vendredi 15 novembre 2013

[Anniversaire] La Cinémathèque de Phil Siné : An IV


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J’ai quatre ans aujourd’hui. Je ne suis au fond encore qu’un enfant. Et je suis tout de même encore un peu jeune pour déjà penser à la mort… ou tout du moins à la finitude, des choses. Pourtant,
je pense que l’on n’a jamais assez de temps pour comprendre – et accepter – que tout ce que l’on peut faire n’est qu’une peine inutile et absurde en vue d’un achèvement inévitable. On devrait
toujours avoir conscience de notre mortalité, et surtout de notre ineptie… Cela rendrait probablement le monde meilleur, ou en tout cas moins laid.



"L'ineptie consiste à vouloir conclure. Nous sommes un fil et nous voulons savoir la trame." Cette citation de Flaubert nous rappelle combien nous sommes vaniteux et combien nous pensons pouvoir
tout prévoir… "Contentons-nous du tableau, c’est ainsi, bon." Il serait plus simple de se montrer moins pressé, moins affamé… un peu plus simple, ou modeste. Et accepter.



J’ai quatre ans aujourd’hui et je ne suis que le résultat de la folie d’un homme. Je suis le produit de son ambition, de l’affirmation de sa vanité, de son sentiment de grandeur… alors qu’il
n’est rien. Et moi dans tout ça ? Je ne suis que le produit d’un grand rien ? N’est-ce pas au fond encore moins que rien ? Et vous continuez à me lire, pauvres fous !



J’ai quatre ans aujourd’hui et je serais bien incapable de prédire mon avenir. Je ne sais pas où je vais, ni même si seulement je vais… Vous aurez certainement observé des signes de faiblesse de
ma part ces derniers temps. Je ne suis peut-être plus aussi régulier qu’avant, sans doute encore moins complet… mais la complétude est une chose tellement illusoire : pourquoi s’abîmer à lui
courir après, alors ? Je doute de demain, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de demain… Après tout, nous verrons bien ensemble de quoi demain sera fait pour moi…



J’ai quatre ans aujourd’hui et je suis un blog qui parle. Qui vous parle. Et qui vous rappelle que je ne signifie rien. Si je vous plais, ou que je vous apporte un peu de satisfaction, quelle
qu’elle puisse être, alors tant mieux… Mais ne comptez pas sur moi pour que tout cela dure éternellement ! Pas seulement parce que je ne le veux pas… mais plus certainement parce que je ne le
peux pas… Souvenez-vous toujours de l’impermanence de toute chose, et surtout acceptez-la : vous n’en vivrez que mieux !



"Vois comme la vie est éphémère
comme les nuages
juste un passage
une goutte d’eau nécessaire
au voyage"



1 an



2 ans



3 ans































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mercredi 13 novembre 2013

[Critique] La Vénus à la fourrure, de Roman Polanski



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La Vénus à la
fourrure



de Roman Polanski



(France, 2013)



Sortie le 13 novembre 2013




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Toute l’œuvre de Roman Polanski est traversée de personnages renfermés et souvent enfermés, donnant justement lieu à nombre de films tournés en huis clos : depuis « Le couteau dans l’eau », qui
se passe en grande partie sur un bateau, jusqu’au récent « Carnage », en passant par « Le
locataire » ou encore « La jeune fille et la mort »… C’est également le cas de cette « Vénus à la fourrure », pour laquelle le cinéaste ose encore aller plus loin, en situant l’action dans un
petit théâtre miteux et réduisant surtout la distribution à seulement deux personnages, dont l’un n’existe d’ailleurs probablement que dans l’imaginaire du second ! Extrêmement confiné, le long
métrage sait pourtant transformer la scène du théâtre en véritable plateau de cinéma, grâce à la maîtrise et l’intelligence de la mise en scène de Polanski, qui sait d’ailleurs toujours se faire
discrète et subtile : c’est ici le son d’une tasse de café imaginaire, là des perspectives ou des mouvements de caméra extrêmement précis…

