mardi 15 avril 2014

[Critique] Shortbus, de John Cameron Mitchell



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Shortbus



de John Cameron Mitchell



(Etats-Unis, 2005)




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coeur


« Shortbus » est un film magique… On y croise toute une galerie de personnages un peu lunaires, fébriles et mélancoliques, tous plus ou moins empêtrés dans la solitude moderne propre à la vie
urbaine des grandes métropoles de ce monde… Le fougueux cinéaste John Cameron Mitchell prend ici l’exemple de New York juste un peu avant une grande coupure électrique qui plongera la ville dans
le noir. On y suit les errances de plusieurs de ses habitants : un apprenti cinéaste dépressif, son fiancé acceptant un plan à trois pour rebooster leur relation, une sexologue en quête
désespérée d’orgasme, un jeune top modèle (sublime Jay Brannan) visiblement plein d’amour à distribuer, un étrange voyeur qui se révélera aussi sauveur…

Tous fréquentent le « Shortbus », un endroit de plaisirs et de tolérance, où l’amour bienveillant semble être roi… Toutes les sexualités et les pratiques sexuelles semblent y être représentées,
sans que jamais le jugement ne vienne semer le moindre trouble… Par un dispositif filmique assez audacieux (comédiens amateurs, scènes de sexe non simulées, vie communautaire pendant le tournage
du film…), le cinéaste parvient à un résultat assez unique et fascinant à l’écran : sans la moindre vulgarité ni le moindre voyeurisme (ce qui pourrait paraître paradoxal), les images nous
montrent du sexe avec une fraîcheur, une légèreté et une simplicité totalement engageantes et dédramatisées…

La coupure de courant qui figera New York dans le noir sera en outre le révélateur et la résolution des troubles psychologiques des personnages… La sexualité prend des proportions importantes, au
point que le film semble nous dire que c’est par elle que l’humanité, au fond, se sent moins seule… Comme si c’était par le contact sexuel que les êtres parvenaient enfin véritablement à accéder
à l’autre – accéder quasi-littéralement à son intimité, en quelque sorte… La dépression, le mal-être, les tentations morbides, l’absence du plaisir, trouvent ainsi leur résolution dans le jeu
sexuel et le partage des sens…

« Shortbus », s’il pourra choquer certains, ne contient pourtant aucune provocation… Tout y est beau et sensuel, comme dans une représentation de l’amour idéal. Le réalisateur a casté et regroupé
ses acteurs en fonction de leur alchimie sexuelle et cela se ressent à l’écran… « Shortbus » est une belle déclaration au corps, une invitation à l’exploration des plaisirs physiques, le tout
dans une ambiance méditative et ludique : la gravité existentialiste se mêle ainsi souvent à un humour savoureux, rendant le film plus attachant encore… Sans compter que le sexe n’est que le
vecteur de plus grandes révélations pour les personnages : comme l’explique John Cameron Mitchell, « j'avais l'idée de tourner une comédie new-yorkaise pleine d'émotion qui serait sexuellement
très franche, qui ferait réfléchir et, si possible, qui serait drôle ; un film qui ne chercherait pas forcément à être érotique, mais qui essaierait plutôt d'utiliser le langage de la sexualité
comme une métaphore des autres aspects des personnages. J'ai toujours considéré la sexualité comme la terminaison nerveuse des gens… »



Autres films de John Cameron Mitchell :



Hedwig and the angry inch (2001)



Rabbit hole (2010)































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2 commentaires:

  1. Brillantissime critique, je n'aurais pas dit mieux, bravo d'avoir trouvé les mots!!! :)
    100% d'accord avec ton analyse, c'est exactement ce que j'ai ressenti / compris / vécu de bout en bout avec ce film découvert presque par hasard au ciné lors sa sortie et revu depuis avec
    toujours beaucoup de plaisir - un véritable ovni qui fait partie de mes plus gros coups de coeur!
    Quel exploit de la part de John Cameron Mitchell d'avoir su filmer l'intimité au plus près, sans jamais tomber dans le voyeurisme ou le choquant, mais au contraire en révélant ainsi les
    douleurs et les failles des êtres avec une justesse et une profondeur d'une subtilité inédite.
    Pour l'anecdote, j'ai découvert ainsi ce lovely Jay Brannan dont je suis, depuis, la carrière musicale avec grand intérêt (va voir son site ou sa chaîne youtube si ce n'est pas déjà fait!).

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  2. oh c'est gentil de me dire tout ça, d'autant que je trouvais ma critique un brin légère en la relisant... ;)


    j'aime surtout jay pour sa plastique, je connais moins sa carrière musicale... j'avoue que quand ça chante en anglais j'ai un peu de mal... mais j'aime son côté j'assume complètement qui je suis
    ! :)

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