dimanche 3 novembre 2013

[Critique] Snowpiercer : le transperceneige, de Bong Joon Ho



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Snowpiercer : le
transperceneige



de Bong Joon Ho



(Corée du Sud, 2013)



Le Jour du Saigneur # 132



Sortie le 30 octobre 2013




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coeur


Quand le réalisateur de « The Host » et « Mother » adapte une bande dessinée française avec des acteurs américains, ça donne «
Snowpiercer », un film atypique. Restant bien dans le cadre d’une production coréenne pour savourer sa liberté artistique (contrairement à beaucoup d’autres qui se sont un peu brûlés les ailes
dans une production américaine, à l’instar récemment de son compatriote Park Chan-wook avec «
Stocker »
), le nouveau film de Bong Joon Ho revêt pourtant une couleur inédite, révélant une grâce et une profondeur bienvenues dans le domaine de la science-fiction… Il est étonnant de
constater qu’avec des thématiques déjà exploitées diversement, le cinéaste livre une œuvre formellement nouvelle et scénaristiquement hautement symbolique !

En effet, l’histoire de « Snowpiercer » déborde de métaphores et de réflexions sur la vérité ou l’avenir de l’humanité… Certains trouveront peut-être les jour_du_saigneur_bis.jpgimages trop appuyées ou trop explicatives parfois, mais leur utilisation fait preuve d’une intelligence et d’une subtilité assez
fascinantes. Rien n’est vraiment nouveau dans le discours que tient le film, mais la diversité des thématiques exploitées et leurs mises en relation les unes aux autres s’avèrent tout simplement
passionnantes ! Rien que le contexte de départ, qui évoque brièvement la façon dont la Terre est devenue un gros glaçon invivable, est une belle critique des comportements souvent inconsidérés
des « scientistes » d’aujourd’hui qui veulent se prendre pour Dieu en pensant que leur science pourra les sauver de tout… Mais c’est l’image de ce train lancé à toute vitesse autour de la planète
et qui transporte les derniers survivants de l’espèce humaine qui se révèle la parabole la plus saisissante : sans arrêt possible, cet habitacle de fer capable de transpercer la neige et réputé
indestructible est une image de l’arrogance humaine et de sa vanité, dans la mesure où il ne fait que tourner en rond éternellement… La disposition des passagers dans le train est en outre à
l’image même de notre monde, ultra-hiérarchisé et persuadé que les inégalités sociales sont au fond la meilleure façon de maintenir l’équilibre de toute chose : les pauvres sont confinés dans
leur crasse, leur bestialité et leur ignorance dans les « wagons » de queue, nourris avec des rations gélatineuses maronnasses dont on apprendra plus tard avec dégoût de quoi elles sont faites,
et les classes supérieures sont éduquées, diverties et bien nourries dans les « voitures » de tête… Un cerveau, situé à l’avant du train dans la locomotive, est persuadé de maintenir l’ordre
immuable du monde : une idée absurde et vaniteuse ?

Bon, au-delà de la réflexion métaphysique qui se décline avec une belle harmonie au gré du film, autant dire clairement que « Snowpiercer » demeure également une belle « machinerie » de
divertissement, pleine d’action, de bruit et de fureur, somptueusement mise en scène et habilement construite ! Le film retrace ainsi une rébellion des classes inférieures, qui remontent
progressivement les voitures pour dire que rien ne va plus à l’arrière du train. Entre les scènes de lutte à la violence puissante et les temps de répits dans les voitures étonnantes qui
constituent ce « train monde » (une serre, un aquarium, une salle de classe, une boîte de nuit…), la rage et le cynisme demeurent souvent au cœur d’un scénario sombre et désespéré… Les paysages
qui défilent par les vitres du train sont les répits qui permettent de suspendre le temps d’une intrigue dense et époustouflante ! On sort de cette œuvre passionnante à la fois très secoué,
ébouriffé et plein de questions sur ce qui nous distingue véritablement de l’animal… « Snowpiercer » est un grand divertissement populaire à l’intelligence évidente et parfois transcendante :
aussi essentiel que merveilleux !



Perspective :



- Mother, de Joon-ho Bong



- The Host, de Bong Joon-Ho































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11 commentaires:

  1. Papa tango charlie3 novembre 2013 à 04:43

    Quelle belle surprise cet inattendu snowpiercer. Chaque compartiment donne lieu à une atmosphère particulière avec des personnages qui nous sont parfois trop vite arrachés, quelle cruauté ! Mais
    cela contribue a la puissance des propos. Mention spéciale pour l'adjointe de M. Wilford, quel talent!

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  2. OMG j'ai adiré Snowpiercer. Surtout que j'ai été totalement pris par surprise. Un chouilla trop violent à mon goût quand même, mais je dirais qu'elle se justifie. Bravo pour ton analyse. C'était
    passionnant à lire.

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  3. Belle critique qui donne envie de voir ce film, qui semble passionnant !

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  4. J'ai adoré ce film .J'ai trouvé très interessant le déroulement des évènements d'une vie à travers les différents wagons .

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  5. Bonjour Phil, comme toi et d'autres, j'ai aimé ce film dont le scénario tiré d'une BD française (cocorico) tient toutes ses promesses. Et visuellement, c'est superbe. Bonne journée.

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  6. Et pourtant la bande-annonce n'a pas l'air très fine !..

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  7. Bon... et bien je serai peut-être l'unique (pour des milliers d'yeux?) à ne pas m'extasier devant ce film mais bien que ce que tu en dis et ce qu'en dit aussi son réalisateur soit vraiment
    passionnant, son scénario et ses dialogues en revanche m'ont semblé tellement plein d'incohérences et d'absurdités d'un bout à l'autre que ça m'a enlevé tout le plaisir d'un bon film de
    SF. Certes, c'est très beau et tout et tout, et la symbolique, bien sûr, mais franchement... il n'y a pas un peu du nanar dans ces scènes avec les méchants (vraiment très bêtes et très méchants)
    qui enlèvent leurs dents on ne sait pas pourquoi, qui sont blessés puis ne le sont plus, ou qui sont morts puis ne le sont plus donc se relèvent (pour rien) un quart d'heure avant la fin, et on
    en passe ? Ca déraillle aussi du côté des gentils (vraiment très bons et très gentils) et surtout du train lui-même dont on a dû nous cacher quelques wagons... Non vraiment, rien n'a de sens et
    rien ne va dans cette adaptation dont tu as sûrement la bonne (et très chouette) lecture mais qui m'a paradoxalement semblé n'avoir ni queue ni tête... (Quel est le comble pour un super train? ;)

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  8. Merci pour cette critique. Je pense que j'irai le voir.

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  9. Très bon, néanmoins je trouve que les conditions ferroviaires (tailles du train notamment) ne sont pas mieux traitées et gérées... 2/4

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  10. Ce film  l'air génial et je ne connais pas la BD. J'ai hate de le voir mais je crois que je l'ai loupé...

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  11. arf, y'aura le DVD peut-etre ? ;)

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