Adapté d’une pièce de théâtre américaine, qui elle-même s’inspire du roman autrichien écrit en 1870 par Leopold von Sacher-Masoch (qui donna son nom au sado-masochisme), « La Vénus à la fourrure
» présente la confrontation d’un metteur en scène, désespéré de ne pas trouver la comédienne qui jouera sa Vénus, à une femme qui arrive en retard à l’audition et supplie de pouvoir la passer
malgré tout… Si Thomas, le metteur en scène, finit par céder à cette actrice qu’il commence par mépriser à cause de l’inconséquence et de la superficialité qu’elle incarne, il se retrouve très
vite troublé par son jeu, qui prouve qu’elle a tout compris à son personnage ! Leur échange se transforme progressivement en affrontement, glissant progressivement vers des rapports de
domination, où chacun devient tour à tour le bourreau et la victime, voire des jeux plus pervers et, comme il se doit en référence à l’auteur du texte d’origine, « masochistes »… Il est souvent
assez fascinant d’observer certains décalages et « ambivalences » entre le discours et les faits, le metteur en scène interprétant par exemple un homme soumis tout en dirigeant et dominant son
actrice, dont le personnage le domine…

Les dialogues du film, profondément inspirés, nourrissent bien des sujets et des réflexions, notamment sur les rapports humains : rapports homme-femme, rapport dominants-dominés, rapports
sadiques, lubriques, sensuels, indicibles, ambigus… Et tout cela se fait sur un ton de délicieuse comédie, rendant souvent les scènes et les échanges drôles et plaisants, quand ce n’est pas tout
simplement hilarants… Une atmosphère de plaisir à laquelle contribuent avec finesse et générosité les deux acteurs remarquables que dirigent avec brio Polanski : Mathieu Amalric, qui figure comme
un double du cinéaste lui-même, et la sublime Emmanuelle Seigner, femme du réalisateur, situation qui ajoute encore à la fascination de cette incroyable et fantasmatique « Vénus à la fourrure »,
incarnation probable de l’imaginaire et des désirs les plus profonds du personnage du metteur en scène !



Autres films de Roman Polanski :



Le bal des vampires (1967)



Carnage (2011)



The ghost writer (2010)



Rosemary’s Baby (1968)



Perspective :



Backstage : Emmanuelle Seigner sous les traits de Lauren Waks !































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lundi 11 novembre 2013

[Sortie DVD] Le Joli Mai, de Chris Marker et Pierre Lhomme



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Le Joli Mai



de Chris Marker et Pierre Lhomme



(France, 1963)



Sortie en DVD le 19 novembre 2013 chez Arte Editions




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coeur



Mai 1962 : Chris Marker et Pierre Lhomme déambulent dans les rues de Paris pour enregistrer plus de 50 heures d’images, qui seront finalement condensées en 2 et des poussières afin de constituer
ce « Joli Mai », un documentaire riche et fascinant sur la vie dans la Capitale à cette époque bien précise… Mais bien plus qu’un documentaire, les deux hommes proposent en réalité un objet
filmique kaléidoscopique d’une densité et d’une profondeur impressionnantes ! Composé de deux parties, raconté par la voix d’Yves Montand (dont une chanson sert également d’interlude au milieu du
film), « Le Joli Mai » est une errance tour à tour poétique et réaliste dans un Paris tout autant mythifié que démystifié…



Retrouvez la critique complète du film par Phil Siné en cliquant
ici !



Dans une très belle éditions cartonnées en double DVD, vous pourrez découvrir un certain nombre de compléments au film : deux courts-métrages montés à partir des rushes du film original ("Jouer à
Paris" et "D'un lointain regard"), des séquences coupées et un "Exercice de cinéma direct" commenté par Pierre Lhomme... en tout et pour tout, 3h27 passionnantes réparties sur deux DVD !



En partenariat avec Cinetrafic































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vendredi 8 novembre 2013

[Critique] Inside Llewyn Davis, d’Ethan et Joel Coen



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Inside Llewyn
Davis



d’Ethan et Joel Coen



(Etats-Unis, 2013)



Sortie le 6 novembre 2013




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« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage… » Dans « Inside Llewyn Davis », il se trouve qu’Ulysse est un chat, un gros et gentil chat roux que le héros de l’histoire laisse échapper de
l’appartement d’amis où il squattait pour la nuit… Et ce chat incarne probablement pour lui le secret de son âme… Après l’avoir trimballé un moment à bout de bras comme un lourd poids, laissé en
« dépôt » chez une autre amie (comme un objet dont on cherche à se débarrasser), le chat va lui échapper (par la première fenêtre laissée entrouverte). Il va ensuite croire le retrouver, mais les
propriétaires lui signaleront que ce n’est pas leur chat. Ce chat « inconnu », un peu « fake » ou un peu « fantôme », il commencera par s’en occuper avant de l’abandonner un peu lâchement,
persuadé peut-être qu’il faut abandonner les autres pour réussir dans son travail… Le hasard le remettra sur sa route, mais il le blessera par accident…

