jeudi 3 novembre 2011

[Critique] Hopecity, de Léa Jamet


hope-city.jpg



Hopecity, de Léa Jamet (France, 2011)



Sortie non déterminée



Note :
star.gif




La production de « Hopecity » ne ressemble à celle d’aucun autre film. Né d’un atelier d’écriture proposé par une boutique de solidarité de la fondation Abbé Pierre à Marseille, ce projet
singulier est le résultat de la rencontre d’une réalisatrice (Léa Jamet), d’un comédien (Théo Triffart) et de plusieurs personnes sans-abris, qui participèrent autant à l’écriture qu’au tournage
du long métrage. Mis en boîte en quatorze jours par mesure d’économie (cela va de soi vu les circonstances de l’entreprise et le message qu’elle souhaitait délivrer), le résultat se révèle
cependant bien au-delà des espérances. Loin d’un documentaire d’alerte un peu tristounet sur la situation des personnes défavorisées, « Hopecity » fait figure de « vrai » film de fiction, tout
autant attaché à décrire une situation sociétale insupportable qu’à divertir ses spectateurs avec une créativité inattendue…

La première vraie bonne idée de « Hope City », c’est peut-être celle de se donner des airs de film de science-fiction pour évoquer une situation malheureusement bien présente. L’asservissement
des « Lambdas » (comprenez les exclus, les clochards, les défavorisés…) par les « Nantis » (entendez les riches, les puissants…) dans la ville imaginaire et futuriste de Hopecity rappelle
d’ailleurs étonnamment la description sociale déjà présente dans le « Métropolis » de Fritz Lang ! La froideur du maire de la ville, plus proche de celle
d’un président sans état d’âme d’une multinationale, la brutalité d’une milice des rues qui ramasse les vagabonds pour quasiment les envoyer à l’abattoir (« l’orée du bois » dans la novlangue du
film), le manque de délicatesse des conseillers d’une agence de réinsertion assez sinistre, la bêtise parodique d’une télévision à la solde d’idées étatiques fascistes et déshumanisées : autant
d’indices qui font de « Hope city » un film radicalement différent et sans conteste éloigné des a priori que l’on pouvait formuler à son égard avant de le découvrir… Cette façon de traiter un
terrible sujet de société induit finalement un décalage salvateur, non dénué d’humour par ailleurs, mais un humour une fois encore assez sombre et résigné, typique de cette ironie du désespoir
qui caractérise souvent l’état d’esprit des gens vivants bien malgré eux à la rue… La fin du film se révèle d’ailleurs assez symptomatique de cette ambiguïté, mettant en scène les fantasmes de
nos « héros démunis » alors que leur mort, inéluctable, semble désormais imminente.

Sa forme proprement surprenante et plutôt réjouissante, portée par une mise en scène très pro et un montage remarquable (révélation d’une monteuse de talent, très certainement promise à un grand
avenir !), n’empêche néanmoins pas le film de Léa Jamet de remplir son rôle social et pédagogique. Sa façon de présenter la précarité de la vie des plus démunis est d’autant plus politique
qu’elle induit ici un mépris cynique et froid de la part de ceux qui nous gouvernent et d’une population haineuse de moins en moins choquée, voire de plus en plus attirée par des idées
néofascistes, racistes et déshumanisantes, qui veulent transformer les concepts de solidarité en « assistanat » et enfoncer un peu plus les exclus, déjà dans la misère jusqu’au cou… Le film
revient d’ailleurs sur une actualité brûlante, lorsque l’on voit des gérants de supermarchés arroser leurs poubelles de produits dangereux pour empêcher les SDF de s’y servir ou lorsque l’on
entend des maires proposer des arrêtés pour interdire la mendicité ou la fouille dans les poubelles publiques de leurs villes…

Bien sûr, quelques maladresses se glissent ici et là dans « Hopecity » et l’interprétation des acteurs non-professionnels est parfois aléatoire, mais ces fragilités rendent le film finalement
plus attachant et émouvant encore, et nous rappellent joliment ses circonstances d’écriture, uniques et passionnantes…



 



Mise en perspective :



- Hopecity : le site du film































  • Plus










Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire