dimanche 12 février 2012

[Critique] Otto, de Bruce LaBruce


jour du saigneur



Otto, de Bruce LaBruce



(Canada, Allemagne, 2008)



Disponible en DVD chez Outplay



Note :
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« Otto » est un jeune zombie homosexuel profitant tout juste de ses premiers jours de mort… Tout commence un peu comme un conte, puisque le film s’ouvre sur la sortie de terre d’Otto dans le
cimetière où on l’a enterré, au son de « Il était une fois ». Mais un conte mortuaire – mortifère – puisqu’il est question ici de zombie triste, aussi « gay » soit-il ! Attiré par l’odeur
densifiée otto.jpgde la chair, il se dirige droit (enfin pas tout à fait,
puisqu’il boitille à la façon d’un mort-vivant…) sur la ville de Berlin, où il erre de part les rues crasses d’une urbanité violente et animale… Il va y rencontrer une réalisatrice lesbienne
underground et autoritaire qui le prendra sous son aile, en même temps que des souvenirs de son ancienne vie remontent vaguement à sa mémoire : un père boucher qui l’avait convaincu d’être
végétarien, un amant qui l’avait abandonné…

Avec « Otto », le réalisateur Bruce LaBruce brasse étonnamment une quantité d’idées et de genres, et livre un film plastiquement riche et iconoclaste ! On est fasciné par cette forme hybride et
souvent perturbante, alternant plusieurs niveaux de narration comme autant de réalités possibles : l’itinéraire d’Otto le zombie, le film politico-porno-zombiesque que réalise la lesbienne
engagée (« Up With The Dead People », qui est d’ailleurs le titre alternatif du film de LaBruce, dans un effet de mise en abyme déroutant)… à moins bien sûr que tout ceci ne soit que métaphore,
et qu’Otto ne soit en réalité qu’un jeune homme tellement désespéré qu’il se croit déjà mort. Multipliant les perspectives (fiction / réalité, film dans le film, utilisation de split-screen…), le
cinéaste instaure constamment un décalage et une ambiguïté, qui interroge avec force le cinéma mais pas que, puisque le film se veut également un constat social désabusé sur la ville
d’aujourd’hui et sur ses bas-fonds…

Tenant en équilibre sur un étrange fil ténu, « Otto » parvient à une synthèse magique entre le trash le plus sombre et la poésie la plus lumineuse ! Dans un déluge d’images pornogores
frappadingues, le jeune héros garde pourtant toujours la douceur de son visage sensible, et à côté d’une scène d’orgie où des hommes baisent en se mélangeant à des morceaux de viande (cruelle
assimilation !), on retrouve un personnage féminin tout droit sorti d’un film muet de l’expressionnisme allemand, conservant son noir et blanc jusque dans les plans en couleurs du film… Curieuse
et salvatrice présence poétique au milieu de pulsions mêlant l’Eros et le Thanatos !

Même paradoxe lorsque la cinéaste lesbienne, au gré de multiples revendications politiques, désigne Otto comme le prince d’un royaume au milieu d’un tas d’ordures… Otto règne ainsi avec toute sa
mélancolie sur la ville de Berlin symbolisée par cette déchèterie à ciel ouvert. Et s’il demeure toujours triste à mourir (bien qu’il soit peut-être déjà mort), des plans subjectifs de son champ
de vision nous montre pourtant qu’en tant que zombie il voit la vie tout en rose ! « Otto » se dresse ainsi comme un passionnant manifeste de l’incertitude et d’une poétique du sale, prélude au
travail que Bruce LaBruce poursuivra dans « L.A. Zombie »…



 



Perspective :



- L.A. Zombie, de Bruce LaBruce































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