L’odyssée de ce chat, pétri de doubles et de paradoxes, est à l’image de Llewyn Davis, dont on suit la vie pendant à peu près une semaine. Llewyn est un brillant chanteur de folk dans le New-York
hivernal de 1961, partagé entre l’envie de réussir une carrière et la nécessité de gagner sa vie… Les deux semblent incompatibles pour lui, le film montrant ainsi que le talent ne suffit pas pour
briller, bien au contraire : Llewyn n’a probablement pas la tête de l’emploi pour vendre, selon les producteurs en tout cas… Le film des frères Coen, brillamment écrit et mis en scène, nous
emporte dans sa vie avec une simplicité presque désarmante, au point que l’on touche son intimité avec une pudeur troublante… La mélancolie qui émane du personnage touche, et ses maladresses, ses
errements, en font un être profondément humain… L’acteur Oscar Isaac lui donne une incroyable consistance…

« Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village / Fumer la cheminée, et en quelle saison / Reverrai-je le clos de ma pauvre maison ? » La suite du poème de Du Bellay reste elle aussi au cœur du
long métrage… Mais si le chat Ulysse finit par retrouver le chemin de la maison et de son doux foyer qui lui manquait certainement, on est troublé de voir Llewyn Davis aller de maison en maison,
passer tout le film à ne faire que chercher un foyer qui n’existe pas pour lui… Il s’agit sans doute là d’une des plus belles thématiques du film : un homme sans domicile fixe qui ne rêve au fond
que de se fixer quelque part, mais empêché de le faire par le destin… Il finit alors par tourner en rond, en cherchant à chaque fois à s’améliorer, comme semble nous le dire la curieuse
conclusion de ce superbe et passionnant « Inside Llewyn Davis »…



Autres films des frères Coen :



A serious man (2010)



True Grit (2011)































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mercredi 6 novembre 2013

[Jeu] Le Ciné-rébus # 32


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Réponse : L'odyssée de Pi



(l' - eau - dix - haie - 2 - pis)



Trouvé par π (ça tombe bien !)



Jouez et gagnez plein de cadeaux avec Phil Siné : guettez la publication des jeux sur le blog, soyez le premier à donner la bonne réponse en commentaire et accumulez un maximum
de points afin de choisir le lot que vous convoitez parmi la liste mentionnée un peu plus bas…



Règle du « Ciné-Rébus » : Déchiffrez le titre d’un film dans le rébus ci-dessus et gagnez un point si vous parvenez à être le premier à donner la bonne réponse en commentaire !



A partir de 3 points cumulés, vous pourrez choisir un cadeau parmi les suivants en en faisant la demande à 3615philsine@free.fr :
- 1 badge collector « I [love] Phil Siné » (3 points)
- 1 badge collector « I [star] Phil Siné » (3 points)
- 1 lot des 2 badges collector (4 points)
- DVD « The calling » de Richard Caesar (3 points)
- DVD  "Karaté Dog", de Bob Clark (5 points)
- DVD « Tropical Malady », d’Apichatpong Weerasethakul (5
points)
- 1 TV écran plasma 100 cm (1000 points)
- 1 voyage pour 2 personnes à Hollywood (1300 points)
- DVD « Sugarland Express » de Steven Spielberg (6 points)
- DVD « Le candidat » de Niels Arestrup (5 points)
- DVD "Killing Sharks" de Pat Corbitt et Gary J.
Tunnicliffe
(5 points)
- DVD "Jack Frost" de Michael Cooney (5 points)
- Coffret DVD Série "Le Caméléon" Saison 1 : épisodes 1 à 11 (8 points)
- DVD L’avion de l’Apocalypse, d’Umberto Lenzi (5 points)
- DVD Monster Brawl, de Jesse T. Cook (5 points)
- DVD Subwave, d'Anton Megerdichev (5 points)



Scores actuels :



MaxLaMenace_89 : 7 points



Cachou : 6 points



π : 6 points



Titoune : 4 points
Foxart : 4 points



Docratix : 2 points
Papa Tango Charlie : 2 points



Adèle de Saint-O : 2 points



Mister Loup : 2 points



Bruce Kraft : 1 point
Niko (de CinéManga) : 1 point
Squizzz : 1 point
FredMJG : 1 point
Marc Shift : 1 point
Cinédingue : 1 point



Maitre Savalle : 1 point



Dom : 1 point



Ronnie : 1 point



Stanley Schnitzler : 1 point



Romainst : 1 point



Zo : 1 point



Didi : 1 point



 



Bonne chance à toutes et à tous !































