lundi 8 octobre 2012

[Critique] Después de Lucia, de Michel Franco



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(Mexique, 2012)



Sortie le 3 octobre 2012




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Conscient de l’extrême violence de la société dans laquelle il vit (la société mexicaine en particulier, mais même plus largement celle du monde actuel…), Michel Franco estime ne pas avoir
d’autres choix que de l’exploiter dans son cinéma… Après le sexe forcé entre frère et sœur pour alimenter des marchés vidéos malsains dans « Daniel & Ana », « Después de Lucia » évoque le « bullying », soit le harcèlement
scolaire à l’heure de facebook et autres réseaux sociaux… Mais le sujet du film est aussi bien plus large et englobe de nombreuses dimensions d’une violence sociale et psychologique, parfois même
diffuse et presque invisible au premier coup d’œil…

Tout commence notamment avec la situation d’Alejandra, venant de perdre sa mère et s’installant avec son père dans un tout nouvel environnement à Mexico : ce dernier, ayant bien du mal à faire
son deuil, se referme sur lui-même au point de ne plus s’occuper de sa fille comme il le faudrait… C’est un drame de l’incommunication qui se noue alors sous nos yeux, Alejandra se retrouvant
livrée à elle-même et fragilisée à un point tel que l’acceptation et la résignation devant ce qui va se passer dans sa nouvelle école seront ses seules réponses à la violence – autant psychique
que physique – qui va bientôt la cerner de toute part, jusqu’à un point de non retour tragique et assourdissant…

C’est avec de jeunes acteurs non professionnels et en laissant une large place à l’improvisation que le cinéaste Michel Franco parvient à saisir des scènes d’une justesse et d’une vérité
absolument incroyable, qu’il nous expose d’ailleurs avec une intelligence subtile et une mise en scène précise… Le principe de ses nombreux plans séquences demeurent un procédé fascinant pour le
spectateur, qui comme dans un film de Michael Haneke est sommé de rechercher lui-même dans l’image quels indices a disséminé pour lui le réalisateur… L’exemple de la fête des jeunes lycéens dans
une chambre est idéal : un couple se bécote sur le lit à gauche de l’écran, d’autres jeunes discutent en se saoulant à droite, et un personnage s’éclipse discrètement par la porte des toilettes
au fond du plan, avant de revenir prendre place pour qu’un autre disparaisse par la même porte à son tour… Un terrible drame est alors en train de se jouer, sans que le spectateur y soit
explicitement confronté !

En gros, « Después de Lucia » est exactement l’antithèse du cinéma mainstream, ou du moins d’un cinéma qui prend ses spectateurs pour des gros benêts, incapables de saisir les enjeux d’une
situation qui leur est exposée… et qui auraient donc sans arrêt besoin d’inserts ou de gros plans pour qu’on leur explique constamment les choses… Michel Franco use d’une pureté et d’une
radicalité rare au cinéma, que l’on pouvait admirer chez des cinéastes comme Robert Bresson jadis ! C’est juste admirable et passionnant, même si « Daniel et Ana », son précédent film, semblait tout de même aller beaucoup plus loin d’un
point de vue formel… Il faut dire que le réalisateur avoue lui-même avoir dilué la force même de ses préceptes fondateurs dans ce second long métrage : "Je ne tourne plus une scène en fonction
d’une règle immuable préétablie, mais selon ce qu’elle nécessite sur le moment. Je ne suis plus prisonnier de mes propres dogmes […] j’ai même tourné quelques scènes avec plusieurs caméras, ce
qui m’aurait semblé un sacrilège auparavant." Des concessions qu’il considère comme un progrès, mais que l’on peut néanmoins prendre comme une légère régression d’un point de vue de cinéphiles
intransigeants !



Perspective :



- Daniel & Ana, de Michel Franco (Mexique, 2010)































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2 commentaires:

  1. Un bon et beau film, dommage que la fin soit mal assumé... 2/4

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  2. Le film est très dérangeant, il met bien mal à l'aise et de ce point de vue il est très réussi. La fin par contre me laisse un goût d'inachevé. Si encore le mystère planait sur ce que devient
    Lucia suite à la nuit sur la plage. 

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