lui non plus de marquer l’étonnement, que ce soit à travers un personnage comique haut en couleurs – qui ne recule devant aucun jeu de mot vaseux !
–, ou à travers cette coïncidence tragi-comique pour les soldats d’être transférés vers d’autres camps le jour même où ils s’apprêtaient à s’échapper à l’aide de leur tunnel enfin achevé après
des mois de labeur…

Mais ce qui rend « La grande illusion » si importante et si puissante reste sans doute le message hautement pacifiste et humaniste qu’elle délivre. On y voit en effet des êtres humains bien plus
que des soldats, capables de nouer des liens d’amitié, ou tout du moins d’affinités, avec l’ennemi. L’exemple le plus frappant est bien sûr la relation entre le capitaine français de Boëldieu
(Pierre Fresnay) et le commandant allemand von Rauffenstein (Erich von Stroheim), derniers représentants d’une aristocratie sur le déclin, rivalisant de respectueux échanges et dont l’entente
cordiale finira tragiquement par le retour mortel de l’esprit de la guerre entre leurs deux peuples… On retient également l’incroyable relation amoureuse entre le lieutenant Maréchal (Jean Gabin)
avec une veuve Allemande rencontrée sur la route de la liberté à la fin du film : audace folle de la représentation d’un couple binational dans le monde de 1937 (date de la sortie du film), alors
même que les nationalismes montaient des deux côtés de la frontière pour aboutir deux ans plus tard à ce que l’on sait…

Le film de Jean Renoir décrit finalement une humanité prisonnière des frontières qui l’enferment alors même qu’elle pourrait s’enrichir à la découverte de l’autre, avec qui l’on a tant à
partager… Mais « La grande illusion » du titre du film désigne-t-elle justement ces frontières invisibles et fluctuantes pour lesquelles les hommes ne finiront jamais de se battre bêtement et
tragiquement ? S’agit-il de l’illusion de croire qu’une guerre comme celle de 1914-18 serait rapidement expédiée (comme le pense un prisonnier du camp) alors qu’elle dura quatre longues années ?
Est-ce l’illusion de se persuader que cette guerre que l’on fait, ce sera bien cette fois la « der des der » ? « Ah, tu te fais des illusions ! » répondra le lieutenant Rosenthal à cette
espérance de Maréchal… Renoir évoque en fin de compte dans un étonnant et habile mélange d’optimisme et de pessimisme cet éternel et illusoire espoir de l’homme que la paix universelle puisse un
jour advenir en ce monde… L’espoir fait vivre, dit-on… L’espoir est une grande et belle illusion !































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3 commentaires:

  1. Revu dans le cadre d'un stage sur le cinéma (on en a profité pour analyser quelques séquences), ce film a de nouveau réussi à m'éblouir par sa justesse de ton et sa réalisation d'une rare
    élégance. Il faut aussi parler de l'interprétation avec des comédiens d'exception (je suis absolument fan du phrasé de Fresnay).

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  2. Vi c'est ça, "Histoire au cinéma". On a fait des études de certains films, des comparatifs (pour une demi-douzaine de Jeanne d'Arc) et à la fin des sélections de séquences pour illustrer
    les cours d'Histoire.

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  3. ça avait l'air d'être chouette ! :)

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