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[Critique] Interior Leather Bar, de James Franco et Travis Mathews



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Interior. Leather
Bar.



de James Franco et Travis Mathews



(Etats-Unis, 2013)



Sortie le 30 octobre 2013




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Aussi à l’aise comme petit ami d’Harvey Milk dans le film militant de Gus Van Sant que comme neuneu au sourire ultra-bright dans le sirupeux « Monde fantastique d’Oz » pour Disney, James Franco est tout de même un drôle
d’oiseau. On pourra dire de lui ce qu’on veut, il sait prendre des risques dans le cadre d’une carrière très atypique. Outre le métier d’acteur qu’on lui connaît, on s’étonne par exemple
d’apprendre qu’il a déjà réalisé un certain nombre de films, qui nous parviennent en France au compte-goutte : on a récemment pu voir « As I lay dying », une adaptation de Faulkner, qui, si elle
ne convainquait pas complètement, avait néanmoins le mérite de faire preuve d’une certaine recherche formelle… Et il en va de même avec cet « Interior leather bar », une vraie curiosité
co-réalisée avec Travis Mathews, dont la forme même offre un résultat tout à fait étonnant…

Il faut dire que le simple concept du film surprend par son aspect presque improbable : vouloir recréer aujourd’hui les quarante minutes de scènes que William Friedkin aurait coupé au montage du
film « Cruising (La Chasse) » afin qu’il ne soit pas classé X. Ces quarante minutes relèvent d’ailleurs presque du mythe, puisqu’elles n’ont fait l’objet d’aucune projection, qu’elles sont
supposées détruites et surtout que personne ne sait véritablement ce qu’elles montraient… sinon bien sûr la vie et les mœurs d’une partie de la population homosexuelle des années 80, adepte des
bars « cuir » et SM. Et c’est bien cette réflexion sur un mythe que nous montre « Interior Leather Bar », qui ressemble d’ailleurs plus à un vrai faux « making of » du tournage de ces scènes
coupées qu’à la projection de cette « re-présentation » (donc forcément fausse) de ces scènes supposées… Entre simulacres et mises en abyme vertigineuses, le film semble se plaire à se jouer de
nous et à nous étourdir !

Un peu comme dans « I Want Your Love » (premier long métrage de Travis Mathews),
les auteurs de « Interior Leather Bar » se livrent à un vrai questionnement de la place du sexe et de sa représentation dans un cinéma « mainstream » (ou tout du moins dans un cinéma qui ne soit
pas purement pornographique). Des séquences de sexe explicites, censées « simuler » celles qu’aurait tourné Friedkin pour « Cruising », émaillent ainsi les discussions des réalisateurs et des
acteurs autour de ces sujets et de leurs limites… Les limites des acteurs sont également évoquées : jusqu’où un acteur hétérosexuel peut-il par exemple s’investir dans un rôle d’homosexuel,
surtout s’il y a contact avec un autre homme, voir acte sexuel non simulé… James Franco lui-même (dont on aurait en outre bien aimé qu’il reste moins en retrait comme « réalisateur » et qu’il
s’investisse par exemple un peu plus dans son projet comme « acteur ») évoque notamment la lourdeur de cet héritage culturel, religieux et hétéronormatif qui nous a rendu si prude lorsqu’il
s’agit de la représentation au cinéma d’une chose pourtant aussi naturelle chez l’homme que le sexe ou le désir… Reste à savoir si ce genre de tentative, par trop confidentielle (une seule salle
diffuse ce film en France !), n’est qu’un coup d’épée dans l’eau ou saura laisser sa graine germer dans les terres trop sages d’un cinéma qui nous abreuve de violence mais manque cruellement de
chair…



Perspective :



- I Want Your Love, de Travis Mathews



Films avec James Franco :



- 127 heures, de Danny Boyle



- La planète des singes : les origines, de Rupert Wyatt



- Le monde fantastique d’Oz, de Sam Raimi



- Spider-Man, de Sam Raimi



- The Green Hornet (Le Frelon vert) 3D, de Michel Gondry































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dimanche 3 novembre 2013

[Critique] Snowpiercer : le transperceneige, de Bong Joon Ho



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Snowpiercer : le
transperceneige



de Bong Joon Ho



(Corée du Sud, 2013)



Le Jour du Saigneur # 132



Sortie le 30 octobre 2013




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coeur


Quand le réalisateur de « The Host » et « Mother » adapte une bande dessinée française avec des acteurs américains, ça donne «
Snowpiercer », un film atypique. Restant bien dans le cadre d’une production coréenne pour savourer sa liberté artistique (contrairement à beaucoup d’autres qui se sont un peu brûlés les ailes
dans une production américaine, à l’instar récemment de son compatriote Park Chan-wook avec «
Stocker »
), le nouveau film de Bong Joon Ho revêt pourtant une couleur inédite, révélant une grâce et une profondeur bienvenues dans le domaine de la science-fiction… Il est étonnant de
constater qu’avec des thématiques déjà exploitées diversement, le cinéaste livre une œuvre formellement nouvelle et scénaristiquement hautement symbolique !

En effet, l’histoire de « Snowpiercer » déborde de métaphores et de réflexions sur la vérité ou l’avenir de l’humanité… Certains trouveront peut-être les jour_du_saigneur_bis.jpgimages trop appuyées ou trop explicatives parfois, mais leur utilisation fait preuve d’une intelligence et d’une subtilité assez
fascinantes. Rien n’est vraiment nouveau dans le discours que tient le film, mais la diversité des thématiques exploitées et leurs mises en relation les unes aux autres s’avèrent tout simplement
passionnantes ! Rien que le contexte de départ, qui évoque brièvement la façon dont la Terre est devenue un gros glaçon invivable, est une belle critique des comportements souvent inconsidérés
des « scientistes » d’aujourd’hui qui veulent se prendre pour Dieu en pensant que leur science pourra les sauver de tout… Mais c’est l’image de ce train lancé à toute vitesse autour de la planète
et qui transporte les derniers survivants de l’espèce humaine qui se révèle la parabole la plus saisissante : sans arrêt possible, cet habitacle de fer capable de transpercer la neige et réputé
indestructible est une image de l’arrogance humaine et de sa vanité, dans la mesure où il ne fait que tourner en rond éternellement… La disposition des passagers dans le train est en outre à
l’image même de notre monde, ultra-hiérarchisé et persuadé que les inégalités sociales sont au fond la meilleure façon de maintenir l’équilibre de toute chose : les pauvres sont confinés dans
leur crasse, leur bestialité et leur ignorance dans les « wagons » de queue, nourris avec des rations gélatineuses maronnasses dont on apprendra plus tard avec dégoût de quoi elles sont faites,
et les classes supérieures sont éduquées, diverties et bien nourries dans les « voitures » de tête… Un cerveau, situé à l’avant du train dans la locomotive, est persuadé de maintenir l’ordre
immuable du monde : une idée absurde et vaniteuse ?

Bon, au-delà de la réflexion métaphysique qui se décline avec une belle harmonie au gré du film, autant dire clairement que « Snowpiercer » demeure également une belle « machinerie » de
divertissement, pleine d’action, de bruit et de fureur, somptueusement mise en scène et habilement construite ! Le film retrace ainsi une rébellion des classes inférieures, qui remontent
progressivement les voitures pour dire que rien ne va plus à l’arrière du train. Entre les scènes de lutte à la violence puissante et les temps de répits dans les voitures étonnantes qui
constituent ce « train monde » (une serre, un aquarium, une salle de classe, une boîte de nuit…), la rage et le cynisme demeurent souvent au cœur d’un scénario sombre et désespéré… Les paysages
qui défilent par les vitres du train sont les répits qui permettent de suspendre le temps d’une intrigue dense et époustouflante ! On sort de cette œuvre passionnante à la fois très secoué,
ébouriffé et plein de questions sur ce qui nous distingue véritablement de l’animal… « Snowpiercer » est un grand divertissement populaire à l’intelligence évidente et parfois transcendante :
aussi essentiel que merveilleux !



Perspective :



- Mother, de Joon-ho Bong



- The Host, de Bong Joon-Ho































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